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ACTUALITÉS

Comprendre la crise politique brésilienne

L’élection de Luis Inácio Lula da Silva à la présidence de la République du Brésil en 2002 fut le résultat de
l’opposition aux politiques néolibérales, comme dans de nombreux pays d’Amérique Latine à l’époque.
En plus du soutien de la classe travailleuse, sa candidature avait obtenu celui de secteurs du capital
industriel et national, affectés par l’internationalisation de l’économie. Au cours de la campagne, Lula
et le Parti des Travailleurs s'étaient engagés à conserver les bases de la politique économique.

              Fonctionnement et limites                    2008 a mis en échec ce modèle et la demande de
           du « néodéveloppementisme »                     « commodities » a fléchi, alors que les exigences
Au cours de ses deux mandats, Lula, réélu en 2006,         du capital financier empêchaient tout partage
a appliqué un projet qu’il est convenu d’appeler           équitable des revenus du pays. L’épuisement du
« néodéveloppementisme », exprimant l’idée que             « néodéveloppementisme » a été manifeste lors
« tout le monde y gagne ». Le gouvernement                 du premier mandat de Dilma Roussef, élue à la
répondait à des revendications des travailleurs,           succession de Lula.
telles que l’augmentation réelle des salaires et
l’aide à la création d’emplois ; il engageait des              L’après 2014 : les libéraux aux manettes ?
politiques compensatoires en direction des                 Les élections de 2014 ouvrent un débat sur
secteurs les plus pauvres ; il appuyait le capital         le projet économique. Dilma, candidate à
national par la reprise de l’industrie navale et           la réélection, propose le maintien du projet
la stimulation de grands travaux. Mais tout cela           néodéveloppementiste, accompagné de
sans toucher aux profits du capital financier et           propositions d'avancées sociales et d'une
en adoptant comme axe central la croissance                réforme des moyens de communication. Aécio
économique.                                                Neves défend le retour au néolibéralisme,
Un bon exemple du fonctionnement de cette                  par une baisse drastique des dépenses du
politique est le Pró-Uni, programme par lequel             gouvernement fédéral, des ajustements
le gouvernement fédéral achetait des places                économiques et fiscaux, des attaques contre les
vacantes dans des facultés privées, sans tenir             droits des travailleurs et l’emploi. La polarisation
compte de la qualité de l’enseignement, et les             des élections réunit autour de la candidature de
distribuait en guise de bourses gratuites à des            Dilma, au second tour, un vaste camp de gauche,
étudiants aux faibles revenus, atténuant ainsi             y compris des secteurs dissidents du PT et une
la pénurie de places dans les premiers cycles              partie du Partido do Socialismo e da Liberdade
universitaires et le manque à gagner des facultés          (PSOL). Le résultat des élections est donc un
privées. Autre exemple: l'exemption temporaire             signal pour un second mandat plus "à gauche".
d’impôts sur l'électroménager et l’offre de crédit         Or, après la victoire très serrée de Dilma Roussef,
ont permis d’augmenter la consommation et de               on assiste à la nomination dans le gouvernement
sauvegarder l’industrie pendant la crise de 2008.          de personnes engagées auprès du capital et à la
Jusqu'à la crise économique de 2008, le                    mise en œuvre de l’ajustement fiscal proposé
gouvernement de Lula a bénéficié d’une                     par l’opposition.
conjoncture économique internationale                      En effet, pour atteindre le sacro-saint excédent
favorable: il a pu augmenter les investissements           primaire que le capital financier exige, le
et les ressources en devises internationales sans          gouvernement promet d’ « économiser » 65
réduire les profits du capital financier, en stimulant     milliards de reais grâce à des coupes dans les
les « commodities » agricoles : soja, eucalyptus           investissements en éducation, assistance-
et éthanol, ouvrant de ce fait l’agriculture               chômage, pensions...
aux grandes entreprises transnationales et                 Le faible écart de voix au second tour, le succès
rendant impossible la réforme agraire. Avec les            des candidats de droite aux élections législatives
ressources provenant de la balance commerciale             et l’adhésion du gouvernement Dilma au
bénéficiaire, le gouvernement a développé une              programme du candidat battu, sont lus par
politique de crédit par le biais des banques               l’opposition comme des signes de faiblesse. Des
publiques en direction de la bourgeoisie                   groupes extrémistes de droite se développent
nationale et des travailleurs, renforçant ainsi le         et organisent de grandes manifestations dans
marché intérieur. Mais la crise économique de              les centres urbains en faveur de l’impeachment,
                                                           voire d’un coup d’État militaire. L'opposition

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