Page 13 - 128 40 ans Argentine
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La détention arbitraire
de la dirigeante indigène
et membre du Parlasur,
Milagro Sala, depuis le 15
janvier dernier, sur l'ordre
du gouverneur de Jujuy,
Gerardo Morales, est le
point culminant d'une
série de persécutions et,
y compris, d'un attentat
commis contre sa vie en
2013.
Accusée d’ «avoir perturbé l’ordre public» puis d’avoir détourné des fonds de l'Organisation Túpac Amaru,
dont elle est fondatrice, et de diriger un « État parallèle », elle n’a pu être emprisonnée que grâce à l'appui
du président néolibéral Mauricio Macri, dans le cadre de l’esprit de revanche de classe qu'il a imposé à
l'Argentine depuis son élection.
Malgré les réclamations de la population, d’intellectuels du monde entier, d'organismes internationaux
de défense des droits humains, de l'Organisation des États américains (OEA), du Parlasur, du Parlement
Européen et même du pape Francisco, qui, en signe de solidarité, lui a envoyé un rosaire, le gouvernement
refuse de libérer cette première prisonnière politique du régime.
La devise de l'organisation Túpac Amaru étant : « Travail, logement et santé pour le peuple », de sa prison,
Milagro Sala déclare : « ils ne supportent pas que nous soyons tous égaux et que nous ayons récupéré notre
dignité humaine ».
Gloria Seddon
Manifestation à Paris du 3 février 2016, organisée par les organisations France Amérique Latine, Hijos-Paris, ACAF.
émigrés des pays voisins, Bolivie et Paraguay, protégés mais autonome présidée par Adolfo Pérez Esquivel,
par des organismes de droits humains privilégiant une prix Nobel de la paix, a dénoncé dans son rapport
fausse « garantie juridique », utile à leur « vengeance » annuel : « Les tortures et les morts subies par des
lors des Procès de Lèse Humanité. Elle a ainsi retrouvé personnes prises dans le système pénal sont d’une
le terrain culturel semé par Videla et Cie : l’ennemi telle importance et d’une telle gravité qu’elles minent
du peuple, ce sont les militants et, maintenant, les le ciment même de l’ordre démocratique. L’Argentine
terroristes mais aussi les « narcoterroristes ». Macri souffre d’une profonde dichotomie entre sa condition
a déclaré la guerre culturelle aux militants, définis de référence internationale liée au processus de
comme des « employés publics payés à ne rien faire ». Un jugements des crimes de la dictature, et les attaques
climat social favorable à la persécution et au châtiment planifiées, systématiques et généralisées contre une
de ceux qui résistent au « changement » incarné par partie de la société civile, pour lesquelles l’impunité
le nouveau gouvernement est en train de renaître. judiciaire sera consacrée. Les tortures et les morts
L’emprisonnement de la militante et élue du Parlasur actuelles sont des crimes qui interpellent les valeurs
(le Parlement de Mercosur), Milagro Sala, au mépris de vérité, de justice et de mémoire ».
de la législation en vigueur, la privant brutalement du Macri vient rompre cette relation tendue entre
droit à un procès et de la présomption d’innocence, est Mémoire et Répression en favorisant plus de répression
le point central de cette incessante campagne. et en imposant l’oubli. Mais nous ne lui rendrons pas la
tâche facile, la lutte continue et les valeurs construites
Des méthodes qui ont fait leurs preuves. au cours de ces années de procès et de condamnations
Bien sûr tout n’est pas en rupture avec le passé sont un point d’appui pour inverser les choses : plus
récent ; Macri s’appuie sur le fait indiscutable que de Mémoire et aucune Répression : voilà le mot d’ordre
le gouvernement Kirchner a maintenu un appareil pour ce 40ème anniversaire.
policier et sécuritaire infesté de culture répressive et
de corruption massive. L’alliance entre les polices, les José Schulman
politiques et la mafia de la drogue remonte à loin et Secrétaire de la Ligue Argentine
se renforce actuellement. C’est le prétexte avancé par
Macri pour justifier ses accords avec le Mossad en des Droits de l'Homme
Israël, et avec la DEA, le FBI, et la CIA aux États-Unis ; (LADH)
c’est ce que faisait Videla et qui avait formellement été
interrompu dans la dernière décennie. Traduction : Colette Casado
En 2015, la Commission pour la Mémoire de la
province de Buenos Aires, une entité publique
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