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Macri, Videla, Martínez de Hoz :
des méthodes différentes ?
« Même les morts ne seront plus en sécurité face à l’ennemi lorsque celui-ci vaincra.
Et cet ennemi n’a pas fini de vaincre. »
Walter Benjamin.
Pourquoi Obama sera en Argentine le 24 mars.
La visite du président des États-Unis, les 23 et 24
mars, en Argentine, gouvernée par Macri, montre
très clairement que les violations massives des droits
humains des années 70 du siècle dernier ont laissé
des traces profondes qui permettent de parachever
symboliquement le Génocide. Selon Lemkin1, non
seulement il cherche à effacer l’identité d’un groupe
national, mais à faire que la victime assume celle
de l’agresseur. Obama vient en Argentine tel un
consul de l’Empire romain reprenant le plein contrôle
d’un territoire éloigné, convoité comme puissance
capitaliste qui produit aliments et énergie, et qui a joué
un rôle-clé dans les processus, aujourd’hui menacés,
d’intégration américaine sans la présence des États-
Unis. Ceux-ci, en effet, n’oublient pas qu’en 2005, à Mar
del Plata, les pays de la région ont dit non à l’ALCA2, à
George Bush et à sa cour impériale.
Mais pour les États-Unis, il y a plus. L’Argentine, dont le
peuple a su construire la mémoire de la violation des
droits humains, a toujours été un « cas d’étude ». Depuis
quelques années, les États-Unis cherchent à effacer le
caractère subversif de la mémoire construite comme
mémoire des luttes pour une patrie libérée du bloc au
pouvoir, en la réduisant à un simple rejet de la « violence
politique », comme l’a déclaré Macri lors de l’ouverture
de la session parlementaire.
Le gouvernement Macri, Videla, Martίnez de Hoz3:
des objectifs communs
Entre 1955 et 1975, se sont développées en Argentine
de nombreuses luttes sociales qui ont ébranlé la
stabilité de la domination capitaliste ; le très fort
impact de la Révolution cubaine a donné naissance à
des forces politiques qui proposaient de conquérir « la
patrie socialiste » ; face à la crise imposée au capitalisme
par ces luttes, axées sur le développement du marché
interne, et face aux défis des forces politiques, les Forces
Armées, le patronat local, le gouvernement des États-
Unis et ses agences de renseignement, les dignitaires
du clergé et d’autres décidèrent d’exterminer les
militants de toutes sortes, avec le résultat que nous ne
connaissons que trop : 30.000 disparus, des milliers de
torturés, de prisonniers, d’exilés et de gens poursuivis.
En 2016, Macri, dirigeant d’un groupe économique
parmi les plus puissants du pays, forme un
gouvernement avec des patrons et des hommes
d’affaires des principales entreprises, celles-là mêmes
1 Lemkin : juriste polonais qui définit, en 1943, le concept de « génocide ».
2 La zone de libre-échange des Amériques (en espagnol ALCA,
Área de Libre Comercio de las Américas) était un projet impulsé
par le gouvernement des États-Unis et prévoyait entre autres la
suppression des droits de douanes sur les produits manufacturés et
agroalimentaires.
3 Martínez de Hoz, ministre de l’ Économie de 1976 à 1981.
4 Cutral Có est une ville de la province de Neuquén en Argentine.
Général Mosconi est une ville du nord-ouest de l'Argentine, située dans
le département de General José de San Martín de la province de Salta.
5 Eugenio Raúl Zaffaroni est un avocat, criminologue et juriste
argentin. Il a été membre de la Cour suprême de Justice de 2003 à 2014
et est actuellement membre de la Cour Interaméricaine des Droits
Humains.
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qui en 1976 ont favorisé le coup d’état, et imposé le
Ministre de l’économie, Martínez de Hoz, qui a réduit
de façon drastique (de 50 à 30%) la part des travailleurs
dans le partage du revenu national.
Durant les trois premiers mois qui ont suivi son
élection, le nouveau gouvernement, au service des
dirigeants de Shell, la Banque Morgan, IBM, Monsanto,
Cargill, a effectué un transfert colossal de capitaux en
faveur des grands trusts, modifiant ainsi fortement
la répartition du revenu national, et favorisant le
processus de concentration et d’externalisation de la
richesse et de la propriété. L’économie est entrée dans
un processus d’inflation, provoquant le chômage et
l’appauvrissement de millions de personnes.
Contrairement au discours « républicain » de sa
campagne, Macri gouverne, en faisant fi du Congrès
national, par Décrets de Nécessité et d’Urgence. Il a
d’ores et déjà détruit presque tout le système public
de communications, et établi un Protocole de Sécurité
visant à sanctionner une forme de lutte sociale très
populaire en Argentine : les coupures de routes
(piquetes) apparues sous leur forme actuelle en 1994.
Le coup d’état de 1976 avait décimé les militants pour
freiner un cycle d’actions massives dans la rue et, même
à la fin de la dictature, la crainte de leur retour avait
limité la mobilisation populaire. Mais au moment des
privatisations et des licenciements massifs des années
90, les travailleurs ont découvert que, s’ils ne pouvaient
plus faire grève, ils pouvaient bloquer la circulation des
marchandises en faisant barrage sur les routes et dans
les rues. La méthode du « piquete » s’est alors étendue
de Cutral Có4 à Gral Mosconi et dans l’ensemble du
pays, touchant toutes les classes sociales.
En 2002, pour en finir avec les « piquetes » et vider
définitivement les rues du peuple, on assassine de
sang-froid, lors d’une manifestation, les militants
Dario Santillán et Maximiliano Kosteki. C’est un échec
politique qui provoque la crise de « gouvernabilité »,
ouvre la voie au gouvernement Néstor Kirchner et
marque le début d’un cycle qui se termine aujourd’hui
avec l’arrivée de Macri.
On attaque de nouveau un droit acquis que de
prestigieux juristes comme Zaffaroni5 ont défendu
comme étant légitime et légal, reconnaissant la
primauté de la défense des droits acquis sur le droit
individuel de circulation. Lors du premier bras de fer
entre le droit acquis et la nouvelle norme, le 24 février
dernier, c’est le droit des travailleurs de l’état qui a
prévalu et ces derniers ont pu manifester librement
contre les licenciements massifs, au grand dam des
« ultras ».
L’arme de l’ « insécurité »
La droite a su se remettre de la crise de 2001, qui avait
remis en question l’idéologie néolibérale et l’impunité
pour les crimes de la dictature. Elle a érigé en valeur
centrale, la sécurité, comprise comme une question
individuelle et menacée par les jeunes pauvres, les