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                         Gustavo Castro, l’ami et le compagnon de lutte de Berta,
                                enfin libéré des griffes de la justice hondurienne.

Victime collatérale de l’assassinat de Berta, le défenseur mexicain de l’environnement Gustavo Castro,
coordinateur d’Otros Mundos Chiapas/Les Amis de la Terre Mexique, a été retenu au Honduras pendant près
d’un mois, piégé dans la spirale de l’arbitraire des autorités de ce pays. L’alerte migratoire qui lui a été infligée le
7 mars, au motif qu’il devait rester au pays pour témoigner dans le cadre de l’enquête, a été levée le 31, au terme
d’une campagne de solidarité internationale dénonçant l’illégalité de cette mesure.
Fondée par Gustavo Castro en 2007, l’organisation Otros Mundos accompagne les populations du Chiapas
qui défendent leur territoire et leur environnement face à la multiplication de mégaprojets (mines, barrages,
monocultures) et promeut la construction d’alternatives écologiques. France Amérique Latine est liée à cette
association proche du COPINH depuis qu’elle y a envoyé son premier service civique en 2014.
Dans la nuit du 2 au 3 mars, Gustavo se trouvait chez Berta qui l’hébergeait durant le « Forum des Énergies
Alternatives » organisé à La Esperanza par le COPINH. Les deux compagnons de lutte que liaient plus de vingt
ans d’amitié avaient encore deux jours de fructueux débats devant eux quand deux hommes armés sont entrés
par effraction chez la défenseure lenca pour lui ôter la vie. Gustavo a reçu deux balles pendant l’attaque, qui ne
l’ont miraculeusement blessé qu’à l’oreille et à la main.
Survivant d’une tentative d’assassinat et traumatisé par la mort de son amie, le sociologue de 52 ans aurait
dû être traité comme une victime ayant le droit de retrouver sa famille au Mexique et de quitter au plus vite
un pays où il a frôlé la mort. Le 6 mars au matin, il se rend à l’aéroport de Tegucigalpa au terme de longues
et éprouvantes heures d’interrogatoires auxquelles il a été soumis en qualité de témoin du crime. Escorté par
l’ambassadrice et le consul du Mexique au Honduras qui assuraient sa sécurité, il s’apprête à prendre l’avion
pour rentrer chez lui, la justice ne lui ayant notifié aucune nouvelle procédure. Mais, juste avant son arrivée
à la douane, les autorités honduriennes le retiennent au motif qu’il doit subir un nouvel interrogatoire à La
Esperanza le lendemain.
Une fois son devoir accompli, surprise : le ministère de la justice lui inflige une alerte migratoire lui interdisant
de quitter le territoire pendant 30 jours pour continuer à collaborer avec la justice en tant que témoin de
l’assassinat de Berta. Une mesure qui n’est pas prévue dans le droit hondurien. Comme l’a expliqué son avocate
Ivania Galeano dans la presse, cette mesure constitue une « privation illégale de liberté » car « l’interdiction
de sortir du pays peut s’appliquer à des personnes inculpées ou poursuivies pour la commission d’un délit, ce qui
n’est pas le cas de Gustavo ». De plus, en tant que témoin mexicain d’un crime perpétré au Honduras, Gustavo
est en droit de collaborer avec la justice du Honduras depuis le Mexique, en vertu d’un Traité d’assistance
juridique mutuelle signé par les deux pays. Les gouvernements hondurien et mexicain ont ignoré ce texte dont
l’application aurait entraîné la levée immédiate de l’alerte. L’inaction du Secrétariat des Relations Extérieures
du Mexique a d’ailleurs été particulièrement critiquée.
Pendant 24 jours, Gustavo Castro est resté confiné dans l’ambassade du Mexique à Tegucigalpa, seul endroit du
pays où sa sécurité pouvait être assurée. Privé de sa liberté de mouvement et d’information claire sur le sort qui
allait lui être réservé, il a profondément souffert de ce cloisonnement et de l’angoisse de voir ses déclarations
retournées contre le COPINH ou contre lui. Seuls les témoignages de solidarité et les élans d’indignation
émanant d’organisations et de citoyens du monde entier l’ont aidé à tenir.
Las de voir la justice hondurienne ignorer les trois recours juridiques déposés contre l’alerte migratoire et inquiets
de voir cette mesure prolongée après le 6 avril, les avocats de Gustavo ont organisé une ultime conférence
de presse le 30 mars à Tegucigalpa dénonçant « l’abus de pouvoir » exercé par les autorités honduriennes.
Quelques heures plus tard, le ministère de la justice réclamait la levée de l’alerte au tribunal d’Intibuca, qui
l’avait émise. Le lendemain, le défenseur mexicain était de retour au Mexique, au grand bonheur de sa famille
et de son équipe. « De toute évidence, ma détention était ridicule, illégale et arbitraire », a-t-il déclaré lors de sa
première conférence de presse à Mexico le 4 avril. Pour lui, le plus important reste à venir : les résultats de
l’enquête. « Nous restons en attente d’une version crédible, qui satisfasse la famille de Berta, le COPINH, le peuple du
Honduras et l’opinion publique internationale », a-t-il rappelé.
Il est évident que pour être satisfaisante, l’enquête doit être orientée vers ceux qui menaçaient Berta depuis
longtemps déjà : les promoteurs du barrage Agua Zarca. Pour Gustavo, l’assassinat de son amie est « un exemple
de plus de la manière dont les transnationales, les grands intérêts qui se trouvent derrière l’activité extractive, sont
responsables de la criminalisation, de la mort et de la violation des droits de l’Homme des peuples indigènes et des
paysans. » Et ce, au Honduras aussi bien qu’au Chiapas, où Gustavo a perdu un très cher ami en 2009 : Mariano
Abarca, opposant à la compagnie minière canadienne Blackfire, victime d’un assassinat resté impuni.

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                                                                                     Journaliste, membre du Comité de FAL Paris

De nombreuses associations se mobilisent pour que le terrible assassinat de Berta Cáceres ne reste pas impuni.
Dans ce cadre, une rencontre internationale “Berta Cáceres Vive” a eu lieu les 13 et 14 avril à Tegucigalpa et le 15 avril dans la région
du fleuve Gualcarque.
FAL Mag invite ses lecteurs à retrouver les informations liées aux luttes et au terrible assassinat de Berta Cáceres dans le dossier
spécial sur le site internet de notre association :
http://www.franceameriquelatine.org/category/nos-campagnes/droits-des-peuples-indigenes/assassinat-de-berta-caceres-
droits-des-peuples-indigenes/

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