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Photo : DR
Une troisième fuite a eu lieu le 17 Février, cette
fois du côté de Jaén (Cajamarca) et a confirmé
de façon spectaculaire l'état catastrophique de
l’oléoduc. Officiellement, il s’agit d’une opération de
maintenance, néanmoins des images démontrent qu’il
y a bien eu un important déversement de pétrole.
Une catastrophe humanitaire en perspective
Ce que l’on constate sur le terrain, c’est que l'ampleur
de la catastrophe est sous-estimée par les ingénieurs
de Petroperú et par le gouvernement. Les employés de
la compagnie pétrolière et des dizaines de personnes
récupèrent le pétrole répandu partout. En outre, ils
font ce travail avec les mains, sans les protections
appropriées, mettant ainsi leur santé en grave danger.
On constate également que les équipes de Petroperú
sont plus préoccupées par la récupération du pétrole
que par le nettoyage des zones contaminées et l’aide
aux populations affectées.
Le déversement est estimé à 3000 barils, ce qui
représente 480 m3. Cela peut sembler peu de choses,
mais les images montrent l'ampleur de la catastrophe.
Les risques pour la santé humaine, la faune et la flore
sont très importants. En plus de la pollution des rivières,
des composants toxiques du pétrole s’évaporent
dans l'atmosphère, polluant ainsi l'air. La pollution
pénètre aussi dans le sol des champs, détruisant ou
contaminant durablement les cultures.
Réactions nationales et internationales
Au niveau national, le pays est plongé en pleine
campagne pour les élections générales dont le premier
tour a eu lieu le 10 avril, et les politiques ont, semble-
t-il, d’autres chats à fouetter. Seule, Verónika Mendoza,
candidate du Frente Amplio, s’est rendue sur place.
Des manifestations ont été organisées devant le siège
de Petroperú, mais la mobilisation à Lima sur ce thème,
comme pour les autres catastrophes écologiques
du pays, reste faible. Les organisations locales et
notamment l’AIDESEP (Asociación Interétnica de
Desarrollo de la Selva Peruana) demande qu’un
état d’urgence sanitaire soit instauré et que le
gouvernement prenne les choses en main.
L’ONG Amazon Watch a lancé une campagne
demandant au gouvernement péruvien d’assumer
ses responsabilités vis-à-vis des populations
locales et de l’environnement. Cette campagne a
reçu un appui de poids en la personne du célèbre
acteur Leonardo Di Caprio, ce qui a permis sa
médiatisation.
Extractivisme destructeur
Le gouvernement s’est contenté de verbaliser
la société nationale Petroperú avec une somme
ridicule de 12 millions de soles, mais jusqu'à
présent, on ne parle pas de poursuites judiciaires
contre les responsables de l’entreprise. Il n’est pas
non plus envisagé d'arrêter le transit du pétrole à
travers ce pipeline complètement hors d’usage,
au moins jusqu'à ce qu'une inspection complète
soit effectuée, que tout l'entretien et les rénovations
nécessaires soient effectués et que des normes
techniques renforcées et un véritable monitoring des
opérations soient mis en place. C’est à dire, que les
habitants du voisinage, vont continuer à vivre avec une
épée de Damoclès au dessus de leurs têtes. Ces faits
démontrent une fois de plus le marasme de la politique
extractiviste du gouvernement péruvien et son mépris
total pour la vie humaine et l'environnement.
Gérald Lebrun
Membre du Collectif Cajamarca
Résultats des élections péruviennes :
choix entre la peste et le choléra pour le 5 juin
Au premier tour, le score de Keiko Fujimori (39,73%), correspond
aux pronostics des dernières semaines. Les mobilisations massives
contre sa candidature, rappelant les graves violations des droits
humains, pendant le gouvernement de son père, Alberto Fujimori,
n’ont pu empêcher cette victoire.
La déception des militants du Frente Amplio (Front élargi)
était grande dimanche 10 avril. Ils avaient lutté jusqu’au bout
pour assurer un duel « droite-gauche » au 2ème tour. L’ascension
spectaculaire de leur candidate Verónika Mendoza incarnant
l’honnêteté et donnant une nouvelle image de la gauche
péruvienne avait créé cet espoir. Mais « Véro » avec 18, % des
votes n’a pas réussi à dépasser Pedro Pablo Kucynski, candidat
de « Peruanos para el Kambio », défenseur des multinationales
(21,3 %). L’unité de la gauche, réalisée dans la rue, avec
le collectif « Non à Keiko », ne s’est pas traduite au niveau
électoral, malgré la formation du Frente Amplio.
De nombreux militants, en particulier dans la région de Cajamarca,
avaient choisi d’appuyer Gregorio Santos, dirigeant des rondes
paysannes, président de la région, en détention préventive illégale
depuis presque deux ans, qui a obtenu 39,4 % des suffrages dans
sa région mais seulement 4% au niveau national.
Avec la disparition du parti nationaliste et la défaite historique
de l’APRA, ces élections marquent toutefois la réapparition de
la gauche sur la scène politique péruvienne et lui ouvre des
perspectives, tout d’abord comme force d’opposition .
Comment expliquer le succès du fujimorisme ? Comment le Frente
Amplio assurera-t-il une pérennité au mouvement? L’heure est
aux analyses mais le choix du nouveau Président de la République
se fera, le 5 juin prochain, entre deux candidats de droite :
autoritaire ou néo-libéral, peste ou choléra ? Et le gouvernement
qui assumera le pouvoir en juillet prochain n’hésitera sans doute
pas à utiliser l’appareil mis en place par le gouvernement Humala
pour accentuer la criminalisation des dirigeants et la répression
des mouvements sociaux. L’unité des forces progressistes en
défense des droits humains et environnementaux et la solidarité
internationale seront plus que jamais vitales.
Françoise Chambeu (Bureau National de France Amérique Latine)
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