🇵🇪 PĂ©rou : Violence institutionnelle et mobilisations (Revue de presse)
Depuis trois mois, le peuple pĂ©ruvien est en lutte malgrĂ© l’Ă©tat d’urgence : il exige la dĂ©mission de la prĂ©sidente Dina Boluarte, la dissolution du Parlement, de nouvelles Ă©lections et la convocation d’une AssemblĂ©e constituante. Les mobilisations sont marquĂ©es par de grandes rĂ©pressions de la part de la police, si bien que le Bureau des droits de l’homme de l’ONU s’est dit « très prĂ©occupĂ© par la montĂ©e de la violence ».
Revue de presse régulièrement actualisée. Les articles les plus récents sont en haut de page.
Voir aussi les communiqués de France Amérique Latine : Le peuple exige la liberté et la démocratie au Pérou (communiqué de France Amérique Latine / 3 février 2023) / Face à la grave crise politique au Pérou, FAL solidaire du peuple péruvien (Communiqué du 12 décembre 2022)
La prĂ©sidente Boluarte entendue pour la sanglante rĂ©pression des manifestations (RFI – 8 mars 2023)
Au Pérou, trois mois exactement après la destitution de l’ancien président Pedro Castillo, la présidente Dina Boluarte est visée par une enquête depuis deux mois pour génocide et homicide : en décembre puis en janvier, la répression des manifestations anti-gouvernementales a tué 48 civils et fait plusieurs centaines de blessés. La présidente Dina Boluarte a donc été entendue ce mardi 7 mars par la justice.

Une audition d’une heure a eu lieu mardi matin dans les bâtiments du Ministère public, Ă Lima. Les dĂ©clarations de la prĂ©sidente Dina Boluarte ne sont pas connues pour le moment.L’enquĂŞte vise Ă dĂ©terminer ses responsabilitĂ©s concernant les morts et les blessĂ©s lors des manifestations de dĂ©cembre et janvier. Les mĂ©dias locaux et les organisations de droits de l’homme affirment que la plupart des manifestants tuĂ©s l’ont Ă©tĂ© par des armes Ă feu de la police ou de l’armĂ©e. (…)
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L’ex-prĂ©sident Castillo, incarcĂ©rĂ©, est l’objet d’une procĂ©dure juridique et politique (Carlos Noriega / Página 12 / Traduction Ă€ l’Encontre – 7 mars 2023)
Ce mardi 7 mars, une audience aura lieu afin de prendre connaissance de la réquisition du procureur pour une deuxième détention préventive contre Pedro Castillo. L’ancien président est emprisonné depuis le 7 décembre, pour 18 mois, sous l’accusation de rébellion suite à sa tentative ratée de dissoudre le Congrès.
À cette occasion, le procureur demande trois ans de détention préventive pour corruption. Castillo est accusé d’avoir dirigé une organisation criminelle pour détourner des appels d’offres publics. Le ministère public l’accuse des délits d’organisation criminelle, de trafic d’influence et de collusion. Le procureur Uriel Terán a indiqué que, pour ces charges, l’ancien président pourrait être condamné à plus de 30 ans de prison.
Dans un entretien accordé à Página12, l’avocat de Castillo dans ce procès pour corruption, Eduardo Pachas, a accusé le gouvernement de Dina Boluarte d’être à l’origine de cette nouvelle demande de détention préventive de Castillo [pour comprendre le contexte et le sens de l’élection à la présidence de Castillo, il est possible de consulter l’article de Pablo Stefanoni publié sur ce site le 14 juin 2021, sous onglet Pérou]. «Ce n’est pas une question juridique, c’est une question politique. Il y a un ordre de la dictature pour maintenir le président Castillo en prison», a-t-il déclaré. L’ancien président a sollicité devant les instances internationales que sa détention actuelle pour rébellion soit annulée, arguant que la procédure régulière n’a pas été respectée lors de sa destitution de la présidence et de son emprisonnement. Le président du Conseil des ministres [depuis le 21 décembre 2022], Alberto Otárola, a publiquement exigé que le Congrès et le ministère public «accélèrent» la procédure d’accusations de corruption afin d’émettre un ordre de détention préventive pour maintenir Castillo en prison au cas où la justice internationale lui donnerait raison en remettant en cause la légalité de son incarcération actuelle. Quelques jours après cette immixtion ouverte de l’exécutif dans la procédure judiciaire pour corruption visant Castillo, le Congrès a approuvé l’accusation de corruption, levant son immunité et le ministère public a demandé une détention préventive.
Le ministère public affirme que Castillo a organisĂ© depuis son administration l’attribution de marchĂ©s publics en Ă©change du versement de pots-de-vin. Il souligne qu’il opĂ©rait avec sa famille et son entourage politique. Sa femme, Lilia Paredes, qui bĂ©nĂ©ficie aujourd’hui de l’asile au Mexique, ses trois beaux-frères et ses neveux et nièces sont inclus dans l’acte d’accusation. La belle-sĹ“ur cadette de Castillo, Yenifer Paredes, que l’ancien prĂ©sident appelle «ma fille», a Ă©tĂ© placĂ©e en dĂ©tention provisoire entre aoĂ»t et octobre de l’annĂ©e dernière. Elle fait toujours l’objet de poursuites. Ses ministres des Transports et du Logement, Juan Silva et Geiner Alvarado, sont Ă©galement inculpĂ©s. Ils ont de mĂŞme Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă une dĂ©tention prĂ©ventive d’une durĂ©e de trois ans. Juan Silva est en fuite depuis juillet de l’annĂ©e dernière. (…)
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PĂ©rou: les opposants Ă Dina Boluarte en route vers Lima pour une nouvelle journĂ©e d’action (RFI / 1er mars 2023)
Au Pérou, des manifestants du Sud du pays prévoient de nouvelles mobilisations dans la capitale ce 1er mars. Comme ils l’avaient fait, sans obtenir gain de cause, au mois de janvier. Ils demandent toujours la démission de la présidente Dina Boluarte, en poste depuis la destitution de l’ancien président Pedro Castillo le 7 décembre dernier.

Ils sont quelques centaines de manifestants en route pour la capitale afin de tenter une seconde « prise de Lima ». Des autobus ont Ă©tĂ© affrĂ©tĂ©s au dĂ©part de plusieurs villes du sud du pays : Ilave, Juli, Juliaca… , des districts de Pomapata, Yunguta, Sepita, etc, rapporte l’Agence France Presse. Les vidĂ©os circulent sur les rĂ©seaux sociaux, notamment TikTok.
Dans le sud du PĂ©rou, Ă quelque 1400 km de Lima, la mobilisation ne baisse pas. Depuis deux mois, la zone est paralysĂ©e. Blocages routiers, manifestations quasi-quotidiennes, grèves illimitĂ©es… quand, dans le reste du pays, la situation est quasiment revenue Ă la normale, rapporte notre correspondante, Juliette Chaignon. (…)
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PĂ©rou. «Pas d’élections anticipĂ©es. La prĂ©sidente et l’extrĂŞme droite choisissent l’ordre rĂ©pressif» (Carlos Noriega / Página 12 / Traduction Ă€ l’Encontre – 19 fĂ©vrier 2023)
Un jour après que le Congrès a clôturé, le 17 février, la session de la législature sans approuver la tenue d’élections anticipées en 2023, de nouvelles manifestations ont occupé les rues de Lima et d’autres villes. Au moment de mettre sous presse [le 18 février], la répression contre les manifestant·e·s, qui se comptaient par milliers dans le centre de la capitale, commençait.
Dina [Boluarte, présidente], assassine, combien de morts encore avant que tu ne démissionnes?», scandaient-ils. De lourds cordons de police avaient bloqué les rues et les places du centre pour empêcher une manifestation pacifique.
Une récente ordonnance du maire de Lima, Rafael López Aliaga, chef du parti fasciste Renovación Popular (RP), interdit les manifestations dans le centre, qui est depuis des semaines le théâtre de protestations massives contre le gouvernement et le Congrès. Malgré cette interdiction, qui s’oppose au droit constitutionnel de manifester, des milliers de personnes l’ont fait samedi 18 février. La loi offre une «couverture légale» à la répression policière des manifestations pacifiques. C’est une constante depuis le début des mobilisations. Il y a quelques jours, Rafael López Aliaga a rencontré la présidente Dina Boluarte.
Le maire – également issu du parti RP – du quartier historique de Miraflores [un des 43 districts de la province de Lima, un district résidentiel créé au milieu du XIXe siècle], autre point de ralliement des manifestant·e·s, a suivi la même voie autoritaire que le maire de Lima. Mais ce samedi encore, un groupe de manifestant·e·s est arrivé dans ce quartier, où il y avait une forte présence policière. L’objectif de ces règlements interdisant les manifestations pacifiques est de démobiliser les contestataires, ce qui n’a pas été réussi. Au cours des deux derniers mois, la réponse répressive a été permanente, y compris les tirs sur les manifestant·e·s, qui ont tué 48 personnes, la plupart dans les régions andines.
La rue réclame une élection présidentielle et parlementaire anticipée, prévue pour 2026. Or, une majorité populaire – 73% selon un récent sondage – exige qu’elles aient lieu cette année. Au Congrès, un secteur de droite a bloqué cette possibilité. Après que quatre propositions visant à avancer les élections ces dernières semaines n’ont pas réussi à obtenir les votes nécessaires, vendredi 17 février – le dernier jour de la session de la législature – une proposition a été présentée pour relancer le débat.
La gauche dans son ensemble et certains secteurs de droite ont soutenu la relance du dĂ©bat au Congrès et le vote sur l’anticipation des Ă©lections. Le dĂ©putĂ© d’extrĂŞme droite et amiral Ă la retraite Jorge Montoya a appelĂ© Ă rĂ©examiner le vote qui a approuvĂ© la proposition. Le prĂ©sident du Congrès, le gĂ©nĂ©ral Ă la retraite JosĂ© Williams, un autre militaire d’extrĂŞme droite, au lieu d’organiser un second vote qui aurait confirmĂ© ce qui avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© approuvĂ©, a repris la demande de Montoya, gelant ainsi la question de l’anticipation des Ă©lections. Le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Williams a bouclĂ© la boucle en ajournant de manière surprenante la session, sans annoncer sa prolongation jusqu’au 28 fĂ©vrier – la prochaine session commence le 1er mars – pour laisser le temps au dĂ©bat. (…)
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Leer en español Perú ya no tendrá adelanto de elecciones este año
Amnistie prĂ©sente des « preuves » d’exactions contre des manifestants (La Presse / AFP – le 15 fĂ©vrier 2023)
Amnistie internationale a présenté mercredi à la présidente du Pérou, Dina Boluarte, des « preuves » d’exactions des forces de l’ordre qui ont tiré et « à plusieurs reprises » tué des manifestants.

« Nous avons présenté les preuves que nous avons réunies selon lesquelles les forces de l’ordre ont fait un usage de la force excessif, disproportionné et à plusieurs reprises létal, utilisant leurs armes contre des personnes qui protestaient », a déclaré Erika Guevara, directrice des Amériques chez Amnistie, à l’issue de sa rencontre avec la présidente Boluarte.
« La présidente Boluarte a assuré n’avoir à aucun moment donné l’ordre d’utiliser des armes létales pour contrôler les manifestants », selon Erika Guevara.
Des preuves ont pu être réunies sur 46 cas de violations des droits de la personne, selon Amnistie qui a recueilli des témoignages de victimes de la répression et de leurs familles à Lima (centre), Ayacucho, Andahuaylas et Puno (sud-est) et s’est basée également sur les preuves réunies par les autorités péruviennes.
Une enquête a été ouverte pour savoir si les forces de sécurité ont tué des manifestants lors de la répression de manifestations antigouvernementales le 15 décembre, avait annoncé lundi le bureau du procureur du Pérou, après des informations d’un média local selon lequel plusieurs personnes ont été abattues par des soldats.
L’enquête, menée par un service du parquet spécialisé dans les droits de l’homme du département d’Ayacucho (sud), vise le personnel de la police et de l’armée.
Selon le bureau de l’Ombudsman pĂ©ruvien, au moins huit personnes, dont un mineur, ont Ă©tĂ© tuĂ©es Ă Ayacucho lors d’affrontements avec les forces de sĂ©curitĂ© le 15 dĂ©cembre alors qu’elles manifestaient pour la dĂ©mission de la prĂ©sidente Dina Boluarte. (…)
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PĂ©rou. Le peuple toujours dans les rues. Le Congrès ne rĂ©agit pas. L’autoritarisme s’affirme. (Página 12 / Traduction par Ă€ l’encontre – le 6 fĂ©vrier 2023)
Par Carlos Noriega (Lima)
Les organisations de défense des droits de l’homme accusent le gouvernement de commettre des crimes contre l’humanité avec l’autoritarisme et la militarisation croissants qu’il a mis en place.
Le Congrès, à majorité de droite, continue de tourner le dos au pays. Au milieu de manifestations massives exigeant la démission de la présidente Dina Boluarte et la tenue d’élections cette année, qui ont fait plus de cinquante morts en deux mois, le Parlement a refusé d’avancer les élections présidentielles et parlementaires.
Quatre projets de loi de ce type ont été bloqués par une majorité de législateurs. Le dernier d’entre eux a été rejeté vendredi. Une décision qui clôt la possibilité de faire baisser la tension sociale. L’indignation populaire grandit. Sans élections anticipées, l’exécutif et le Congrès devront rester au pouvoir jusqu’en 2026.
Il existe un consensus sur le fait que cette situation n’est pas tenable. Ou bien, seulement viable avec la prolongation et le durcissement d’une répression que les organisations des droits de l’homme accusent de commettre des crimes contre l’humanité ainsi qu’avec la consolidation de l’autoritarisme et de la militarisation que le gouvernement a mis en place.
Dina Boluarte refuse de démissionner
Dans ce scénario, les revendications se multiplient pour la démission de Boluarte, pas seulement dans les rues, ou encore sa révocation par le Congrès.. Cela obligerait à des élections cette année. Jusqu’à présent, la présidente a refusé de démissionner. Elle ne s’est pas exprimée après que le Congrès ait rejeté sa proposition d’avancer les élections. La gauche a déposé une motion au Congrès visant à mettre en examen de Dina Boluarte pour «incompétence morale» en raison des morts dues à la répression. Avec le soutien de la droite au gouvernement, il est difficile d’obtenir les 87 voix – deux tiers du parlement monocaméral – pour la faire passer. Mais la pression de la rue pourrait changer ce scénario.
Après l’abandon des élections anticipées au Congrès, des manifestations ont eu lieu ce samedi 4 février à Lima et dans d’autres villes du pays. Des milliers d’habitants venus de l’intérieur du pays pour faire entendre leur voix dans la capitale après des semaines de protestations dans les différentes régions, notamment dans les Andes, ont joué un rôle de premier plan dans les manifestations de Lima,. Elles se déroulent quotidiennement depuis plus de deux semaines. Les blocages de routes se poursuivent, notamment dans le sud du pays, où les manifestations ont commencé en décembre 2022, après la destitution de Pedro Castillo et son remplacement par Dina Boluarte, désormais alliée de la droite. Une grève nationale a été «convoquée» pour le 9 février. Dans les régions du sud, comme la région andine de Puno, une grève illimitée est en cours depuis plusieurs semaines.
«Dina, assassine, dĂ©missionne», «Congrès corrompu, dĂ©gage», sont des revendications qui se font entendre bruyamment dans les rues du pays. Les protestations ont Ă©tĂ© durement rĂ©primĂ©es. Plus de 50 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es au cours des manifestations, dont 46 par des tirs de la police et de l’armĂ©e, et une personne a eu le crâne brisĂ© par une grenade lacrymogène tirĂ©e Ă bout portant par un policier. Boluarte a justifiĂ© la rĂ©pression et a soutenu Ă plusieurs reprises les forces de sĂ©curitĂ©. (…)
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PĂ©rou. Ă€ Lima, la police tue un manifestant. La droite protège la prĂ©sidente. La droite et une partie de la gauche bloquent une sortie institutionnelle momentanĂ©e (Página 12 / Traduction par Ă€ l’encontre – le 30 janvier 2023)
Par Carlos Noriega (Lima)
Les manifestations exigeant la démission de la présidente Dina Boluarte et des élections cette année ajoutent un nouveau décès suite à la répression. Cette fois, il s’est produit à Lima.

Victor Santistebán, 55 ans, est mort d’un coup à la tête qui lui a fracturé le crâne. Les manifestations qui ont débuté en décembre ont fait 58 morts, dont 47 sont le résultat de la répression directe policière et militaire. Il y a également un policier mort et dix citoyens qui sont décédés parce qu’ils n’ont pas pu recevoir à temps des soins médicaux ou à cause d’un accident dû aux multiples barrages routiers.
Victor Santistebán est la première victime à Lima. Les protestations ont commencé en décembre 2022 dans la région sud des Andes, se sont étendues à d’autres régions et, depuis onze jours, se concentrent dans la capitale. Dina Boluarte refuse de démissionner, la majorité au Congrès bloque la tenue d’élections anticipées cette année [voir l’article publié sur ce site le 29 janvier] et les protestations s’intensifient.
Samedi, la manifestation anti-gouvernementale a été massive à Lima. La répression, une fois de plus, s’est déchaînée. La police tirait sans discernement des grenades lacrymogènes, dont beaucoup avec un angle de tir dirigé vers le corps, tirant des chevrotines à bout portant, frappant les personnes arrêtées. Ce qui, dans l’après-midi, avait commencé comme une mobilisation de masse pacifique, s’est transformé dans la soirée en une bataille après que la répression policière a été déployée pour interrompre la dynamique de la manifestation. La police a attaqué avec des gaz lacrymogènes et des chevrotines, les manifestants ont répondu avec des pierres, des bâtons et quelques fusées. C’était une bataille inégale.
Diffusion en direct
Une chaîne d’information télévisée diffusait en direct ce qui se passait dans le centre de la ville. Un groupe de manifestant·e·s faisait face à un contingent de police, ils ne jetaient pas de pierres, rien. Soudain, une détonation a été entendue et une personne s’est effondrée sur le sol. Il y avait une agitation, des cris, du désespoir. Puis la chaîne a changé le plan et a coupé la diffusion en direct. Elle n’a pas retransmis ce qui se passait lors de la manifestation. Le journaliste qui rapportait ce qui se passait décrivait les manifestants comme des personnes violentes qui attaquaient la police et justifiait la répression policière. C’est le discours dominant dans les médias locaux grand public.
Brigades médicales volontaires
Il a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© plus tard que l’homme tombĂ© Ă terre – que la tĂ©lĂ©vision voulait ne pas montrer – Ă©tait VĂctor Santistebán. Il avait subi un choc qui lui avait brisĂ© le crâne. Quelques minutes plus tard, il est mort. Une vidĂ©o rendue publique par le mĂ©dia en ligne Wayka montre comment Victor tombe lorsqu’il se trouve avec un groupe de personnes qui s’éloignent des gaz lacrymogènes que la police lance Ă quelques mètres de lĂ . On aperçoit un flash venant de l’endroit oĂą se tiennent les policiers et qui frappent Victor. Il s’effondre. Ă€ cĂ´tĂ© de lui, de la fumĂ©e a commencĂ© Ă s’élever, comme celle des grenades lacrymogènes. Puis on a pu suivre le dĂ©roulement du drame: avec des cris de «ils l’ont tuĂ©, ils l’ont tué» et des appels Ă l’aide dĂ©sespĂ©rĂ©s. Victor a Ă©tĂ© soignĂ© sur place par des mĂ©decins qui ont formĂ© des brigades de volontaires pour aider les personnes blessĂ©es lors des manifestations. «Il est vivant, il est vivant», peut-on les entendre crier. Les mĂ©decins s’occupent de lui, lui bandent la tĂŞte et l’emmènent Ă l’hĂ´pital. Les gens crient «laissez passer, laissez passer». Victor est mort peu après Ă l’hĂ´pital.
La mort de Victor Santistebán a été annoncée à dix heures du soir samedi. La répression et les affrontements duraient depuis plusieurs heures. Le docteur Antonio Quispe, qui coordonne une des brigades médicales, a soigné Victor Santisteban à l’endroit où il est tombé mortellement blessé. «Nous avons fait ce que nous pouvions, mais le patient présentait un traumatisme crânien grave avec exposition de la masse encéphalique. En termes simples, ils lui ont fait sauter la cervelle», a déclaré Antonio Quispe dans un message après avoir appris la mort de Victor Santistebán. Dans un autre message, il rendait hommage au manifestant décédé: «Ils vous ont tiré dans la tête alors que vous étiez complètement sans défense. Mes brigadistas et moi sommes dévastés par votre décès.»
Devant l’hĂ´pital oĂą Victor et d’autres blessĂ©s ont Ă©tĂ© emmenĂ©s, un rassemblement a Ă©tĂ© improvisĂ©, une veillĂ©e pacifique. Plus de 30 personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es. Un blessĂ© grave, qui souffre Ă©galement d’une fracture du crâne, est toujours aux soins intensifs. La police est arrivĂ©e au centre de santĂ© et a violemment attaquĂ© les personnes prĂ©sentes sur les lieux. (…)
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PĂ©rou. Le CNDDHH documente la politique Ă©tatique, raciste, de rĂ©pression (Ă€ l’encontre – le 27 janvier 2023)
Par Carlos Noriega (Lima)
Le Comité national de coordination des droits de l’homme (CNDDHH) qualifie de «crimes contre l’humanité» la réponse répressive du gouvernement aux manifestations exigeant la démission de la présidente Dina Boluarte et la tenue d’élections en 2023.
Dans un rapport présenté jeudi 26 janvier, l’organisation reconnue de défense des droits de l’homme dénonce les massacres, les exécutions extrajudiciaires, les détentions arbitraires, la torture, les traitements dégradants et les violences sexuelles dont sont victimes les détenu·e·s. Des menaces et des actes de harcèlement visant des avocats des personnes arrêtées et des militant·e·s des droits de l’homme sont également signalés. Des accusations arbitraires de terrorisme sont lancées contre des manifestant·e·s. La militarisation du pays et le soutien du gouvernement aux forces de sécurité accusées de tirer sur la population sont remis en question.
L’impunité assurée
Le CNDDHH souligne qu’il n’existe aucune garantie que justice soit faite pour les crimes commis par le gouvernement et les forces de sécurité, car le bureau du procureur général et le système judiciaire sont alignés sur le régime. Ce rapport sera soumis à la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) et au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Au total, 57 personnes ont été tuées depuis le début des protestations en décembre, d’abord dans la région andine du sud, puis dans une grande partie du pays, notamment à Lima, où des manifestations antigouvernementales de masse ont lieu quotidiennement depuis une semaine. Manifestations durement réprimées. Parmi ces décès, 46 personnes ont été tuées par des tirs des forces de sécurité. Un policier a été tué. Près d’un millier de personnes ont été blessées. Le CNDDHH affirme que la réponse de l’État aux mobilisations sociales «a été d’une brutalité sans précédent dans l’histoire de la démocratie dans le pays au cours du présent siècle».
Il dénonce un «usage arbitraire de la force», notamment l’utilisation de fusils automatiques non autorisés pour les manifestations sociales. Également des chevrotines tirées sont tirées à bout portant et des grenades lacrymogènes lancées visant des manifestants. Il en résulte un nombre élevé de décès et de blessures.
«Les responsables du gouvernement, loin de mettre fin aux violences et de démasquer les auteurs, cautionnent et encouragent les actions des forces de sécurité», dénonce le rapport du CNDDHH.
Parmi les cas d’abus policiers signalés, citons celui de huit détenus de la ville andine d’Andahuaylas «brutalement battus pendant leur détention» et exposés sans abri au froid extrême de cette région; des détenus aux jambes couvertes d’ecchymoses provoquées les coups reçus pendant leur détention; des détentions dans des locaux de police «dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine»; un cas d’«agression sexuelle répétée»; des «attouchements inappropriés et des fouilles intimes» de femmes détenues à l’Université de San Marcos [qui a été occupée par les forces de police].
«Tous les droits sont violés»
«Je crois qu’il n’y a aucun droit dans le catalogue des droits de l’homme qui n’ait pas été violé. Les familles des victimes ont droit à la justice, à des réparations et à la vérité. Ils ont le droit de savoir ce qui s’est passé, d’où vient l’ordre, car il y a une consigne pour cette action, ce n’était pas juste deux ou trois policiers détraqués en vadrouille. Les responsables de ce massacre doivent être poursuivis et finir en prison comme il se doit, cela peut prendre quelques années, mais ce sera leur place», déclare Jennie Dador, secrétaire exécutive du CNDDHH.
Le ministère public a ouvert une enquête sur les meurtres commis pendant la répression, qui concerne Dina Boluarte et ses ministres. Mais la procureure générale, Patricia Benavides, suscite plus de doutes et de suspicions que de confiance. Très active par le passé en envoyant des messages accusant l’ancien président Pedro Castillo de corruption, elle fait désormais silence. Elle a également réduit le nombre de bureaux de procureur qui doivent enregistrer les plaintes pour violation des droits de l’homme, cela en leur retirant des ressources et du personnel. Les doutes ne visent pas seulement le bureau du procureur général. L’ancien chef de cabinet de Dina Boluarte, Pedro Angulo, l’un des accusés des massacres, est désormais conseiller principal du Conseil national de la Justice, qui nomme et évalue les juges du système judiciaire. Au Congrès, une commission enquêtera sur la répression, mais elle sera nommée par la majorité de droite qui soutient Dina Boluarte et applaudit la répression.
«Nous n’avons pas confiance dans le procureur gĂ©nĂ©ral, ni dans le système judiciaire. Il n’y a pas d’indĂ©pendance des pouvoirs, ce que nous avons, c’est l’hĂ©gĂ©monie d’un seul pouvoir. L’enquĂŞte qui aboutira au Congrès ne suscite aucun espoir», dit Jennie Dador. Elle souligne que les plaintes concernant les dĂ©cès causĂ©s par la rĂ©pression pourraient ĂŞtre dĂ©posĂ©es devant les tribunaux internationaux si le système judiciaire national ne progresse pas. Elle souligne que cette internationalisation pourrait ĂŞtre accĂ©lĂ©rĂ©e si une plainte est dĂ©posĂ©e devant la Cour pĂ©nale internationale, mais elle prĂ©cise qu’elle doit ĂŞtre dĂ©posĂ©e par un État. (…)
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Assaut sur un campus, fermeture de Machu Picchu: la crise s’aggrave au PĂ©rou (RFI – le 22 janvier 2023)
Ă€ Lima et dans le reste du PĂ©rou, les manifestants continuent de demander la dĂ©mission de la prĂ©sidente par intĂ©rim Dina Boluarte. Samedi 21 janvier, plusieurs manifestants sont dĂ©cĂ©dĂ©s, portant le bilan total Ă 56 morts et plusieurs centaines de blessĂ©s depuis le dĂ©but du mouvement, mi-dĂ©cembre. Dans la capitale, quelques centaines de manifestants ont Ă nouveau dĂ©filĂ©, protestant notamment contre l’intervention de la police sur un campus.

Les images tournent en boucle sur les rĂ©seaux sociaux. Un vĂ©hicule blindĂ© de la police nationale enfonce la porte 3 de l’universitĂ© de San Marcos, dans la capitale du PĂ©rou. Des dizaines de policiers, casquĂ©s, boucliers Ă la main, entrent sur le campus.
Depuis trois jours, les Ă©tudiants occupaient les lieux. Ils y empilaient des dons alimentaires et permettaient aux manifestants, venus du centre et du sud du pays, de dormir sur place, contre l’avis de l’universitĂ©.
Quelques minutes après son entrĂ©e, la police ordonne Ă des manifestants de s’allonger Ă plat ventre. Et de se taire. Dans un communiquĂ©, la direction de l’Ă©tablissement justifie l’intervention par le contexte d’Ă©tat d’urgence.
Plus de 200 étudiants et manifestants sont encore retenus par la police. Dont certains dans les services de lutte anti-terroriste. Samedi soir, à Lima, des manifestants ont donc protesté devant la préfecture pour réclamer leur libération.
Le comitĂ© national de dĂ©fense des droits humains dĂ©nonce « une action arbitraire et un abus de pouvoir des forces de l’ordre ». L’organisation dĂ©plore aussi des gardes Ă vue sans accès Ă un avocat. (…)
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Le PĂ©rou dans l’impasse: les manifestations continuent, le blocage politique perdure (RFI – le 21 janvier 2023)
Au Pérou, les manifestations contre le pouvoir de Dina Boluarte continuent. Après une journée de protestation nationale jeudi 19 janvier à Lima, la présidente contestée a de nouveau pris la parole pour appeler au calme, tout en condamnant les manifestants les plus violents. Mais vendredi, de nouveaux rassemblements ont eu lieu. Entre le pouvoir et les partisans du président déchu Pedro Castillo, aucun dialogue ne semble possible.

Comment expliquer le dialogue de sourds entre le pouvoir et les partisans du président déchu Pedro Castillo ? Pour Roman Perdomo, du centre de recherches internationales de Sciences Po, la classe politique est déconnectée du pays.
« Même au-delà du cas de Dina Boluarte, je pense qu’on peut parler de déconnexion de la classe politique et elle n’est pas nouvelle au Pérou, explique Roman Perdomo, au micro de Mickaël Ponge. La crise politique que traverse le pays depuis six ans est catalysée par des hommes et des femmes politiques de mauvaise qualité, qui parviennent plus facilement à se mettre d’accord sur des intérêts personnels que sur un projet pour le pays. Et le dialogue social aussi est rendu difficile par une culture politique qui criminalise les formes d’opposition et de dissidences, depuis les années de conflit armé en 1980 ; mais aussi par un contexte de racisme, de classisme structurels de la société péruvienne qui contribuent à ce que les revendications de l’autre ne soient pas considérées comme légitime, ce qui génère une réponse par la violence. »
Le gouvernement est pour l’instant en dissonance avec les revendications des manifestants, mais sa position peut changer, selon Roman Perdomo. « Il peut encore toujours changer de cap. Par exemple, en reconnaissant les manifestations comme lĂ©gitimes, et surtout en donnant des garanties qu’il s’agit d’un gouvernement de transition et qu’il va y avoir des Ă©lections de façon imminente. Et bien sĂ»r, que des comptes soient rendus pour les cinquante morts depuis un mois. »
Les manifestations contre la prĂ©sidente Dina Boluarte se poursuivaient vendredi soir Ă Lima comme dans le reste du PĂ©rou, au lendemain d’un grand rassemblement, jeudi, dans la capitale. Ă€ Lima, oĂą plus de 10 000 policiers ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©s, trois personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es, rapporte notre correspondante, Juliette Chaignon.
Des affrontements violents, ressemblant Ă des scènes de bataille, se sont aussi dĂ©roulĂ©s Ă Arequipa, deuxième ville du pays. L’aĂ©roport de Cuzco, capitale touristique du pays, a rouvert ses portes Ă la mi-journĂ©e hier, mais le train vers le cĂ©lèbre site du Machu Picchu est toujours suspendu. Au moins 300 touristes Ă©trangers et locaux sont bloquĂ©s dans la zone. (…)
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PĂ©rou. Quand la majoritĂ© populaire, indigène, est qualifiĂ©e de terroriste et est rĂ©primĂ©e (Ă€ l’Encontre – le 20 janvier 2023)
«Dina [Boluarte] meurtrière, le peuple te rejette», a scandé une foule bruyante qui a manifesté dans les rues de Lima jeudi 19 janvier : le slogan a été repris dans différentes villes du pays. Munis de drapeaux péruviens – dont plusieurs avec des bandes noires remplaçant les bandes rouges en signe de deuil pour les victimes de la répression – des milliers de personnes sont descendues dans les rues du centre de la capitale.

Au milieu de ces affrontements, un énorme incendie s’est déclaré dans la soirée dans un vieux bâtiment du centre historique, près de la place San Martin, le cœur de la manifestation. Les flammes atteignaient plusieurs mètres de haut et la fumée commençait à recouvrir la zone. Le bâtiment était vide, mais les voisins ont dû évacuer les lieux avec ce qu’ils pouvaient emporter rapidement en raison du risque de propagation de l’incendie. Il y avait du désespoir. Lors de la mise sous presse, la cause de l’incendie n’avait pas été signalée.
De nombreux manifestants aymara de la région de l’altiplano de Puno ont brandi le drapeau wiphala [drapeau en damier aux couleurs de l’arc-en-ciel] des peuples indigènes. Ils ont également brandi des pancartes et scandé des slogans exigeant la démission de la présidente Dina Boluarte, ainsi que la tenue des élections cette année [et non pas en 2024], la révocation du Congrès contrôlé par la droite, la revendication d’une Assemblée constituante et la condamnation des responsables des morts causées par la répression. D’autres manifestants ont également demandé la libération de Pedro Castillo.
Un lent massacre populaire
Plus de 50 personnes ont été tuées par la répression, dont 44 ont été abattues par les forces de sécurité. Le gouvernement et la droite parlementaire et médiatique soutiennent les forces de sécurité accusées d’avoir tiré sur les manifestant·e·s et criminalisent ceux qui se mobilisent pour demander la démission de Dina Boluarte, les accusant d’être «violents» et «terroristes».
Dans la nuit de jeudi Ă vendredi, alors que les affrontements entre la police et les manifestant·e·s se poursuivaient dans le centre de Lima et qu’une victime Ă©tait dĂ©jĂ signalĂ©e Ă Arequipa, la prĂ©sidente Dina Boluarte a diffusĂ© un message dans lequel elle a qualifiĂ© le comportement de la police d’«irrĂ©prochable». Elle a parlĂ© de «protestations violentes» et a accusĂ© les manifestant·e·s de vouloir «gĂ©nĂ©rer le chaos et le dĂ©sordre pour prendre le pouvoir» et de chercher à «briser l’Etat de droit». Faisant rĂ©fĂ©rence aux actions de protestation contre son gouvernement, elle a dĂ©clarĂ©, sur un ton menaçant, que «les actes de violence perpĂ©trĂ©s en dĂ©cembre et janvier ne resteront pas impunis». Mais elle n’a pas dit un mot sur les personnes abattues par les forces de sĂ©curitĂ©, qu’elle a Ă nouveau soutenues, et sur les revendications pour que ces crimes ne restent pas impunis. A propos de la violence officielle meurtrière qui a causĂ© les dĂ©cès qui ont indignĂ© la population contestataire, elle n’a pas parlĂ© de sanctions. Une confirmation que le gouvernement mise sur l’impunitĂ© des forces de sĂ©curitĂ© qui ont tirĂ© sur les manifestant·e·s. (…)
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PĂ©rou : violents heurts Ă Lima oĂą dĂ©filent des milliers de manifestants (France 24 – le 20 janvier 2023)
Des échauffourées ont éclaté jeudi 19 janvier dans la capitale péruvienne, Lima, où des milliers de contestataires ont défilé sous haute surveillance policière pour réclamer la démission de la présidente Dina Boluarte.
Grosse mobilisation dans un PĂ©rou sous Ă©tat d’urgence. Des milliers de personnes, surtout en provenance des Andes, ont manifestĂ© pour rĂ©clamer la dĂ©mission de la prĂ©sidente Dina Boluarte, jeudi 19 janvier, dans le centre-ville de Lima, oĂą de violents heurts ont Ă©clatĂ© entre les protestataires et les nombreux policiers dĂ©ployĂ©s.
Des affrontements ont fait deux nouveaux morts dans le sud du pays. Ă€ Arequipa, deuxième ville du PĂ©rou, de violents heurts autour de l’aĂ©roport se sont soldĂ©s par un mort – un homme d’une trentaine d’annĂ©es – et dix blessĂ©s, selon le bureau du MĂ©diateur du peuple. Un peu plus tĂ´t, le bureau avait fait part du dĂ©cès d’un autre homme, blessĂ© la veille dans des heurts Ă Macusani, près de Puno (sud) Ă la frontière bolivienne.(…)
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PĂ©rou : objectif Lima pour les protestataires, malgrĂ© l’Ă©tat d’urgence (France 24 – le 16 janvier 2023)
Au PĂ©rou, stopper la spirale de la violence (Le Monde – le 14 janvier 2023)
Les manifestations qui secouent le pays depuis la destitution et l’arrestation du président Pedro Castillo, le 7 décembre, sont le symptôme du chaos récurrent des institutions péruviennes depuis le retour de la démocratie en 2000.

En cinq ans, Dina Boluarte est la sixième personne à occuper la présidence de la République péruvienne. Avocate sans expérience politique, elle y a accédé légalement après la destitution et l’arrestation, le 7 décembre, du chef de l’Etat, le socialiste Pedro Castillo, dont elle était la vice-présidente. M. Castillo, élu de justesse en juillet 2021, est accusé de tentative de coup d’Etat pour avoir, début décembre, voulu dissoudre le Parlement qui s’apprêtait à le chasser du pouvoir. Les dix-sept mois de sa présidence avaient été marqués par l’incompétence et l’instabilité. Mais, instituteur d’origine modeste, il représentait un espoir, pour les populations paysannes et indigènes des Andes déshéritées et marginalisées, d’être enfin entendues par les puissantes élites de Lima.
La destitution de M. Castillo a déclenché la révolte. Les manifestations de protestation et les blocages de routes ne cessent de s’étendre, en dépit d’une répression brutale. Depuis le début des événements, au moins 48 personnes sont mortes et des centaines ont été blessées. La police répond aux jets de pierre en tirant parfois à balles réelles. La présidente par intérim, ancienne alliée de M. Castillo, aujourd’hui associée à la droite dans la répression, est devenue la cible des protestataires, qui réclament sa démission. L’attitude de Mme Boluarte, qui assure avoir interdit l’usage des armes létales, pose la question de son maintien au pouvoir.
Alors que le Bureau des droits de l’homme de l’ONU se dit « très préoccupé par la montée de la violence » et que la procureure d’Etat du Pérou a ouvert une enquête pour « génocide », il est temps de stopper la dérive mortifère et de trouver d’autres moyens que la violence pour trouver une issue à la crise, dans un pays déjà terriblement éprouvé par le Covid – la mortalité y est la plus élevée du monde par habitant. Sans attendre avril 2024, échéance désormais avancée, de nouvelles élections doivent avoir lieu.
Médiocrité, amateurisme et corruption
La crise de la dĂ©mocratie pĂ©ruvienne, particulièrement prĂ©occupante dans le contexte rĂ©gional de la tentative de dĂ©stabilisation visant le prĂ©sident brĂ©silien Lula, a des racines profondes. Le pays n’est jamais parvenu Ă la stabilitĂ© depuis le retour de la dĂ©mocratie en 2000, après la fuite de l’autocrate Alberto Fujimori, condamnĂ© pour corruption et toujours emprisonnĂ©. Ă€ chaque prĂ©sidentielle, Keiko Fujimori entretient le courant d’extrĂŞme droite populiste, nĂ©olibĂ©ral et autoritaire qu’incarnait son père. Quant Ă la Constitution de 1993, hĂ©ritĂ©e du « fujimorisme », elle perpĂ©tue la prĂ©caritĂ© du système, notamment en permettant aux Ă©lus du Congrès de destituer le prĂ©sident sans justification sĂ©rieuse. (…)
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→ Au PĂ©rou, les paysans en première ligne (l’HumanitĂ©)