🇵🇪 Face à la grave crise politique au Pérou, FAL solidaire du peuple péruvien (Communiqué)


Au Pérou, le  7 décembre 2022, les citoyen.ne.s ont assisté à une tentative de dissolution du Parlement par le Président Pedro Castillo, à  sa destitution suivie de  son arrestation et de l’accession au pouvoir de l’ex-Vice-présidente, Dina Boluarte.

Depuis  l’accession au pouvoir de Pedro Castillo, le 28 juillet 2021, la crise politique marquée par l’instabilité s’est approfondie. L’opposition de droite et d’extrême droite majoritaire au Parlement n’avait jamais accepté l’élection d’un représentant du « Pérou profond » et a tenté par tous les moyens de l’éliminer.  D’un autre côté, les erreurs commises par Pedro Castillo, sa stratégie de «survie»,  son manque d’expérience, l’abandon du programme électoral initial et les concessions réalisées à la droite assurant  la continuité du modèle néolibéral ont contribué à provoquer  divisions et frustrations parmi les bases populaires. Dernièrement, isolé, avec une popularité en chute libre, sans l’appui d’un parti politique, il cherchait des soutiens au niveau international et en appelait à l’OEA.

Le 7 décembre, Pedro Castillo devait à nouveau se présenter au Parlement pour répondre à une troisième tentative de destitution de la part des députés d’opposition. Selon les observateurs politiques, la motion de censure n’avait aucune chance d’aboutir faute de quorum. Castillo a annoncé par message télévisé la fermeture du Congrès, la création d’un gouvernement d’exception provisoire, une réorganisation judiciaire, l’état d’urgence et la convocation d’une Assemblée Constituante dans un délai de neuf mois. Cette déclaration de rupture avec l’ordre constitutionnel, qualifiée par certains analystes d’ « autogolpe », voire de suicide politique de Pedro Castillo, a causé la surprise générale y compris celle  de son cabinet ministériel et de ses avocats. Elle a  provoqué la démission de plusieurs ministres, la condamnation des forces armées et policières, le vote accéléré de la destitution de Castillo pour « incapacité morale » par une majorité écrasante des parlementaires. Les conditions choquantes de son arrestation par des policiers armés, de sa détention et des accusations de délit de « rébellion » par le pouvoir judiciaire ont provoqué l’indignation de la population. Ses avocats ont déposé des demandes d’habeas corpus en prouvant que son arrestation a été réalisée quand il jouissait encore de l’immunité présidentielle.

Loin de résoudre la profonde crise politique péruvienne, ce dénouement crée  une situation complexe, incertaine et dangereuse. La droite et l’extrême-droite sortent gagnantes de cette confrontation entre Parlement et exécutif. Keiko Fujimori ne s’y est pas trompée en allant, la première, féliciter la nouvelle Présidente, Dina Boluarte, qui a appelé à une trêve politique, au dialogue et à la constitution d’un gouvernement d’unité nationale sans répondre aux demandes populaires de changement de Constitution via une Assemblée constituante, et qui vient de décréter l’état d’urgence dans le sud du pays. Ce gouvernement dans l’impossibilité de répondre aux multiples défis pourrait ouvrir la porte à une sortie de crise autoritaire.

Des blocages de route et des manifestations populaires se sont produits pour réclamer la liberté de l’ex-Président Pedro Castillo, des élections anticipées et la constitution d’une Assemblée constituante, ainsi que pour dénoncer la « trahison » de l’actuelle Présidente. Les rondes paysannes (CUNARC), les organisations féministes paysannes (Marcha mundial de mujeres macro norte et Femucarinap), politiques et syndicales  réclament également une nouvelle Constitution et de nouveaux secteurs -notamment étudiants – pourraient s’incorporer au mouvement de protestation qui s’amplifierait au cours des prochains jours. La tension monte dans tout le pays et on  compte déjà deux victimes mortelles dans la région d’Andahuaylas.

Dans  cette e conjoncture difficile et dangereuse, France Amérique Latine / FAL : 

  • dénonce l’assassinat de deux manifestants David Atequipa Quispe et Becam Romario Quispe et s’associe aux organisations de défense des droits humains péruviennes et internationales pour dénoncer les violations des droits humains et la répression policière à l’égard de la population ; 
  • exprime sa préoccupation face à  cette grave crise politique,  aux risques de répression violente des protestations populaires et aux perspectives de sorties de crise de type autoritaire ; 
  • se solidarise  avec les citoyen.ne.s péruvien.ne.s en lutte pour la défense de la démocratie populaire, pour des élections anticipées  et pour une nouvelle Constitution via  une assemblée constituante ; 
  • formule des vœux pour que l’unité des forces  progressistes et démocratiques péruviennes se réalise pour ouvrir la voie à  une alternative politique favorable aux intérêts des classes populaires ; 
  • s’associe à la démarche du Président colombien Gustavo Petro réclamant  à la CIDH  des mesures de protection et de sécurité pour l’ex Président Castillo et sa famille.

Bureau National de FAL
Paris, 12 décembre 2022

Mise à jour : depuis la publication de ce communiqué, le nombre de victimes a malheureusement augmenté. FAL se solidarise avec leurs proches et demande l’arrêt des violences policières.