🇬🇹 Le cauchemar des migrantes guatémaltèques violées sur la route du «rêve américain» (RFI)


La migration en Amérique centrale renferme un drame tabou, celui des femmes guatémaltèques qui émigrent aux États-Unis et qui se préparent avec des contraceptifs afin de prévenir les résultats d’un viol quasi certain sur la route. RFI en espagnol a obtenu des témoignages de femmes – et d’hommes – aux deux extrémités du trajet. Ils racontent la cruauté des passeurs et comment, s’ils retournent dans leurs villages, ils sont stigmatisés.

Selon le dernier rapport INCEDES-UNFPA, les femmes migrantes d’Amérique centrale ont 25 % de risques d’être victimes d’abus sexuels lors de leur voyage aux États-Unis. AP – Santiago Billy

Tout le monde le sait, mais personne n’en parle. Le viol est un sujet tabou dans les communautés autochtones. Si une femme a émigré aux États-Unis et a subi des abus sexuels, elle ne le dira jamais. Elles se préparent à leur voyage vers les États-Unis comme on part à la guerre, car elles savent qu’elles peuvent être violées, voire assassinées durant le trajet.

Après une recherche qui semblait impossible, nous avons trouvé l’histoire d’une jeune femme autochtone, qui a accepté de nous raconter anonymement son expérience déchirante lors de son voyage vers le nord. « Quand j’ai voulu commencer mon voyage aux États-Unis, bien sûr que j’avais peur. Je pensais que des personnes pourraient abuser de moi », témoigne-t-elle.

Une angoisse permanente

« J’ai décidé de quitter le Guatemala pour voyager aux États-Unis parce que je voulais réaliser mon rêve américain. Au Guatemala, même si vous avez obtenu votre diplôme d’études secondaires, vous ne trouvez pas de travail, alors pour pouvoir vivre, il faut prendre des décisions de vie ou de mort », poursuit la jeune femme.

« Pendant le voyage, j’ai été abusée par un passeur lorsque je suis entrée dans l’entrepôt. Il m’a demandé si je voulais aller aux États-Unis, alors il m’a attrapée et m’a jetée dans une partie sombre où ils m’ont laissée seule. Tous les compagnons sont sortis pour qu’ils puissent accomplir tout ce qu’ils voulaient de moi. Je me suis laissée faire et après ça ils m’ont un peu aidée, mais j’ai dû les payer. »

Cette histoire est semblable à celles de nombreuses migrantes autochtones guatémaltèques, qui vivent maintenant aux États-Unis, et à celles de bien d’autres, qui ne peuvent la raconter car elles sont mortes brûlées, violées ou étouffées. Lorsqu’elles quittent leur communauté, l’angoisse et la souffrance d’être violées est permanente tout au long du parcours.

« J’ai oublié ce qu’il s’était passé »

La collecte de données est actuellement faible à cause du manque de plaintes, mais dans le rapport gouvernemental 2021, le président Alejandro Giammattei a assuré que 80% des femmes cherchant à aller aux États-Unis sont violées en cours de route. L’information a été vérifiée par le média numérique Ocote, qui l’a démentie.

Les migrantes qui ont survécu aux abus sexuels n’ont toujours pas d’endroit pour dénoncer ce qu’elles subissent sur la route et les seules qui se préoccupent d’elles sont leurs proches. « Quand je suis arrivée aux États-Unis, j’étais satisfaite d’être en vie. Ma famille ne savait rien de moi, elle ne savait pas si j’étais vivante ou morte. Au fil du temps, j’ai retrouvé des compagnons qui étaient déjà arrivés aux États-Unis. Ils m’ont encouragée et j’ai oublié ce qu’il s’était passé », poursuit la femme.

« Maintenant, je travaille dans un restaurant, je gagne de l’argent comme je le souhaitais, parce qu’au Guatemala je n’y étais pas parvenue. Je me sens satisfaite de ce que je fais aujourd’hui et quand je reviendrai au Guatemala, je ne serai plus sans ressources ; je vais réaliser ce dont j’avais rêvé lorsque j’étais enfant. J’avais un rêve dans lequel je voyais des gens qui réussissaient. Alors je me suis dit que je voulais le faire… et je vais le faire », conclut-elle.

Se préparer pour mieux guérir après

« Le viol fait partie des risques. Selon des sondages, l’une des plus grandes craintes des femmes est de vivre un viol et, d’une certaine manière, toutes les femmes y pensent », explique à RFI la psychologue Margarita Girón, spécialiste des femmes survivantes d’abus sexuels. « Ainsi, lorsqu’une femme sait qu’elle court ce risque, elle peut empêcher une possible grossesse, emmener des médicaments pour traiter une infection sexuellement transmissible et ainsi se sentir plus calme. Elle pourra mieux s’en remettre que quelqu’un de totalement sans méfiance, une personne qui n’y aurait pas pensé et qui n’aurait pris aucune mesure de sécurité. (…)

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