🇨🇱 Il y a quarante-sept ans, un asile diplomatique raté à l’ambassade bulgare (Chili 1973-2023) (Samuel Laurent Xu / Blog Médiapart)


Il y a quarante-sept ans, le 16 juin 1976, la religieuse dominicaine française Nadine Loubet, accompagnée par la sœur irlandaise Clarita Walshe, tentait d’infiltrer une vingtaine de personnes au sein de la représentation diplomatique bulgare à Santiago. Retour sur cet épisode méconnu de la dictature civilo-militaire chilienne (1973-1990).

Le 11 septembre 1973 à Santiago, le coup d’État des Forces Armées chiliennes renverse le président socialiste Salvador Allende. Une dominicaine française, Nadine Loubet (sœur Odile) prend alors la plume pour témoigner de l’horreur de la situation depuis les poblaciones de la capitale chilienne et décrire son quotidien (voir le film documentaire “Au nom de tous mes frères”, France-Chili, 2019, Samuel Laurent Xu, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir). 

Dans les deux précédents billets de blog, je revenais sur plusieurs épisodes marquants des premières années de la dictature civilo-militaire au Chili (1973-1990), comme la grève de la faim contre les disparitions forcées. Dans ces mêmes années s’organise un vaste mouvement de solidarité vis-à-vis des persécuté-e-s, notamment dans le monde chrétien des poblaciones de Santiago, les quartiers périphériques de la capitale chilienne.

Avec le soutien des instances de l’Église, ou en parfaite autonomie des directives de l’institution, des groupes de religieuses, prêtres et laïcs mettent leurs efforts en commun pour « défendre la Vie ». Sauver tous les indésirables du nouveau régime qui risquent la torture, la mort et la disparition. La sœur Odile Loubet, protagoniste du documentaire « Au nom de tous mes frères » est d’ailleurs l’une des femmes les plus actives dans la Zone Ouest de Santiago pour cacher, déguiser et transporter des fugitifs, partager les informations et dialoguer avec les seuls organes de l’Église qui conservent leur indépendance dans la défense juridique et matérielle des persécuté-e-s (Comité pour la Paix de 1973 à 1975 puis Vicariat de la Solidarité de 1976 à 1993).

Dès les premières semaines de septembre 1973, les ambassades des pays européens et latino-américains sont prises d’assaut. Ces derniers protègent en effet le statut de réfugié depuis la ratification des accords de Montevideo (1933). Les candidat-e-s à l’exil sautent les murs pour se réfugier en lieu sûr ou insistent auprès des personnels diplomatiques des ambassades afin d’obtenir un statut de réfugié, avec, à la clé, un vol pour quitter le Chili (parfois définitivement). Plusieurs ambassades se montrent particulièrement généreuses dans leur ouverture aux Chilien-nes : l’ambassade d’Argentine, de France, d’Italie, du Mexique, du Panama, de la Suède et du Venezuela notamment.

À partir de la fin de l’année 1973, la Junte militaire au pouvoir annonce cesser de délivrer des laissez-passer pour les réfugié-e-s pour limiter le flux massif d’exilé-e-s chilien-ne-s qui affecte négativement son image à l’international. Mais les « opérations d’asile » des sauveteurs et sauveteuses improvisés ne vont pas cesser. 

Il y a quarante-sept ans, le 16 juin 1976, deux religieuses européennes, Odile Loubet (française) et Clarita Walshe (irlandaise) coordonnent la mise à l’abri d’un groupe de vingt-deux personnes menacées par le régime dans l’ambassade de Bulgarie. Celle-ci est alors gérée par l’ambassade d’Autriche suite au retrait des pays du Bloc de l’Est du pays depuis septembre 1973, une mesure de rétorsion diplomatique et de condamnation du golpe. Les deux femmes se déguisent en bourgeoises aux perruques rousses pour accompagner le groupe jusqu’à l’enceinte diplomatique située dans les quartiers huppés de la capitale et leur faire franchir les murs. Mais ce passage en force ne fonctionne pas : les diplomates refusent de coopérer et de lancer la procédure d’asile pour les réfugiés. En l’espace de quelques heures, les services secrets du régime – la tristement célèbre DINA – sont alertés et perquisitionnent l’ambassade. Tout le groupe est arrêté.

Pour ne pas s’attirer les foudres de l’opinion internationale en pleine réunion de l’assemblée générale de l’OEA (Organisation des États Américains) à Santiago, la Junte libère finalement les prisonniers au bout de 24 heures. Plusieurs d’entre eux ont été brutalement torturés et témoignent auprès du Vicariat de la Solidarité des mauvais traitements auxquels ils ont été soumis. (…)

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Voir aussi :
Chili. Il y a quarante-cinq ans, une grève de la faim contre les disparitions forcées (Samuel Laurent Xu / Blog Médiapart)
–  Une religieuse française face au coup d’État (Chili, 11 septembre 1973) / Samuel Laurent-Xu – Blog Médiapart)