Climat. L’accord UE-Mercosur relancé en dépit des promesses d’Emmanuel Macron ? (Marie-Noëlle Bertrand / L’Humanité)
Un document de travail émanant du ministère du Commerce extérieur indique que le gouvernement français continue de discuter les conditions de mise en œuvre de l’accord commercial avec la communauté économique qui regroupe plusieurs pays d’Amérique du Sud. Face à la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron avait pourtant affirmé avoir stoppé les échanges sur le sujet. Le chef de l’État l’affirmait même depuis des mois : la France refusera de s’engager dans un accord qui, « en l’état », contribue à la déforestation et au réchauffement climatique. Or rien n’indique qu’il y ait eu des avancées en la matière… Décryptage.
Le « non, à moins que » de la France est-il en passe de devenir un « oui, pourquoi pas » à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur ? Sans jamais être totalement sortie des radars, la perspective d’un retour de Paris dans les négociations du traité de libre-échange est devenue concrète cette fin de semaine. Remis à plusieurs ONG et syndicats, un document de travail émanant du ministère du Commerce extérieur révèle que le gouvernement français continue de discuter les conditions de sa mise en œuvre. Non seulement cela, mais il serait proche de valider un compromis suffisant, à ses yeux, pour lever le véto qu’Emmanuel Macron se disait fermement décidé à poser.
Long d’à peine deux pages, le texte déroule une série de conditions additionnelles censées répondre aux préoccupations soulevées par le projet d’accord en matière de climat et de précautions sanitaire. Problème, estiment les organisations, convoquées jeudi prochain à une visioconférence : le document ne fait que survoler les craintes relatives aux non respect des droits humains et à l’instabilité économique que le traité génèrerait de part et d’autre de l’Atlantique. Surtout, il ne porte, a priori, que sur la rédaction d’un protocole additionnel à l’accord, lequel « n’aurait pas la même portée juridique et n’en modifierait pas les fondements économiques », souligne l’économiste Maxime Combes, membre d’Attac et de l’Aitec .
« J’ai stoppé net les négociations (sur le Mercosur) », affirmait Emmanuel Macron en décembre
Le chef de l’État l’affirmait depuis des mois : la France refusera de s’engager dans un accord qui, « en l’état », contribue à la déforestation et au réchauffement climatique, et n’offre pas les garanties sanitaires suffisantes. En août 2019, lors du G7 de Biarritz et alors que l’Amazonie brûlait comme jamais, il en avait fait un des points forts de son intervention. Il l’avait réaffirmé devant les membres de la Convention citoyenne, en juillet dernier d’abord, puis une nouvelle fois en décembre : « J’ai stoppé net les négociations (sur le Mercosur) », qui, insistait-il, ne respecte pas l’accord de Paris en matière de lutte contre le réchauffement. Le gouvernement l’avait aussi redit en septembre, à l’aune d’un rapport qui lui avait été remis par une commission d’experts.
Présidée par l’économiste de l’environnement Stefan Ambec, celle-ci confirme les risques dénoncés par la société civile et une large part des forces de gauche.
Une hausse des émissions valant pour près de 11,5 millions de tonnes équivalent de CO 2 par an
Signé en 2019, mais pas encore ratifié ni par les États membres, ni par le Parlement européen, l’accord envisagé entre l’UE et les pays membres du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Venezuela et Paraguay) augmenterait la déforestation et aggraverait les émissions de CO 2 importées, avance la commission Ambec. Elle prédit une hausse des exportations de viande bovine vers l’Europe de l’ordre de 2 à 4 %, avec pour conséquence un risque d’augmentation « de 5 % par an sur six ans de la déforestation liée au développement des fermes d’élevage et des pâturages ». Elle avance également que l’accord commercial pourrait conduire à la disparition de 700 000 ha de forêts vierges au Cerrado, en Amazonie. Au total – et sans même prendre en compte l’impact du transport maritime induit par les échanges – la mise en oeuvre du traité induirait une hausse des émissions comprise entre 7,8 et 11,5 millions de tonnes équivalent de CO 2 par an . (…)
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Voir également Les accords Mercosur vus d’Amérique latine : 3 témoignages du Paraguay, de l’Argentine et du Brésil (CCFD / Terres solidaires)