🇦🇷 🇫🇷 Alberto Marquardt : « La France ne peut pas oublier les crimes de la dictature argentine, ni fermer les yeux face aux agissements du président Milei » (Luis Reygada / L’Humanité)


Alors que le gouvernement du président argentin Javier Milei mène un travail de sape contre les politiques de mémoire, le réalisateur Alberto Marquardt – auteur d’un documentaire sur la religieuse française Alice Domon disparue pendant la dictature des militaires en 1977 – appelle Emmanuel Macron à manifester plus fermement son attachement au respect des droits humains en Argentine.

Alberto Marquartd, réfugié politique et réalisateur de documentaire appelle Emmanuel Macron à plus de fermeté envers l’attitude de son homologue argentin Javier Mileil. © Eliot Blondet / ABACA

Depuis son arrivée au pouvoir, le président ultralibéral Javier Milei a intensifié sa rhétorique négationniste au sujet des crimes de la dictature militaire de 1976-1983. Mais bien au-delà des mots, en neuf mois de mandat, son gouvernement a opéré un recul sans précédent dans les politiques de mémoire, avec notamment une stratégie de démantèlement des divers organismes publics chargés de faire la lumière sur les atrocités commises durant cette période sombre de l’histoire du pays sud-américain.

Pire : dans un récent rapport, les organisations Centre d’étude légale et sociale (CELS) et Mémoria Abierta vont jusqu’à dénoncer une volonté de « relégitimer » la répression illégale et barbare du régime militaire. Avec le risque, en réécrivant l’histoire du terrorisme d’État instauré au prix de 30 000 vies, « d’ouvrir la porte à de nouveau chapitres répressifs ».

Dans un pays où le consensus mémoriel autour des crimes de la dictature – le fameux « Nunca mas » (plus jamais) – semblait acquis, la visite en prison, en juillet dernier, de condamnés pour crimes contre l’humanité par des députés du parti au pouvoir, La liberté avance, a créé une vraie polémique.

Parmi les prisonniers rencontrés se trouve Alfredo Astiz, surnommé « l’Ange de la mort », condamné à la prison à perpétuité par contumace en France, en 1990, pour la disparition, en 1977, des religieuses françaises Alice Domon et Léonie Duquet, proches du groupe des « Mères de la Place de Mai ».

Entretien avec Alberto Marquardt, Argentin arrivé en France en 1981 comme réfugié politique, membre de l’Assemblée des Citoyens Argentins en France (ACAF) et réalisateur du documentaire Moi, sœur Alice, disparue en Argentine en 1977 (1998) dans lequel il est revenu sur l’histoire d’Alice Domon, l’une des milliers de victimes de la répression militaire dans l’Argentine de la fin des années 70.

Cette visite était totalement inacceptable. Elle a provoqué une énorme inquiétude chez les familles des victimes de la répression dictatoriale ainsi que chez les familles des Français disparus en Argentine durant cette époque. Une inquiétude aggravée par les déclarations faites par les députés après cette rencontre, où ils ont manifesté leur solidarité avec les condamnés et exprimé sans la moindre ambiguïté leur soutien à leur demande de remise en liberté. 

Cette visite et ces déclarations sont cohérentes avec les propos négationnistes tenus pendant la campagne électorale par des personnalités du parti de Javier Milei. Il ne faut pas oublier que la vice-présidente, Victoria Villarruel, est elle-même issue d’une famille de militaires qui n’a jamais occulté son soutien et solidarité avec ces condamnés.

Mais la révélation dans la presse de cette visite a provoqué un véritable sursaut de rejet dans le pays. C’est salutaire et important de le souligner : bien qu’une partie importante de la jeunesse, née après la dictature, aie voté pour Milei, on voit bien que le « Nunca mas » (plus jamais ça”), concept fondateur des 40 ans de démocratie, reste encore une ligne rouge difficile à franchir en Argentine.

Milei, face au tollé provoqué par cette ignoble visite dans la presse argentine et internationale (et notamment en France), a essayé de se démarquer. Il aurait dit « qu’à leur place, il n’y serait pas allé »… Puis, a déclaré que la libération des condamnés « n’était pas à l’ordre du jour dans son agenda ». 

Mais Javier Milei, a, par le passé, soutenu ouvertement des positions négationnistes, particulièrement pendant la campagne électorale qui l’a porté à la présidence. Pour l’instant, la réaction d’indignation de l’opinion publique lui a bien montré qu’il ne peut pas rouvrir ce dossier, et que toute tentative « révisionniste » sur les crimes et la dictature pourrait lui coûter cher.

Mais il faut rester vigilants. Les familles Domon et Duquet, avec lesquelles je suis en contact, ainsi que les familles d’autres Français disparus en Argentine, restent mobilisées. En tant qu’Argentin résident en France, avec les camarades de l’ACAF, nous menons régulièrement des campagnes d’information et dénonçons sans relâche les politiques négationnistes du gouvernement Milei. (…)

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Pour rappel, voir Argentine. «Le gouvernement de Milei contre le consensus de Nunca Más» (Luciana Bertoia / À l’Encontre) / Droit à l’identité versus droit à l’intimité (Nadia Tahir / Blog Mediapart Red.ar)