L’Amazonie brûle encore plus qu’à l’été 2019, la déforestation « importée » pointée du doigt (Annabelle Laurent / Usbeketrica) / Brésil : les feux reprennent, Bolsonaro les nie ( Aude Massiot / Libération)

L’an dernier, le monde entier s’alarmait des mégafeux qui ravageaient l’Amazonie. Un an plus tard, la situation s’est aggravée. Toujours en cause : les incendies délibérément provoqués par des propriétaires terriens pour pouvoir cultiver ou faire paître le bétail sur les zones déboisées. Les ONG appellent à mettre fin aux importations via lesquelles la France contribue à la déforestation. 

© Christian Braga / Greenpeace

L’Amazonie brûle encore plus qu’à l’été 2019, la déforestation « importée » pointée du doigt (Annabelle Laurent / Usbeketrica)

La pandémie de Covid-19 les éclipse, mais les incendies en Amazonie sont bien là, et ils s’intensifient, menaçant plus que jamais la plus grande forêt tropicale au monde, et la planète dans son ensemble. La saison des incendies, qui s’étend généralement de juin à octobre, a repris. En juin, ils atteignaient en Amazonie leur pire niveau depuis 13 ans. Puis, en juillet, leur nombre augmentait de 28% par rapport à juillet 2019, selon des données satellitaires publiées samedi 1er août. Sur la seule journée du dimanche 30 juillet, les satellites ont détecté 1 007 incendies en Amazonie, a indiqué l’Institut spatial national du Brésil (INPE). « Plus de mille incendies en une seule journée, c’est un record depuis 15 ans », déplore dans un communiqué le porte-parole de Greenpeace Brésil, Romulo Batista. 

La question peut sembler naïve : comment un tel record est-il possible, un an après un été 2019 marqué par des incendies dramatiques, mais qui avaient suscité une émotion et une mobilisation internationale inédites, augmentant – notamment lors du G7 à Biarritz – la pression sur le gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro ? Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU n’avait-il pas alors appelé la communauté internationale à « se mobiliser avec force pour soutenir les pays d’Amazonie » et « mettre fin aux incendies par tous les moyens possibles », ce après avoir alerté sur le fait que le désastre en Amazonie s’ajoutait aux incendies en Sibérie, en Alaska, au Canada et au Groenland ?

Des incendies « interdits » en théorie

Les experts l’avaient expliqué en choeur à l’été 2019 : la grande majorité des incendies en Amazonie sont délibérément provoqués par des propriétaires terriens pour étendre leurs surfaces d’exploitation, en particulier pour l’élevage et l’agriculture industrielle. « 70% de la déforestation est dû aux activités d’organisations criminelles », expliquait à l’AFP fin août 2019 Daniel Azevedo Lobo, procureur à Rondônia, État amazonien du nord-ouest très touché par les feux de forêt.

Déployer des bombardiers d’eau – comme l’avaient proposé les pays du G7 en août dernier – ne suffit donc pas, et l’enjeu est de lutter contre l’origine de ces incendies illégales. Or ceux-ci, sont, en théorie, déjà « interdits ». Le 28 août 2019, Bolsonaro avait interdit par décret, pendant deux mois, les brûlis agricoles, ceux-ci étant pratiqués le plus souvent pour faire de la place aux cultures agricoles et à l’élevage bovin, gros secteur exportateur du Brésil. Cette annonce avait immédiatement suscité les doutes de la communauté scientifique, soulignant que « celui qui brûle (la forêt) sans permis ne va pas respecter » un décret.

Le 16 juillet 2020, Bolsonaro a à nouveau annoncé un « moratoire sur les incendies » de 120 jours, après avoir autorisé le 11 mai l’armée à se déployer sur le territoire amazonien pour lutter contre les incendies et la déforestation. Mais les associations environnementales dénoncent des « opérations de diversion médiatique ».

En parallèle, les amendes pour infraction environnementale sont en forte baisse, et le gouvernement n’a cessé de réduire le budget, le personnel et les programmes de l’agence environnementale brésilienne, l’Ibama. Profitant de la crise sanitaire comme un « écran de fumée », le gouvernement Bolsonaro réduit les droits des peuples autochtones, en légitimant l’appropriation des terres publiques qu’ils habitent depuis des décennies, au bénéfice de « puissants lobbies agricoles et miniers  ».

Une responsabilité européenne « accablante »

« Notre maison brûle toujours », constatait ce 27 juillet sur Twitter Emmanuel Macron. Et le chef de l’État d’ajouter « depuis l’appel du G7 de Biarritz pour sauver l’Amazonie, nous sommes mobilisés pour protéger notre planète. Je salue l’adoption de la Charte de l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales. Accélérons ! ». 

Mais la France a-t-elle agi pour cesser la « déforestation importée », c’est à dire l’importation de nombreuses matières premières et produits transformés associés à la déforestation, comme cela était annoncé avec la Stratégie Nationale de Lutte contre la Déforestation importée (SNDI) publiée en 2018 ? Celle-ci, saluée comme « ambitieuse » en 2018 par le WWF, « ne comporte aucune mesure contraignante et n’est pas mise en oeuvre », assure Cécile Lauba, chargée de campagne Forêts à Greenpeace France. (…)

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Comment le Brésil écoule du bœuf illégal vers l’Europe

L’entreprise brésilienne JBS fournit les cantines et supermarchés européens en viande de bœuf d’origine illégale : cette viande provient d’exploitations interdites ou condamnées pour déforestation de l’Amazonie. La preuve avec cette enquête vidéo de @Disclose, en partenariat avec The Bureau of Investigative Journalism, Repórter Brasil et The Guardian.

Brésil : les feux reprennent, Bolsonaro les nie ( Aude Massiot / Libération)

En juillet, 20 600 kilomètres carrés ont brûlé dans les neuf États du bassin amazonien, malgré les dénégations du président d’extrême-droite. Les savanes de la région du Cerrado sont particulièrement touchées.

Feux à Pocone, dans la région de Pantanal, le 1er août. 
Photo Rogerio Florentino. AFP

On finirait par s’y habituer. Les photos de pans de la forêt amazonienne dévorés par les flammes n’émeuvent plus autant que l’an dernier, quand la planète avait crié au scandale. Pourtant, le phénomène, même s’il ne s’avère pas plus important pour l’instant, persiste. L’Institut national de recherche spatiale brésilien a enregistré 61 942 départs de feu entre le 1er janvier et le 13 août. Un plus haut depuis 2010 et une hausse de 2% par rapport à l’an dernier.

Parmi ces incendies, un peu moins de la moitié se concentrent dans les neuf États du bassin amazonien. En termes de surface, 62 400 km2 ont brûlé, depuis le début de l’année ; 20 600 km2 rien qu’en juillet, soit l’équivalent de la taille de la Slovénie, mais cela reste dans la moyenne des dernières années. Cette donnée reste à considérer avec prudence, puisque l’immense majorité de la surface détruite l’est, généralement, dans la deuxième partie de l’année. Seulement, cette occurrence de feux, pendant l’hiver austral, est sans équivoque une conséquence d’actions humaines. (…)

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