Après le report des élections, les Haïtiens manifestent

Le second tour de l’élection présidentielle et des législatives n’a finalement pas eu lieu ce dimanche en Haïti, reporté à la dernière minute pour des raisons de sécurité. Si l’opposition, qui refusait de participer à ce qu’elle considère comme « un coup d’État électoral » fomenté par le pouvoir en place, s’en réjouit et réclame le départ immédiat du président Michel Martelly, les partisans du candidat du pouvoir, Jovenel Moïse, sont déçus et en colère. Ils estiment avoir été privés de leur droit de vote.

Avec les envoyés spéciaux, Stefanie Schüler et Bertrand Haeckler, et la correspondante RFI à Port-au-Prince, Amélie Baron

Manifestation contre le gouvernement du président Michel Martelly, le 24 janvier, à Port-au-Prince. REUTERS/Andres Martinez Casares
Manifestation contre le gouvernement du président Michel Martelly, le 24 janvier, à Port-au-Prince. REUTERS/Andres Martinez Casares

Les passants se frayent un chemin entre les fruits et légumes des marchandes de Jalousie. Dans ce bidonville, la crise électorale est sur toutes les lèvres. « Je ne suis pas satisfait du report des élections. Nous, le peuple haïtien, nous savons qu’un président élu doit être remplacé par un autre président élu, souligne cet homme. J’étais disposé à aller voter ce dimanche. J’ai l’habitude de remplir ce devoir de citoyen. J’ai voté au premier tour pour mon candidat préféré et là, je ne suis pas d’accord que l’on reporte le second tour. »

Un peu plus loin, Montreuil Kenan porte fièrement le bracelet rose de Tet Kale, le parti de son champion, Jovenel Moïse, le candidat du parti au pouvoir, arrivé en tête au premier tour. « Nous sommes les sympathisants de Jovenel, explique-t-il. Nous savons que c’est lui qui peut apporter le changement, qui peut empêcher la violence, empêcher que des pneus brûlent et que des pare-brise de véhicules soient cassés. Il est contre le désordre. Il nous a dit de rester mobilisés, de ne pas participer à des actes de violence, de rester tranquilles, de ne pas manifester. »

Pour ses sympathisants, c’est une évidence : le prochain président de la République d’Haïti s’appellera Jovenel Moïse. Et ce, peu importe la date pour le second tour de ce scrutin déjà reporté à deux reprises.

« Si on ne peut pas voter, Martelly doit partir »

Les opposants ont quant à eux de nouveau manifesté leur colère dans les rues de Port-au-Prince, dimanche. Cartes électorales en main, les centaines de manifestants moquent ouvertement le président, demandant où se trouvent leurs bureaux de vote. Leur slogan : « Si on ne peut pas voter, Martelly doit partir ». Le départ du président est leur première revendication.

Le jeune manifestant Jacquelin Oriol voit la candidature de Jovenel Moïse comme un stratagème du président pour échapper à la justice. « On n’a pas de problème avec Jovenel Moïse, mais le problème est la façon avec laquelle Martelly veut placer Jovenel pour éviter d’être jugé pour toutes ses bêtises, précise-t-il. Ils vont refaire une élection, Jovenel va s’inscrire. Si vraiment le peuple veut le choisir, alors les gens voteront pour lui. Mais que Martelly l’impose, jamais ! Plutôt mourir. On va arrêter Martelly et le juger, sans violence, car on manifeste pour le bien du peuple. Mais on a un message pour la communauté internationale : vous protégez trop Martelly. C’est le tort de l’international, surtout la France, le Canada et les Etats-Unis. Obama, un président noir qui tolère tout ce que Martelly nous fait subir, on dit non. »

En démarrant tardivement leur manifestation, les opposants ont ainsi repoussé l’idée d’une confrontation avec les militants pro-gouvernementaux qui étaient quelques dizaines à être aussi sortis dans les rues de la capitale.

Source :

RFI, 25 janvier 2016