🇦🇷 Argentine : le 133ème petit-enfant approprié par les militaires vient d’être retrouvé (Carlos Schmerkin / Le Club de Médiapart)
Vendredi 28 juillet 2023 , l’association Grand-mères de la Place de Mai a annoncé la restitution du fils de Cristina Navajas et Julio Santucho, le petit-fils de la grand-mère Nélida Navajas. Le petit-fils 133 est arrivé spontanément à « Abuelas ». Il avait été enregistré en mars 1977 par un membre des forces de sécurité et une infirmière comme leur propre enfant.
Nélida est décédée en 2012 sans connaître son petit-fils. C’est Miguel “Tano” Santucho qui a pris l’initiative de rechercher la famille en collaboration avec l’institution. Le 133e petit-fils a retrouvé son père, ses frères, sa sœur et une famille nombreuse, touchée par le terrorisme d’État, mais aussi par une histoire de lutte.
“Ce nouveau cas est le résultat d’une société qui, après 40 ans de démocratie, continue d’exiger de savoir ce qui est arrivé aux disparus et aux centaines de bébés et d’enfants appropriés, et qui s’engage dans la construction de la mémoire, de la vérité et de la justice, afin que des crimes aussi horribles ne se répètent jamais”, a déclaré Estela Carlotto, présidente de Grand-mères.
Dans un communiqué de presse, la prestigieuse organisation a raconté l’histoire des parents du petit-fils retrouvé et décrit le processus de recherche. Ce communiqué est reproduit dans son intégralité ci-dessous.
L’histoire de Cristina
Cristina est née en septembre 1949, dans la ville de Buenos Aires. Elle obtient son diplôme d’enseignante à l’école normale n° 1 et étudie ensuite la sociologie à l’Universidad Católica Argentina (UCA). C’est là qu’elle a rencontré Julio, le plus jeune de la famille Santucho. Tous deux étaient membres du Partido Revolucionario de los Trabajadores (PRT). Cristina était militante à Avellaneda et a ensuite exercé diverses responsabilités. Au moment de son enlèvement, elle était professeure dans les écoles du PRT, où elle enseignait l’histoire de la révolution latino-américaine.
Dans la maison de la famille Santucho – une famille traditionnelle de Santiago del Estero – l’atmosphère était à la participation et aux discussions politiques entre les dix frères et sœurs. Les débats idéologiques ont été dépassés lorsque Mario Roberto Santucho, le septième fils, a réuni la plupart des frères, qui ont rejoint le Partido Revolucionario de los Trabajadores et l’Ejército Revolucionario del Pueblo (PRT – ERP). Julio était le dixième fils, et on s’attendait à ce qu’il fasse une carrière religieuse. Il a été élève, a obtenu son diplôme de théologien et était sur le point d’être ordonné prêtre, jusqu’à ce qu’il rencontre Cristina dans les couloirs de la faculté. Ils se sont mariés en 1971 et ont eu un premier fils, Camilo, en 1973, et Miguel en 1975.
Cristina a disparu, enceinte, le 13 juillet 1976. L’opération s’est déroulée dans un appartement appartenant à la famille Santucho, sur l’Avenida Warnes 735, où sa belle-sœur, Manuela, vivait avec son fils Diego, âgé d’un an. Cristina se trouvait là avec ses enfants. Une autre camarade militante, Alicia D’Ambra, également enceinte d’un bébé que nous recherchons toujours, se trouvait également avec eux.
Un groupe de paramilitaires a enlevé les trois femmes et laissé les trois enfants seuls dans l’appartement. Un voisin a raconté à Nélida ce qui s’était passé, mais personne n’est venu les aider. Nélida est partie à la recherche des enfants avec Jorge, son fils cadet, et depuis l’entrée, elle entendait les cris et les pleurs de ses petits-enfants. Elle y a trouvé un portefeuille et, à l’intérieur, une lettre que Cristina n’avait jamais envoyée à Julio, dans laquelle elle indiquait qu’elle était en retard et qu’elle était convaincue d’être enceinte. C’est ainsi que Nélida a appris que sa fille attendait son troisième enfant. Plus tard, grâce aux témoignages des survivants, elle a pu confirmer que la grossesse de Cristina se poursuivait.
La nuit même de l’opération, Nélida a reçu un appel de sa fille, qui se trouvait apparemment au siège de la coordination fédérale. Elle a ensuite été vue aux Automotores Orletti, un centre clandestin sous les ordres du Service d’intelligence de l’État (SIDE), dans le quartier de Floresta à Buenos Aires, où passaient de nombreuses victimes du plan Condor. Les trois femmes ont passé moins d’un mois à Orletti, mais elles ont été brutalement torturées, en particulier Manuela et Cristina, parce qu’elles appartenaient à la famille Santucho. Le jour de l’opération au cours de laquelle Mario Roberto “Roby” Santucho a été tué et sa compagne Liliana Delfino – également enceinte – a été enlevée, reste dans les mémoires des survivants pour sa cruauté sans pareille.
Le 13 août, ils ont été emmenés au centre clandestin du Proto Banco, où ils sont restés jusqu’au 28 décembre 1976. Là, le témoignage d’un autre détenu confirme, une fois de plus, la grossesse de Cristina et sa grande force. En entrant dans le centre clandestin, ils les ont alignés et elle a dit à son voisin : “Je suis Cristina Navajas, militante du PRT-ERP, belle-soeur de Roby Santucho et je suis enceinte”. Le message impliquait la détermination que leur enfant naîtrait et la demande qu’ils continuent à les chercher.
La destination suivante est le centre clandestin Pozo de Banfield. Cristina y est arrivée avec une grossesse avancée. D’après le témoignage de la survivante Adriana Calvo, on estime que Cristina a séjourné au Pozo de Banfield jusqu’au 25 avril 1977. Adriana y est arrivée le 15 avril de la même année. Elle vient de donner la lumière à sa fille Teresa dans une patrouille, alors qu’elle l’emmenait d’un autre centre clandestin, la Comisaría 5ta. de La Plata. Adriana a raconté que toutes les détenues voulaient avoir son bébé, qu’elle passait de cellule en cellule pour qu’on la prennent en charge. Elle a également évoqué la force de ses codétenues et la façon dont, lorsque les gardiens ont essayé de lui prendre sa fille, les détenues ont construit un mur humain pour les en empêcher. Cristina avait déjà été privée de son fils. (…)
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Informaciones en español : Apareció el nieto 133: la conferencia de Abuelas de Plaza de Mayo, los detalles y las repercusiones, minuto a minuto (Página 12)