🇦🇷 L’Argentine n’est pas à vendre ! (Carlos Schmerkin – Club Mediapart / Entretien avec le secrétaire général de la CGT (Luis Reygada / L’Humanité)


La grève générale du 24 janvier 2024 contre la politique dévastatrice du gouvernement de Javier Milei a déclenché un élan international de solidarité. Centrales syndicales, associations, partis politiques et résidents argentins en Europe et en Amérique Latine appellent à des rassemblements devant les ambassades argentines. Les organisations syndicales, sociales et politiques argentines demandent l’annulation de l’article IV, du DNU 70/23 du 20 décembre, relatif à la reforme du travail qui vise à la liquidation des droits des travailleurs. 

Manifestation contre le DNU

Avec le mot d’ordre « La Argentina no se vende » (l’Argentine n’est pas à vendre) les argentins résidant à l’extérieur de leur pays, ont organisé des rassemblements ce 24 janvier pour protester contre la politique ultra-libérale du gouvernement d’extrême droite de Javier Milei. Berlin, Madrid, Barcelone, Valence, Rome, Bruxelles, Amsterdam, Paris et Toulouse font partie d’une longue liste de villes où auront lieu ces rassemblements. Il s’agit de la première grève générale avec mobilisation de l’histoire argentine à peine le gouvernement installé.

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En France, l’intersyndicale a publié un communiqué exprimant sa solidarité avec les centrales syndicales argentines en appelant à manifester devant l’ambassade argentine à Paris (angle de la rue Cimarosa et avenue Kleber, 75016, Paris), rassemblement organisé par l’Assemblée de Citoyens Argentins en France (ACAF) et soutenu par d’autres organisations argentines, latino-américaines et françaises.

L’Intersyndicale dans son communiqué dénonce : « La politique de Milei témoigne de la nature profonde de l’extrême-droite, un danger mortel pour le monde du travail, pour les services publics et pour l’environnement, et un mépris des principes démocratiques les plus élémentaires. Nos organisations syndicales CFDT, CGT, FO, FSU, UNSA et Solidaires expriment leur plus vive inquiétude face à cette offensive contre les acquis de plusieurs décennies de luttes sociales et syndicales en Argentine.

Nous adressons toute notre solidarité aux travailleuses et travailleurs d’Argentine, et notamment aux confédérations syndicales CGT-RA, CTA-T et CTA-A. Nous les soutenons inconditionnellement dans le processus de lutte qu’elles ont engagés pour faire face aux politiques mortifères de Milei et son gouvernement. »

Les organisations syndicales, sociales et politiques argentines demandent l’annulation de l’article IV, du DNU 70/23 du 20 décembre, relatif à la reforme du travail qui vise à la liquidation des droits des travailleurs. Mercredi 3 janvier, la Chambre nationale d’appel du travail a suspendu temporairement l’article concernant la réforme en prononçant une mesure conservatoire à la demande de la Confédération générale du travail (CGT) et de la CTA. Le gouvernement à fait appel.

Le DNU entend imposer un changement profond des règles du monde du travail : l’extension de la période d’essai de trois à huit mois pour les nouveaux employés ; la limitation du droit de grève et des facilités pour licencier ceux qui participent à des actions syndicales ; une baisse des salaires et le non paiement des heures supplémentaires ainsi que l’annulation d’autres obligations de l’employeur à l’expiration de la convention collective si celle-ci n’est pas renouvelée par une nouvelle convention.

Les syndicats argentins appellent à la grève générale le 24 janvier pour s’opposer aux réformes ultralibérales de Javier Milei. © Daniella Fernandez Realin / Zuma Press Wire / ABACAPRESS.COM

Les confédérations syndicales ont été rejointes par les organisations de la culture, de la science, de l’économie sociale et même des PME, qui constatent que l’ajustement en cours ronge le marché intérieur dont elles dépendent. Par contre l’Union industrielle argentine, qui soutient le DNU et revendique la réforme du droit du travail, rappelle que nombre de ces points avaient déjà été présentés comme des propositions aux candidats pendant la campagne. La Chambre argentine du commerce et des services s’est jointe à l’UIA avec des arguments similaires.

Carlos Girotti, secrétaire de la liaison territoriale de la CTA des travailleurs, soutien que l’attaque contre la législation du travail exprime l’intention du gouvernement de Milei de “changer la relation entre le capital et le travail qui est en vigueur depuis près de 80 ans, depuis l’émergence du péronisme ; c’est la volonté de liquider d’un trait de plume, pas graduellement, comme a essayé de le faire l’ex président Macri. Ce gradualisme est critiqué à cause du risque de voir apparaître la capacité de résistance et de protagonisme des travailleurs. »

Selon Girotti, Javier Milei ne représente pas la politique néolibérale traditionnelle des “gouvernements qui cherchent à consolider l’hégémonie du capital en exerçant le leadership politique de la société, cela lui importe peu. Il s’agit d’une entreprise de démolition qui mène une action visant à détruire le plus rapidement possible cette relation entre le capital et le travail, considéré comme nuisible »

Le discours hallucinant de Javier Milei à Davos a été plus que précis : il a accusé sans mâcher ses mots l’élite politique d’être “cooptée par une vision qui mène au socialisme et à la pauvreté “. “Je suis ici pour vous dire que l’Occident est en danger”. Dans l’assistance, des représentants d’organisations multilatérales ont écouté avec étonnement : “Ne vous laissez pas intimider par les castes”, a-t-il lancé aux hommes d’affaires présents, qu’il a qualifiés de “héros”.  Il a souligné que la « justice sociale » est « injuste » et « violente » car « l’État est financé par les impôts et les impôts sont collectés de manière coercitive ». Ses paroles ont suscité des rires, de légers applaudissements et beaucoup de silence. Seul Elon Musk a compris et « twitté » le discours de Milei en disant « bonne explication de ce qui rend les pays plus ou moins prospères ». Le patron de Tesla est très intéressé par le lithium argentin…

À travers le DNU (336 articles) et la « Loi omnibus » (664 articles), – en train d’être discutée en commission au Parlement -, c’est toute la structure de l’État, ses institutions républicaines et fédérales ainsi que la séparation des pouvoirs et la Constitution même qui est en train d’être attaquée par le gouvernement Milei.

Après avoir averti qu’il ne négocierait pas le paquet de réformes en discussion depuis deux semaines dans les commissions parlementaires, le parti de Javier Milei (38 députés et 7 sénateurs) a fait marche arrière et a accepté de modifier 100 articles. Parmi les points saillants des modifications apportées au texte original figurent la limitation des super pouvoirs que Milei voulait s’attribuer, la suppression des retenues à la source pour toutes les économies régionales et la suppression d’YPF de la liste des entreprises publiques soumises à privatisation. (…)

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Grève générale en Argentine : « Toute la société va y participer contre Milei » (Entretien avec le secrétaire général de la CGT / Luis Reygada / L’Humanité)

Bien qu’ils soient dans la mire du gouvernement, les syndicats se placent en première ligne pour combattre le projet néolibéral, répressif et anti-démocratique du président d’extrême droite Javier Milei. Entretien avec Hector Daer, le secrétaire général de la CGT (Confederación General del Trabajo de la República Argentina), organisation à l’initiative de la grève générale prévue ce mercredi 24 janvier.

Des manifestants défilent lors de la première marche contre le nouveau gouvernement de Javier Milei à Buenos Aires, le 20 décembre 2023. © Luis Robayo / AFP

Face au choc néolibéral orchestré par le président argentin Javier Milei, la plus grande organisation syndicale du pays, la CGT (sept millions d’adhérents) a appelé à une grève générale qui aura lieu ce mercredi 24 janvier. La convocation, qui a très rapidement reçu le soutien des autres principaux syndicats du pays, pourra compter sur la participation de vastes secteurs de la société tels que militants politiques, organisations féministes et de défense des droits de l’homme, activistes sociaux et travailleurs de tous bords…

Tout à fait. Le centre de gravité politique repose aujourd’hui principalement sur la Confédération Générale du Travail, qui a été rejointe par le reste du mouvement syndical organisé. Les syndicats sont le point de rencontre d’une large base qui comprend des secteurs de la gauche, du péronisme, des radicaux, d’autres partis moins représentatifs… Tous commencent à converger dans le grand espace de mobilisation que représente la date du 24, avec la grève générale, pour s’opposer aux réformes.

La particularité de cette mobilisation est qu’elle s’est construite avec tous les secteurs de la société. Elle a cessé d’être une grève uniquement de travailleurs pour devenir une grève de commerçants, des petites et moyennes entreprises, d’artistes, de scientifiques, etc.

C’est une question qui traverse tout le spectre politique et la société elle-même. Le soutien que reçoivent les syndicats est très large, et il est nécessaire parce que le gouvernement va vite : il veut que le paquet de lois inclus dans le projet de loi “omnibus” soit approuvé dès ce jeudi 25 janvier par les députés. Nous sommes à un tournant, c’est pourquoi la mobilisation de mercredi est un appel fort aux législateurs pour qu’ils ne tournent pas le dos au peuple argentin et qu’ils agissent avec lui, en sa faveur.

La criminalisation de la protestation sociale est la base, la condition nécessaire pour mettre en œuvre le programme économique néolibéral et d’extrême droite de ce nouveau gouvernement. Comment faire autrement puisqu’il prétend tout bonnement supprimer les droits des travailleurs, déréguler l’économie en profondeur, privatiser les entreprises publiques, y compris certaines institutions comme la Banque nationale, ou encore notre compagnie pétrolière nationale YPF, la compagnie aérienne nationale, entre autres…

Cela implique un changement radical au sein de l’administration de l’État, puisqu’il s’agit de l’éliminer. Pour y parvenir, ils doivent éliminer les droits des travailleurs, individuels et collectifs, et empêcher toute forme d’action syndicale. C’est pourquoi la répression et la criminalisation de la protestation atteignent des niveaux sans précédent, à la mesure du bouleversement institutionnel que Milei prétend imposer. (…)

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Voir aussi :
Argentine : la démocratie en danger. Rassemblement le 24 janvier à 18h devant l’ambassade d’Argentine à Paris (communiqués de l’ACAF et de l’intersyndicale / appel unitaire)

En Argentine, « Une mobilisation pour unifier toutes les luttes » contre la politique de Javier Milei (entretien avec Hugo Godoy, secrétaire général de la CTA-Apar Luis Reygada / L’Humanité / article réservé aux abonné.es)