Assassinats, menaces… en Colombie, la démocratie un peu plus fragilisée chaque jour ( Guylaine Roujol Perez / Le Parisien)
Le 10 décembre, date anniversaire de l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme de 1948, une pétition sera déposée à la Cour pénale internationale pour demander une « intervention immédiate de ce tribunal » en Colombie face à « l’extermination des personnes qui travaillent pour la justice sociale et le respect de l’environnement ». À l’origine de ce SOS, José Cuesta, 59 ans, qui a travaillé avec Gustavo Petro lorsqu’il était maire de Bogotá, le leader de la Colombia Humana, et une poignée de militants de ce parti de gauche.
« 76 massacres ont été commis à ce jour ( NDLR : le 22 novembre ) », dénonce José Cuesta. « Et 95% des assassinats de leaders sociaux ou d’indigènes, de défenseurs de l’environnement, de démobilisés des Farc, restent impunis. Si le monde entier ne regarde pas vers notre pays, nous continuerons de nous faire tuer. » Malheureux hasard ou entrave à la campagne intitulée « Les vies colombiennes comptent aussi », le 21 novembre, les comptes Twitter et les adresses mails servant à la diffusion de l’information de cette pétition ont été hackés.
Dans ce contexte, alors que la concentration de l’information dans de puissants groupes financiers suscite de plus en plus de méfiance parmi les lecteurs, les menaces contre les journalistes de médias alternatifs ou indépendants pèsent encore plus sur l’exercice de la démocratie.
Les tracts des Aguilas Negras, une obscure organisation paramilitaire, refont régulièrement surface dans l’actualité. Hommes politiques, leaders sociaux, défenseurs des droits de l’homme, journalistes… voient leurs noms affublés de qualificatifs crus et d’une sentence de mort dans des listes largement diffusées. Dans le dernier en date, deux « habitués » de ces sinistres publications : le leader de gauche Gustavo Petro, qui avait affronté l’actuel président Iván Duque lors du second tour de la présidentielle de 2018, et Gustavo Bolivar, un sénateur du même parti d’opposition.
Parmi les journalistes, Hollman Morris, candidat à la mairie de Bogotá lors des élections de 2019 pour la Colombia Humana — dont 17 militants ont été assassinés depuis fin 2016, la moitié en 2020 — avant tout journaliste et défenseur des droits de l’homme. Ce quinquagénaire trois fois distingué du prestigieux Prix Simón-Bolívar, de l’ONG Human Rights Watch, et du Prix international des droits de l’homme de Nuremberg entre autres, dirige le Tercer Canal. Un média numérique fort de 150 000 abonnés sur YouTube, « avec 4 millions de vues en octobre, qui promeut la défense des accords de paix de 2016, la constitution de 1991 et les droits de l’homme en général ».
Exilé en Espagne à la fin des années 1990 avec l’aide d’Amnesty International, après avoir fait l’objet d’un ultimatum prononcé par le sanguinaire leader des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), Hollman Morris a trouvé à nouveau refuge à l’étranger en 2010, « après avoir été désigné par l’ancien président Alvaro Uribe comme un allié du terrorisme », a-t-il confié au Parisien, dans un pays où les secteurs d’opposition sont fréquemment présentés comme des alternatives extrémistes. (…)
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