Au Brésil, toujours plus de violences contre la société civile et les communautés autochtones (Victor Chaix, Reporterre)
La pression sur la société civile brésilienne et les communautés autochtones s’accroit. ONG et représentants de peuples autochtones appellent à la résistance et à l’alliance face à la politique de Bolsonaro, qui aggrave le sort des groupes les plus vulnérables.
L’alerte est lancée. Composé de 17 organisations, la coalition Solidarité Brésil a présenté le jeudi janvier un baromètre sur les droits humains au Brésil depuis 2016, visant « à alerter la société française sur les violences et pressions subies par les mouvements et organisations sociales ».
Abordant diverses thématiques — racisme et violence policières, féminicides, homophobie, accès au logement et à la terre ou bien encore l’éducation, la liberté d’expression et les droits des communautés autochtones —, il est produit à partir du témoignage, des rapports et des analyses des organisations partenaires de la coalition, engagées sur le terrain.
Que nous dit ce baromètre ? « Tout s’aggrave », résument les organisations. « Colonisation, esclavage, concentration des richesses et des ressources entre les mains d’une minorité sont autant de facteurs expliquant les inégalités et violences actuelles. » Mais la situation s’est « aggravée depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro. Le président brésilien est porteur d’une gouvernance néolibérale et autoritaire qui accentue la pression sur les populations les plus exclues ».
« La première chose est de mobiliser la société civile au Brésil, que les gens sachent ce qu’il s’y passe »
La coalition Solidarité Brésil a été formée en décembre 2018 dans un contexte de criminalisation croissante des mouvements sociaux au Brésil pour que les différentes organisations, dont Attac France, Autres Brésils, CCFD Terre Solidaire et le Secours catholique puissent faire « converger leurs actions en soutien aux acteurs de la société civile brésilienne qui luttent pour la démocratie dans leur pays », indique le document.
Selon les chiffres des organisations, le nombre de victimes des violences policières est passé de 4.222 en 2016 à 6.220 en 2018, soit 47,3 % d’augmentation. Entre les mêmes années, les féminicides ont augmenté de 29,8 %, et les assassinats homophobes de 113 %. Cette augmentation générale des violences envers les populations les plus vulnérables de la société brésilienne est accompagnée d’une dégradation significative de la liberté d’expression depuis l’arrivée de Bolsonaro au pouvoir : les associations dénombrent 27 cas de censure au cours des 11 premiers mois de 2019 contre 6 cas répertoriés en 2018, soit une augmentation de 350 %.
Cet outil est la première étape d’une campagne plus large de la coalition Solidarité Brésil : « Le Brésil résiste. Lutter n’est pas un crime ! » lancée le même jour durant une conférence de presse. « La première chose est de mobiliser la société civile au Brésil, que les gens sachent ce qu’il s’y passe », affirme Juliette Gallou, du Secours catholique ; « Il y a un désert statistique aujourd’hui, les données sont très peu connues au Brésil ».
Pour Célina Whitaker, cofondatrice du collectif Richesse, le baromètre vise notamment à mettre en lumière la question de l’intersectionnalité — un concept soulignant la pluralité des discriminations et des dominations de classe, de sexe et de couleur de peau. « Quand on croise les critères, nous constatons l’augmentation générale des violences, dit-elle. Cette violence s’est institutionnalisée sous Bolsonaro, à la fois par des politiques d’État et par un discours, une attitude d’un chef de l’État qui banalise ces violences. » Pour elle, « il faut donner du lien à toutes les questions évoquées dans le rapport, car aujourd’hui les campagnes de sensibilisation ne sont pas faites de manière articulée et coordonnée » (…)
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