En Bolivie, les orphelins du Poopó pleurent leur lac disparu (Émilien Buffard / Reporterre)

Autrefois deuxième plus grand lac de Bolivie, le Poopó a été officiellement déclaré disparu le 18 novembre 2015. Si le gouvernement bolivien blâme le changement climatique, les raisons de ce drame écologique sont aussi à chercher du côté des activités humaines locales : culture intensive du quinoa et industrie minière. Un récit en images.

L’enquête complète est à retrouver dans le livre Les orphelins du Poopó : récits d’un lac disparu. Photographies et textes d’Émilien Buffard, illustrations d’Angie Strappa. Publié par la maison d’édition argentine Listocalisto (2019 – première édition en espagnol, 2020 – deuxième édition en français).

Photo: Émilien Buffard

Comme le rappellent les anciens pêcheurs, la disparition du lac en 2015 n’était pas la première dans l’histoire de cette masse d’eau fragile. Cependant, ils affirment ne l’avoir jamais vu complètement sec auparavant. Tout au long du XXe siècle, le Poopó a subi plusieurs sécheresses, diminuant de manière conséquente la hauteur de son miroir d’eau, entre 1939 et 1944, entre 1969 et 1973 et entre 1994 et 1997. Mais le changement climatique et la hausse des températures (entre 1995 et 2005, la température dans les hauts plateaux andins a augmenté de 0,9°C et la température minimale de 2,06°C au cours des cinquante dernières années), les effets du système Enso dans l’océan Pacifique, la diminution du niveau du lac Titicaca, dont le Poopó est subsidiaire par la rivière Desaguadero et les conséquences des activités humaines ont cette fois-ci raccourci sa durée de vie : le lac a entièrement disparu.

La prolifération des systèmes de canaux d’irrigation développés par les paysans dans la région représente une des causes majeures de l’assèchement du lac. En cause, l’intérêt mondial croissant pour le quinoa a fait de la Bolivie l’un des premiers exportateurs. La majeure partie des canaux et projets d’irrigation de la région sont situés autour de la rivière Desaguadero. Ces installations, bien souvent précaires et sans autorisation, représentent une des origines non négligeables du manque d’eau dans le lac Poopó, en détournant la ressource de son cours principal. Le Desaguadero, qui prend sa source dans le lac Titicaca en tant que rivière binationale, a historiquement fourni plus des deux tiers de l’eau du lac Poopó.

L’exploitation minière de nickel, de cuivre, de cadmium, de plomb, d’argent et de zinc joue également son rôle dans la disparition du lac. L’augmentation des prix des métaux sur le marché international ces dernières années a contribué au développement du secteur. Avec une législation en matière de protection de l’environnement faible et inadaptée, les entreprises minières ont depuis toujours déversé de l’eau contaminée dans le lac Poopó. Cette pollution, beaucoup trop concentrée dans des quantités d’eau toujours plus faibles, a été l’une des principales causes de la mort de plusieurs milliers de poissons en décembre 2014, événement qui a précédé de quelques mois la disparition du lac.

Les anciens villages du lac Poopó sont maintenant enclavés et abandonnés au beau milieu d’un désert de sel 

Il y a aussi la question des sédiments. Il s’agit du déversement excessif de sédiments miniers (déchets provenant de l’extraction des minerais) dans les cours d’eau, bloquant ainsi les rivières, étouffant la végétation, détruisant la faune, la flore et la vie aquatique. En s’accumulant ensuite au fond du lac, ils ont réduit considérablement sa profondeur, favorisant le réchauffement de l’eau et donc, son évaporation. Il a ainsi été estimé en août 2014 que plus de 2.000 tonnes de déchets miniers atteignaient le lac chaque jour, principalement provenant de la rivière Desaguadero, autour de laquelle se concentre la majorité de l’industrie.

Photo: Émilien Buffard

Les anciens villages du lac Poopó sont maintenant enclavés et abandonnés au beau milieu d’un désert de sel. Sans poisson à vendre et sans port de destination, la flotte de pêche a été abandonnée là où les dernières vagues permettaient encore de la mettre à l’eau. Là où les derniers pêcheurs ont renoncé à leur métier. Le lac s’est enfui, eux aussi. Les familles se sont séparées et les enfants sont partis. Pour chercher du travail, ailleurs en Bolivie, ou dans les pays frontaliers, comme l’Argentine et le Chili. Leurs enfants ne verront probablement jamais le lac.

Les Urus, premiers habitants de ces terres, sont ainsi devenus les premiers réfugiés environnementaux de Bolivie. Connus sous le nom de «peuple de l’eau», ils habitaient autrefois une grande partie de l’Altiplano bolivien et péruvien. Un drame indigène pour la communauté la plus touchée par la sécheresse du lac Poopó. Plus de cinquante pour cent des familles Uru de Llapallapani, Vilañeque et Puñaca Tinta María ont déjà émigré vers la ville et même à l’étranger, à la recherche de meilleures conditions de vie. D’autres communautés comme celles d’Ayllu Pumasara, San Nicolás, Chojña Circa, Untavi, Panzota, Isla de Panza, El Choro et Pampa Aullagas ont également été gravement touchées par cette tragédie. (…)

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