Le Brésil mal loti par deux années de présidence Bolsonaro (Nadine Epstain / La face cachée du globe / France Culture)

À mi-mandat de la présidence de Jair Bolsonaro, outre la pandémie du Covid, la société brésilienne vit moins bien qu’il y a deux ans. Les difficultés et les dégâts brésiliens résultent surtout de la politique menée depuis le 1er janvier 2019, date de l’entrée en fonction du chef de l’État.

Manifestation à Brasilia contre le président Bolsonaro et pour le vaccin contré le Covid, le 8 janvier 2021.• Crédits : Sergio Lima – AFP

Le sous-continent sud-américain affronte tant bien que mal la pandémie du Covid-19. Le dernier bilan donné par l’Organisation Mondiale de la Santé chiffre à 542 333 décès et 16 994 374 cas positif de Covid, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Le Mexique vient de connaître sa pire semaine depuis le début de l’épidémie avec une moyenne de 983 décès quotidiens pendant sept jours, et Mexico déplore 137 916 morts et 1 588 368 contaminés. 

Le Brésil est le pays le plus touché au monde après les États-Unis avec 207 095 décès et 8 324 294 personnes positives. Outre cette crise sanitaire, à mi-mandat de la présidence de Jair Bolsonaro, la société brésilienne vit moins bien qu’il y a deux ans. Avant tout en raison de la politique menée depuis le 1er janvier 2019, date de l’entrée en fonction du président de la République.

Floriane Louvet, chargée de mission partenaire du CCFD Terre solidaire, l’une des 18 organisations de la Coordination Solidarités Brésil qui publie la 2e édition du baromètre d’alerte sur la situation des droits humains au Brésil, résume l’état de lieux.

Votre constat est négatif : pourquoi la situation a-t-elle empiré ? 

La Coalition Solidarités Brésil qui regroupe dix-huit organisations a été créée pour lutter contre la criminalisation croissante des ONG et des mouvements sociaux au Brésil. L’un des outils que nous avons trouvé pour relayer leur cri d’alarme en France et en Europe est la création d’un baromètre. Il permet de mesurer la pression que subit la société civile au quotidien. Le constat est alarmant : les violences, les violations et les inégalités ont atteint des niveaux inédits et ne font qu’augmenter au Brésil.

Sont prioritairement touchés les populations autochtones, les communautés paysannes, les femmes, les personnes LGBT et les habitants des périphéries. Les chiffres sont effarants tant au niveau de la déforestation, des invasions des terres qui appartiennent aux paysans traditionnels et autochtones que du niveau de sous équipements de l’éducation et des écoles et des attaques proférées par le gouvernement de Jair Bolsonaro à l’encontre de la presse, des mouvements sociaux, de la société civile. 

Vous donnez des chiffres ahurissants, par exemple, l’augmentation de 1880 % de la présence de l’agrobusiness sur les terres des paysans traditionnels et des communautés autochtones, et parallèlement en Amazonie plus de 11 000 km2 de forêts ont été détruits, entre août 2019 et juillet 2020, une déforestation sans précédent depuis dix ans ?

Ces chiffres traduisent un type de politique agricole qui est menée par le gouvernement au Brésil, au centre de laquelle l’agrobusiness est roi et porte atteinte à la vie de celles et de ceux qui protègent la forêt. On constate au quotidien combien les communautés souffrent d’expulsions, de torture, de violences de tous types, des assassinats de leaders paysans dès que leurs communautés paysannes ou autochtones gênent, on cherche à les éliminer. 

Le chiffre de 11 088 km2 de déforestation en Amazonie est la plus forte destruction depuis 2008 et il représente une hausse de 70% par rapport à la moyenne de ces dix dernières années. Et c’est une hausse de 180% par rapport aux objectifs fixés par la politique nationale pour le changement climatique pour 2020. C’est lié à cette présence d’acteurs de l’agrobusiness à qui on a laissé la liberté totale, même pour certains acteurs qu’on a encouragés à agir sur le terrain, à s’accaparer des terres. Ce sont des entreprises multinationales, certaines sont françaises ou européennes et donc, il y a une responsabilité collective sur ces territoires. De manière plus générale,  ce sont les grands propriétaires terriens qui agissent en toute impunité et qui ne sont intéressés que par l’exploitation de produits au détriment des populations locales qui vivent sur ces territoires et qui perdent chaque jour un peu de leur espace. Donc, ces chiffres traduisent bien l’avancée de la frontière agricole, cette politique de l’agrobusiness qui est portée par le gouvernement de Jair Bolsonaro.

Nous sommes proches des associations comme le Mouvement des Sans-Terre, l’Articulation des peuples du Brésil et d’autres ONG qui voient chaque jour, une augmentation des violences, des expulsions forcées, non justifiées pourtant commises en toute légalité, même pendant cette pandémie du Covid qui brouille la visibilité. Et cela provient de la politique agricole de Jair Bolsonaro. Il y a aussi une capacité du gouvernement à cacher les données et la réalité de ce qui se passe réellement sur le terrain. 

Vous épinglez aussi le Président brésilien dans d’autres domaines, comme le secteur de l’éducation qui par le désengagement gouvernemental délaisse les écoles publiques ?  

Il faut rappeler qu’au Brésil, il y a eu une réforme de la Constitution qui plafonne les dépenses de la santé et de l’éducation sur une vingtaine d’années. Cette réforme est une catastrophe car elle empêche d’investir dans ces secteurs qui sont pourtant des domaines clefs, encore plus à l’heure de la pandémie. Le Brésil est en tête des pays contaminés, avec le plus de décès. Il y a eu des coupes drastiques dans les budgets. Le budget 2021 alloué au ministère de l’éducation a baissé de 18,2%, alors que les Brésiliens s’attendaient plutôt à une hausse, surtout en cette période de crise sanitaire qui a révélé la fracture numérique, le nombre élevé d’élèves oubliés notamment dans les milieux ruraux. 39% des écoles publiques brésiliennes ne possèdent pas un système d’assainissement de base. (…)

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