Brésil : l’indemnisation de VW, un espoir pour les victimes de la dictature (AFP – Autoactu / Bruno Meyerfeld – Le Monde)
L’accord inédit signé par le constructeur automobile allemand Volkswagen pour indemniser des familles d’ex-ouvriers torturés ou assassinés durant la dictature militaire au Brésil pourrait inciter d’autres grands groupes industriels à faire de même et reconnaître leur coopération avec l’appareil répressif des années de plomb.
De quoi ouvrir une nouvelle ère dans un pays où les exactions du régime militaire (1964-1985) restent impunies en raison d’une loi d’amnistie de 1979 qui garantit l’immunité aux responsables de centaines d’assassinats et de milliers de cas de torture et d’enlèvements d’opposants jugés “subversifs”.
L’annonce mercredi de l’accord de 36 millions de réais (5,5 millions d’euros) de compensations signé par Volkswagen avec le parquet fédéral est un vrai tournant au Brésil de Jair Bolsonaro, président d’extrême droite nostalgique de ce régime.
Les anciens employés et leurs familles réclamaient des indemnisations depuis cinq ans au constructeur allemand, faisant valoir que son service de sécurité au Brésil avait collaboré avec les militaires pour identifier de possibles suspects, qui par la suite ont été arrêtés et torturés.
Une collaboration confirmée par un rapport indépendant commandé par l’entreprise en 2016.
“Mea culpa historique”
“Volkswagen n’est pas la seule entreprise impliquée dans la persécution de ses employées. Il faudrait enquêter sur beaucoup d’autres entreprises, brésiliennes et multinationales”, déclare à l’AFP Prudente Mello, avocat et ex-membre de la Commission de l’Amnistie du Brésil, en charge des réparations à l’égard les victimes du régime militaire.
Selon un rapport de 2014 de la Commission de la Vérité, organe public créé pour enquêter sur les crimes de la dictature, plus de 120 entreprises, dont de nombreuses multinationales comme Johnson & Johnson, Pfizer, Esso, Texaco ou Pirelli, ont été impliquées dans les exactions du régime.
De nombreuses personnalités au Brésil ont salué l’accord d’indemnisation signé par Volkswagen, espérant que d’autres seront annoncés à l’avenir.
“À chaque fois qu’on vous dit qu’il est impossible que quiconque soit tenu responsable des crimes de la dictature, souvenez-vous de ça”, a réagi sur Twitter la députée de gauche Fernanda Melchionna. “Est-ce que d’autres entreprises vont aussi faire leur mea culpa ? Ce serait historique”, a renchéri l’écrivain et journaliste Xico Sa.
Sempre que você ouvir que não há possibilidade de responsabilizar ninguém pelos crimes da ditadura civil-militar, lembre disso: a Volkswagen vai ter que destinar R$36,3 milhões a ex-trabalhadores e iniciativas pró-memória por ter colaborado com os militares. #DitaduraNuncaMais pic.twitter.com/9tsk5CLD9W
— Fernanda Melchionna 50 (@fernandapsol) September 24, 2020
Les procureurs du dossier Volkswagen ont rappelé dans un communiqué que l’accord était “sans précédent dans l’histoire du Brésil, et d’une grande importance pour la promotion de la justice dans le monde”.
“C’est impossible de tourner ces pages ignobles de notre histoire sans révéler totalement la vérité, indemniser les victimes et responsabiliser les auteurs de ces graves violations des droits de l’Homme. Malheureusement, le Brésil a encore beaucoup de chemin à faire”, ont-ils ajouté.
À contre-courant de Bolsonaro
Selon la Commission de la Vérité, le régime militaire brésilien est responsable de la mort ou de la disparition d’au moins 434 personnes. Quelques 20.000 personnes ont également été torturées.
D’autres régimes militaires de la même époque ont été plus meurtriers, comme au Chili (3.200 morts), ou en Argentine (30.000 selon des groupes de défense des droits de l’Homme).
Mais les chiffres du Brésil n’incluent pas les centaines de personnes tuées lors de conflits ruraux, y compris de nombreux indigènes, alors que le régime militaire avait mis en place une politique d’expansion des frontières agricoles en Amazonie. (…)
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Volkswagen reconnaît avoir collaboré avec la dictature militaire au Brésil (Bruno Meyerfeld / Le Monde)
En échange du classement des enquêtes, le constructeur automobile allemand indemnisera une soixantaine d’ouvriers qui avaient été arrêtés et parfois torturés dans l’enceinte de son usine de Sao Paulo.
Dans le long et tortueux chemin menant vers la reconnaissance des crimes de la dictature brésilienne (1964-1985), c’est une décision qui fait date : mercredi 23 septembre, le constructeur automobile allemand Volkswagen a signé un accord prévoyant l’indemnisation des anciens ouvriers de ses usines de Sao Paulo enlevés, torturés ou assassinés durant la période la plus sombre du régime militaire.
La décision est inédite : pour la première fois au Brésil, une entreprise privée admet avoir collaboré avec la junte. « Avec cet accord, Volkswagen souhaite établir toute la vérité sur les violations des droits de l’homme commises à cette époque, a expliqué le constructeur dans un communiqué, ajoutant que « pour Volkswagen, il est important d’assumer sa responsabilité dans ce chapitre négatif de l’histoire du Brésil et d’encourager la transparence ».
Arrêtés, emprisonnés et parfois torturés
Dans le cadre de l’accord, négocié avec le parquet brésilien, « VW » s’engage donc à débourser 36 millions de reais (5,5 millions d’euros) à titre de compensation : 16,8 millions seront directement versés à un peu plus de soixante salariés de l’entreprise ainsi qu’à leurs familles. Le reste du montant viendra financer des projets honorant la mémoire des victimes et la promotion de recherches universitaires sur les crimes commis par la dictature. En contrepartie, les trois enquêtes visant Volkswagen seront classées et archivées (…)
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