Brésil: à Brasilia, les peuples autochtones campent pour défendre leurs terres (Pierre Le Duff / Reporterre / TV5 Monde)
À six mois de la présidentielle brésilienne, près de 8 000 indigènes sont rassemblés près de la capitale à l’occasion du campement Terre libre. Ils protestent ainsi contre la destruction de leurs terres par le gouvernement d’extrême droite.
« Le Brésil est à nous ! Il n’appartient ni à Bolsonaro ni aux politiciens corrompus », lance sous les hourras du public et une pluie de maracas Dinaman Tuxá, avocat originaire du peuple indigène du Nordeste. Le 18e campement Terre Libre, qui a lieu chaque année, se tient du 4 au 14 avril dans la capitale brésilienne. Quelque 8 000 indigènes représentant 172 ethnies sont rassemblés à quelques kilomètres du palais présidentiel, du Congrès et de la Cour suprême pour défendre leur territoire. Lors de la soirée d’accueil des délégations venues en bus des quatre coins du Brésil, les chefs de l’organisation rassemblant les peuples autochtones du Brésil, l’Apib, prennent la parole à tour de rôle sous une tente ovale installée sur une immense pelouse séparant les deux artères à six voies de l’axe principal de Brasilia. À part la présence des journalistes, de membres d’ONG et quelques politiciens, ce rassemblement est un entre-soi — une grande déception pour ceux et celles qui ont profité de ce long voyage pour tenter de vendre leur artisanat.
Ces dernières semaines, le gouvernement d’extrême droite et ses alliés au Congrès ont montré leur détermination à faire passer le plus grand nombre possible de lois favorables aux intérêts des agro-industriels à six mois de la présidentielle. L’urgence, pour les peuples indigènes, est d’empêcher l’adoption du projet de loi 191/2020 qui autoriserait l’exploitation des ressources naturelles dans les territoires autochtones. Son examen en urgence a été décidé début mars et se tiendra la semaine prochaine, pendant les derniers jours du campement Terre libre. Le front parlementaire de défense des droits indigènes a présenté une lettre ouverte contre le projet et espère recueillir le maximum de signatures.
Pendant dix jours, intercalées entre les présentations de danses traditionnelles hautes en couleur, des assemblées plénières et diverses réunions vont se tenir sur le campement. Revendication centrale : la reprise de la délimitation des terres indigènes, complètement paralysée depuis l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir en 2019, conformément à sa promesse de campagne. Les terres indigènes reconnues comme telles représentent 13 % du territoire brésilien, et c’est beaucoup trop, selon le président d’extrême droite, alors que près de 500 territoires sont encore revendiqués par les peuples autochtones.
Bovins, culture du soja… « Il ne reste presque plus de forêt »
Depuis trois ans, le gouvernement de Jair Bolsonaro a considérablement réduit les budgets et les attributions des institutions comme la Fondation nationale de l’Indien et l’Ibama, l’organisme de protection environnementale. Résultat : les invasions illégales de territoires indigènes ont augmenté de 137 % pendant les deux premières années de son mandat selon le Conseil missionnaire indigéniste. La déforestation en Amazonie s’est accélérée et a atteint plus de 13 000 km2 l’an dernier. Un record depuis quinze ans.
Assise en tailleur aux côtés d’autres représentants des peuples d’Amazonie, Camila, une jeune indigène de l’ethnie Puruborá, tient à faire entendre les souffrances de son peuple. Ce dernier a entrepris au début des années 2000 une procédure judiciaire pour délimiter son territoire, dans l’État de Rondônia. « À partir des années 1990, ce sont les grandes exploitations de bovins qui sont se sont installées, et depuis dix ans, la culture du soja est arrivée en force. Aujourd’hui, il ne reste presque plus de forêt et la rivière qui traversait notre territoire est à sec », se lamente la jeune femme.
Sa parole déterminée a attiré l’attention de Marina Silva, ancienne ministre de l’Environnement du président Lula, que l’ensemble des peuples indigènes présents semble soutenir car il serait le seul à pouvoir déloger Jair Bolsonaro du palais présidentiel. Quand Reporterre lui demande si elle a confiance en l’ancien président pour protéger l’Amazonie, celle qui a résisté le plus longtemps possible à la construction de l’énorme barrage hydroélectrique de Belo Monte, élude les rancœurs : « Ce qui compte, c’est d’apprendre des erreurs du passé et de faire en sorte que le camp progressiste s’engage sur les questions environnementales. Nous savons qu’il est possible de faire machine arrière. À l’époque où j’étais ministre, nous avons réduit la déforestation de 83 % en dix ans », souligne-t-elle.
Dans la capitale fédérale, environ 70 % de la population a voté pour Jair Bolsonaro en 2018. Sônia Guajajara, coordinatrice de l’Apib et égérie de la cause indigène, recommande ainsi aux participants de pas trop s’éloigner du campement : « Soyez prudents ! Ici, ils ne nous aiment pas. Il est déjà arrivé que des frères se fassent agresser lors des éditions précédentes. » Et de fait, le racisme envers les cultures indigènes est bien présent dans la société brésilienne. (…)
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Brésil : manifestation à Brasilia des tribus autochtones
(TV5 Monde)
Au Brésil, ils sont des milliers à occuper la capitale. À Brasilia, des milliers d’indigènes refusent le projet de loi qui permettrait l’exploitation minière de leurs territoires.
Voir également : À Brasilia, des milliers d’indigènes rassemblés pour défendre leurs terres et l’environnement (Anne Vigna / Le Monde / article réservé aux abonné.e.s)