🇧🇷 Brésil. La rue est la stratégie de Lula pour le second tour. Celle de Bolsonaro: les réseaux (Marco Terrugi / À l’Encontre)


C’est dimanche 9 octobre et Lula da Silva est à Belo Horizonte, capitale du Minas Gerais, un État représentatif de la diversité du Brésil. Il y a gagné dimanche dernier avec 48,29% contre 43,60% pour Jair Bolsonaro, un résultat très proche du résultat national de la présidentielle.

Le président sortant Jair Bolsonaro, à gauche, et son opposant et concurrent à la présidence, Luiz Inacio Lula da Silva, à droite. EVARISTO SA / AFP

Par contre, le gouverneur du Minas Gerais élu est Romeu Zema, un bolsonariste de bon aloi qui gagne au premier tour avec 56,18% des voix. Lula a annoncé sa présence très tôt sur son compte Twitter, où vous pouvez suivre son programme quotidien de «bom dia» à «boa noite».

Samedi, il a organisé une mobilisation dans les rues de la ville de Campinas, dans l’État de São Paulo, une zone électoralement défavorable: au premier tour, Bolsonaro y a obtenu 49,07% [320’684 votes] contre 39,78% pour Lula [259’273 votes], et dans cet État d’environ 45 millions d’habitants, Bolsonaro a remporté avec 47,71% des suffrages contre 40,89% pour Lula.

Le candidat du Parti des travailleurs (PT) était à Campinas aux côtés de Fernando Haddad [ex-candidat du PT à la présidentielle de 2018], qui se bat pour le poste de gouverneur, et de Gerardo Alckmin, candidat à la vice-présidence et ancien rival politique du Parti de la démocratie sociale brésilienne.

«Je vais rencontrer beaucoup de gens qui n’ont pas voté pour moi et qui veulent maintenant voter, parce qu’ils voient dans la candidature Lula-Alckmin la possibilité de récupérer la démocratie dans ce pays», a déclaré Lula en réponse à la question d’un journaliste alors que vendredi soir Lula était photographié avec l’ancien président Fernando Henrique Cardoso [du PSDB et président de janvier 1995 à janvier 2003].

Soutiens à Lula

Le soutien d’Henrique Cardoso a été l’un de nombreux obtenus au cours de la semaine. D’abord le soutien du parti de Ciro Gomes, le Parti démocratique du travail, puis celui de l’ancien candidat à la présidence lui-même, qui a obtenu 3,04% dimanche dernier. Simone Tebet, du Mouvement démocratique brésilien, troisième dans la course à la présidence avec 4,16%, a également apporté son soutien au candidat du PT. Dès le début, Lula a tracé une forte ligne de démarcation: la démocratie ou Bolsonaro, et dans le cadre de ce clivage politique, il a élargi les alliances, d’Alckmin aux appuis les plus récents, dans le sens d’un grand front démocratique.

Le large éventail politique s’allie au pragmatisme: le mardi 4 octobre, jour de la Saint-François d’Assise, il rencontre des frères franciscains et réitère sa croyance en Dieu. Ensuite, le PT diffuse une vidéo dans laquelle Lula s’exprime face à l’avortement avec la formule conclusive: «Lula est en faveur de la vie».

Cette modération s’est combinée avec l’insistance revendiquée sur les réalisations effectuées au cours de ses gouvernements entre 2003 et 2010, ainsi que, par exemple, la défense et la fierté de son origine du nord-est du Brésil face aux déclarations de Bolsonaro qui a établi un lien entre la haute performance de Lula dans la région – 66,7% parmi les cinq États – avec le taux élevé d’analphabétisme.

Plus de réseaux et moins de rue

Pendant que Lula est à Belo Horizonte, capitale de l’État du Minas Gerais, Bolsonaro est en direct sur YouTube. Son fil Twitter montre moins de grands événements, de mobilisations, d’images habituelles de campagne, mais plutôt des émissions de réseaux, des initiatives de gouvernement, des clivages idéologiques et des fake news ou des borderline news.

La dernière accusation contre Lula est qu’il bénéficie du «soutien massif des prisonniers» et de Marcola [Marco Willians Herbas Camacho, connu sous le nom de Marcola], l’actuel chef du Primeiro Comando da Capital [PCC, grande organisation criminelle issue initialement de structures au sein des prisons], un cartel de la drogue qui contrôle les favelas, les prisons et des entreprises allant de la drogue à l’exploitation minière illégale.

Ce fait rappelle la récente campagne en Colombie, lorsque de fausses nouvelles se sont répandues sur le soutien apporté à Gustavo Petro [élu président le 19 juin 2022, en fonction depuis le 7 août] par des barons de la drogue et des personnes corrompues emprisonnées.

Ce n’est pas le seul parallèle possible avec la Colombie. Là aussi, alors que le candidat progressiste a eu recours à une campagne électorale classique lors du premier tour, son adversaire Rodolfo Hernández a fortement fait appel à la stratégie des réseaux, de TikTok à une machinerie WhatsApp massive et participative qui lui a donné une croissance imperceptible au premier abord : au premier tour il obtient 28% des voix, au second 47,26% face à Gustavo Petro qui réunit 50,5%.

Bolsonaro a une longue expérience de l’utilisation des réseaux sociaux et les chiffres le prouvent: 9,2 millions de followers sur Twitter contre 4,8 pour Lula ; 23,1 millions sur Instagram contre 8,5 ; 3,94 millions sur YouTube contre 693 000 ; et 3,6 millions sur TikTok contre 2,8 millions pour le leader du PT. (…)

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Voir également :
Brésil: Lula en campagne dans les favelas de Rio pour mobiliser les indécis (reportage de RFI / 13 octobre)

Présidentielle au Brésil : grandes manœuvres et derniers ralliements avant le second tour (Le Monde / article réservé aux abonné.e.s / 6 octobre)
Au Brésil, des ralliements de poids pour Lula et Bolsonaro avant le second tour de la présidentielle (Le Monde / 5 octobre)