🇧🇷 Au Brésil, la survie des peuples autochtones et de l’environnement est en danger (Tribune publiée dans Libération)


Un projet de loi risque de restreindre considérablement les droits des autochtones sur leurs territoires ancestraux, alerte la coalition Solidarité Brésil qui demande au gouvernement brésilien de ne pas privilégier les intérêts économiques face aux droits humains et environnementaux. FAL est signataire de cette tribune.

Un Guarani lors d’une manifestation à São Paulo, au Brésil, le 30 mai. (Amanda Perobelli/REUTERS)

En l’espace d’à peine une semaine, les décisions prises par le pouvoir législatif brésilien font peser une menace imminente et flagrante sur les peuples autochtones et l’environnement au Brésil. Les organisations membres de la coalition Solidarité Brésil dénoncent la mise en danger des droits des peuples autochtones. Le 30 mai, la Chambre des députés a adopté un projet de loi qui vise à bloquer les démarcations des terres des peuples autochtones et autorise l’exploitation de leurs territoires par des tiers.

Ce texte est impulsé par le groupe parlementaire lié à l’agrobusiness («bancada ruralista») ; s’il venait à être définitivement adopté par le Sénat, il instituerait le concept de «seuil temporel», selon lequel seules les terres occupées par les peuples autochtones à la date de la promulgation de la Constitution (1988) pourraient faire l’objet de démarcation. Ce concept, proposé par l’agrobusiness et soutenu par les entreprises extractivistes, restreindrait considérablement les droits des autochtones sur leurs territoires ancestraux, d’où ils ont été expulsés.

Son adoption remettrait également en cause une grande partie des démarcations de terres postérieures à l’adoption de la Constitution et entraverait considérablement toutes les demandes de démarcation de terres qui sont actuellement en attente. Peu avant cette décision, le 24 mai, lors de l’examen de l’organisation de l’exécutif par les députés, les parlementaires proches de l’agrobusiness sont parvenus à retirer au ministère des Peuples autochtones la compétence de démarcation des terres autochtones, ainsi que de nombreuses compétences du ministère de l’Environnement.

Le jour même, les mesures de protection du biome de la Mata Atlântica ont été sabordées également sous la pression des lobbys de l’agrobusiness brésilien. Parallèlement, la destruction du biome Cerrado est arrivée à son paroxysme.

En tant qu’organisations membres de la coalition Solidarité Brésil, nous joignons notre voix à celle des organisations autochtones et indigénistes brésiliennes et des défenseurs de l’environnement pour condamner l’assaut sur les droits des populations autochtones impulsé par les lobbys de l’agriculture intensive et des entreprises extractivistes. Nous affichons notre soutien à toutes celles et ceux qui luttent pour un Brésil juste, pluriel et respectueux des droits fondamentaux.

Nous espérons que le tribunal suprême fédéral saura reprendre le jugement de la thèse du seuil temporel à la lumière des dispositions de la Constitution brésilienne, afin de garantir aux peuples autochtones l’intégralité des droits que celle-ci leur reconnaît. Nous exhortons le gouvernement brésilien, en cohérence avec les engagements pris, à redoubler d’efforts pour la protection de l’environnement et à respecter les droits de l’ensemble de la population. Nous resterons vigilants face aux initiatives gouvernementales et législatives qui font passer des intérêts économiques avant les droits humains et la protection de l’environnement.

Nous invitons la société civile française et européenne et ses réseaux à se mobiliser contre les atteintes aux droits des peuples autochtones du Brésil.

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Signataires

  • Attac- France, Alice Picard (porte-parole)
  • Autres Brésils, Luc Aldon et Erika Campelo (co-présidents)
  • Centre d’étude du développement en Amérique latine (Cedal), Celina Whitaker (présidente)
  • Ceid, Céline Meresse (présidente),
  • Comité de solidarité avec les Indiens d’Amérique (CSIA-Nitassinan), Aurélie Journée-Duez (présidente)
  • France Amérique latine (FAL), Fabien Cohen (secrétaire général)
  • Internet sans Frontières –Brésil, Florence Poznanski (présidente)
  • Secours Catholique-Caritas France, Benoît-Xavier Loridon (directeur de l’action et du plaidoyer international)
  • CCFD, Nicolas Heeren, directeur des partenariats internationaux

Pour rappel : voir Brésil: les députés limitent la démarcation de terres indigènes, revers pour Lula et l’Amazonie (RFI / AFP)