🇧🇷 Brésil : vers un second tour à hauts risques (Analyses et débats)


Lula est arrivé en tête du premier tour des élections brésiliennes avec un score de 48,43%, mais Bolsonaro n’aura cédé que très peu de terrain à la gauche. Son score de 2022 est peu ou prou le même qu’en 2018 (46 %). Le leader de l’extrême droite est en tête dans la moitié des États de la fédération, dont certains des plus importants. Il obtient 51 % des voix à Rio de Janeiro et dans le district fédéral de Brasilia. Dans l’État de Sao Paulo, le plus peuplé du Brésil, il dispose, avec 47 % des suffrages, d’une confortable avance de 7 points sur Lula.

Plusieurs de ses ministres sont élus, et les autres scrutins (chambre des députés fédéraux, gouverneurs, sénateurs, chambres des députés des États fédérés) montrent que le bolsonarisme est bien implanté et même se consolide dans plusieurs territoires : le Parti Libéral de Bolsonaro sera le groupe le plus important dans les deux chambres (99 députés sur 513 – + 22 par rapport à 2018 – et 14 sénateurs sur 81 – +8 par rapport à 2018). La campagne de deuxième tour s’annonce très complexe. Quelques analyses et points de vue ci-dessous.


Brésil : Jair Bolsonaro peut-il gagner ?
(TV 5 Monde)

Lula s’est imposé sur une marge bien plus faible que celle que lui prédisaient les sondages sur le président sortant Jair Bolsonaro. Ce résultat laisse entrevoir un second tour très disputé. Analyse croisée de Franck Gaudichaud et Hervé Théry.


Élection présidentielle au Brésil : un second tour à hauts risques ?
(France 24
)

Au Brésil, Lula et Bolsonaro s’affronteront le 30 octobre pour le 2nd tour ! Un revers pour l’ancien président de gauche qui se retrouve en ballotage même s’il est en tête au premier tour et devance son rival de 5 points. Les sondages se sont trompés sur l’ampleur des soutiens de Bolsonaro. Selon les résultats définitifs, Lula récolte 48,4% des voix contre 43,2%. Le Brésil est coupé en 2 !  
Débat entre Marie José Malheiros, militante du Parti des Travailleurs du Brésil, Carlos Quenan, vice-président de l’Institut des Amériques, Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS et Maud Chririo, historienne spécialiste du Brésil.


Jair Bolsonaro peut-il remporter la présidentielle au Brésil?
(Décryptage RFI)

Le président sortant a créé la surprise lors du premier tour hier (2 octobre 2022) en remportant 43% des voix, bien plus que ce que prévoyaient les sondages. L’ancien chef de l’État Lula, qui se rêvait déjà élu au premier tour, obtient 48% des suffrages et va devoir faire campagne pendant quatre semaines supplémentaires. Pourra-t-il maintenir son avance ? Jair Bolsonaro peut-il être réélu ? 

Lula et Bolsonaro. © AP/ André Penner/Andre Coelho

– Anaïs Flechet, historienne, spécialiste du Brésil, maîtresse de conférences à l’Université Paris-Saclay 
– Stéphane Witkowski, président du Conseil d’orientation stratégique de l’IHEAL (Institut des hautes études de l’Amérique latine). 

Entretien à écouter ci-dessous ou ici


Brésil : et maintenant ?
(Christophe Ventura / IRIS)

Les résultats du premier tour des élections générales brésiliennes qui s’est tenu ce 2 octobre 2022 ont une nouvelle fois mis en défaut les instituts de sondage, tout du moins pour la partie de leur travail relative à l’étude du vote bolsonariste, de ses ressorts et de son ancrage durable. Et révèlent en réalité, in fine, un paysage politique plus conforme aux dynamiques de polarisation, de fragmentation et de radicalisation des espaces politiques qui traversent la société brésilienne depuis ces dernières années.

Ces dynamiques s’amplifient même et exposent aux yeux du monde un Brésil fracturé au sein duquel cohabitent deux pays, deux Brésil chaque jour plus antagoniques qui ne se parlent plus. Dans ce contexte, existe-t-il un vote caché – notamment au sein de l’électorat de droite et du centre droit, dans les classes moyennes et une partie des secteurs populaires – au profit de Jair Bolsonaro – que n’arrivent pas à identifier et saisir les sondeurs à l’instar de ce qui peut se passer dans d’autres pays (États-Unis, Europe) ? Et dont l’un des ressorts serait, dans ces secteurs de la société, la haine tenace entretenue contre le Parti des travailleurs (PT), la gauche, Lula, assimilés par eux à la corruption de la vie politique et des partis après les années du scandale « Lava Jato », malgré le blanchiment de l’ancien président brésilien ?  C’est une hypothèse à vérifier. Certains analystes avancent également comme explication le fait que le dernier recensement du pays datant de 2010, les sondeurs ne disposeraient plus de la bonne « photographie » de la population brésilienne, notamment s’agissant du nombre de personnes se déclarant évangéliques qui constituent une colonne vertébrale du vote bolsonariste.

Quelques chiffres sur l’élection présidentielle : avec plus 57 millions de voix (sur 156 millions d’électeurs) – nombre de voix obtenues par Jair Bosonaro au deuxième tour de l’élection en 2018 -, Lula obtient le meilleur score d’un candidat au premier tour d’une présidentielle dans l’histoire du Brésil. Il gagne ainsi plus de 25 millions de voix par rapport au score de Fernando Haddad en 2018. Il concentre une grande partie de son vote dans le Nord et la façade Est du pays, tandis que Bolsonaro gagne au Sud et au centre Ouest (terres de la droite traditionnelle) et dans plusieurs grandes villes (Brasilia, Cuiaba, Manaus, Rio). Bolsonaro arrive deuxième avec plus de 51 millions de voix (+ 2 millions de voix par rapport à 2018) et donc deuxième candidat le mieux élu à un premier tour d’une élection présidentielle dans l’histoire brésilienne. Au total, Lula l’emporte dans plus de 3300 villes du pays contre près de 2200 pour Bolsonaro.

Tout ceci intervient dans le contexte d’une abstention de plus de 20% (soit 32 millions de Brésiliens). Ce « bloc » abstentionniste, qui n’a pas voulu choisir entre Lula et Bolsonaro, pourrait jouer un rôle lors du second tour de la présidentielle du 30 octobre bien qu’en 2018, l’abstention (comparable à l’époque) s’était reproduite dans les mêmes proportions entre les deux tours.

Fragmentation, polarisation et radicalisation, car le match présidentiel se déroule sur fond d’avancée puissante et d’ancrage du bolsonarisme. Ainsi, d’une manière générale, l’élection de 2022 marque un renforcement des forces conservatrices traditionnelles que le bolsonarisme épouse en partie, mais ne ressemble pas totalement.

Au Congrès (Chambre des députés et Sénat), le bolsonarisme et les forces du ventre mou de la politique brésilienne – le « centrao »- progressent significativement. Et dans cette opération, le parti du président sortant, le Parti libéral (PL) et ceux qui lui sont directement alliés (Parti progressiste, Républicains, etc.) se renforcent.  Le PL sera le groupe le plus important dans les deux chambres (99 députés sur 513 – + 22 par rapport à 2018 – et 14 sénateurs sur 81 – +8 par rapport à 2018). S’il devait gouverner, Bolsonaro devra confirmer des alliances avec la droite traditionnelle et le « centrao », objectif tout à fait atteignable. La chose sera plus compliquée pour Lula. Le Parti des travailleurs (PT), avec 68 députés et 9 sénateurs, ne sera pas en mesure de contrôler le pouvoir législatif (cas de plusieurs gouvernements de gauche dernièrement élus en Amérique du Sud) et aura bien du mal à bâtir une coalition d’alliances au-delà de celle qu’il a construite jusqu’à présent. Une telle coalition ne pourra par ailleurs se nouer qu’au centre droit et avec des formations du « centrao », y déplaçant le centre de gravité général d’un gouvernement Lula. Pour sa part, si Jair Bolsonaro était réélu le 30 octobre, il pourrait, grâce à sa domination au sein du Congrès, reprendre le contrôle du Tribunal suprême fédéral (TSF) – la Cour suprême brésilienne – en nommant de nouveaux juges comme l’a signalé la journaliste Lamia Oualalou sur RFI.

Dans ce mouvement général, force est de constater que les figures du bolsonarisme triomphent. Beaucoup, parmi les plus controversées, sont élues à la Chambre et au Sénat : la pasteure évangélique ministre de la Famille sortante Damares Alves (Sénat), le responsable de la santé durant la période Covid-19 Eduardo Pazuello (député de Rio), l’ancien ministre de l’Environnement Ricardo Salles (Amazonie, question des Indiens, député à Sao Paulo), la représentante du lobby de l’agro-industrie et ancienne ministre de l’Agriculture Tereza Cristina (Sénat), le vice-président général Hamilton Mourao (Sénat), etc. À croire que toutes les critiques adressées aux bolsonaristes par les médias, les intellectuels, les militants de gauche, environnementalistes, des ONG nationales et internationales les renforcent à mesure que cela leur permet de cultiver auprès de leurs bases électorales et sociales – populaires et des classes moyennes – leur position anti-système. Et ce, malgré les bilans objectifs de leur gestion. (…)

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Brésil : les élections risquent-elles d’aggraver
les fractures de la société ?
Le temps du débat / France Culture

Après l’avance plus faible que prévu de Lula face à Bolsonaro au 1er tour et une campagne de second tour qui s’annonce tendue, les divisions de la société brésilienne peuvent-elles s’aggraver et mettre en péril l’ordre constitutionnel ?

Une femme enveloppée dans un drapeau brésilien vote lors de l’élection législative et présidentielle, à Brasilia, au Brésil, le 2 octobre 2022. ©AFP

avec : Olivier Compagnon (historien, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Sorbonne-Nouvelle et directeur du Centre de recherche et de documentation des Amériques /Paris 3), Bruno Meyerfeld (journaliste, correspondant du Monde au Brésil), Isabel Georges (sociologue à l’Institut de Recherche pour le Développement). (…)

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