Le calvaire d’Edy Fonseca, symbole de la dérive «classiste» en Colombie (Anne Proenza / Libération)

Forcée à travailler nuit et jour pendant le confinement, cette gardienne d’immeuble de Bogotá a été hospitalisée dans un état grave. Une affaire révélatrice des castes sociales qui définissent la société colombienne.

Avant la pandémie de Covid-19, Edy Fonseca, 51 ans, était gardienne d’un immeuble bourgeois de Bogotá : avec deux de ses compagnons, elle travaillait par roulement de douze heures, alternant de jour et de nuit pour un salaire d’environ 300 euros par mois, un peu plus élevé que le smic local (240 euros). Lorsque le confinement obligatoire a commencé, ses deux compagnons ont été remerciés et la copropriété lui demanda, à elle, de travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Comme dans ce genre d’immeuble, il n’y a pas, en Colombie, de loge de concierge, elle fut priée de dormir sur un canapé installé dans un coin du sous-sol, de se nourrir avec les 15 000 pesos (3,5 euros) qu’on lui donnait en sus par jour, de se laver comme elle pouvait. Et, surtout, de ne pas sortir, pas même pour aller voir sa famille, de peur de ramener le coronavirus aux gentils habitants qui lui permettaient de conserver son travail en ces temps difficiles.

Elle n’en est sortie qu’au bout d’un mois, le 23 avril, en ambulance, le visage semi-paralysé, en état de quasi coma diabétique (car diabétique, elle ne pouvait suivre son traitement correctement), grâce à l’intervention d’un des copropriétaires qui, voyant son état, a fini par appeler les secours.

Castes inamovibles

Infographie sur le systéme des “estratos” en Colombie
(source Departamento Nacional de Estadística)

L’histoire, qui pourrait n’être qu’un fait divers exceptionnel, a déclenché l’indignation en Colombie et suscité de multiples éditoriaux dans les journaux, dénonçant «l’esclavage» et les «mauvais traitements» subis par la gardienne. Pour beaucoup, le cas est surtout représentatif de la société «classiste» colombienne, un terme qui exprime – en temps de pandémie ou pas – les différences abyssales existant entre les classes sociales et le racisme qui va avec. Sachant qu’en Colombie, les villes se divisent par «estratos» (strates) : selon où vous habitez, les services publics – eau, gaz, électricité – ne coûtent pas le même prix et les zones résidentielles sont classées de «estrato 1» (service subventionné) à «estrato 6» (plus cher qu’au prix coûtant). (…)

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