Changer le monde sans prendre le pouvoir : l’exemple de la Bolivie (vidéo de Michel Peyrat)


Le film aborde la problématique des petite propriétés agricoles que le système productiviste fait disparaitre sur la planète. Il nous fait partager l’action d’éducation et formation émancipatrices dans les Andes, sur un territoire de petites propriétés agricoles quechua. Michel Peyrat, explique, témoignages à l’appui, la mise en œuvre du « Sumaj Kawsay » ou le « Bien Vivre » un concept inscrit dans la nouvelle constitution de l’État plurinational de Bolivie, afin d’évoluer vers un autre modèle.



Construire le concept du « buen vivir » sur un territoire de petites propriétés agricoles en Bolivie.
(Michel Peyrat / En images / FAL Mag n°147 / juin 2021)


Seule une éducation libératrice, inspirée de la pédagogie de Paolo Freire, et une formation qui prend en compte les réalités locales sont porteuses d’espoir et de futur… L’association Horizons19 de Treignac en Limousin finance et accompagne depuis 2012 un projet d’éducation et de formation en milieu paysan quechua en Bolivie.

Une première phase qui a duré trois ans a permis la rénovation de l’ex-hacienda propriété de la communauté de Morado kasa dans le Chuquisaca à 75 km de Sucre pour en faire le centre Rijch’ariy (l’éveil), selon les souhaits des paysans.

La deuxième phase de trois ans également a donné lieu à six formations de longue durée (dix mois), animées par une équipe composée de volontaires français et de formatrices et formateurs occasionnel.le.s parlant le quechua, choisi.e.s pour leur professionnalisme, leur engagement et leur pédagogie non directive. Les domaines en étaient les suivants : couture et confection (trois formations avec quinze participants chacune), santé  (vingt-huit agents de santé), agro écologie (dix-sept promoteurs), formation de leaders paysans (quinze leaders pour le renforcement de l’organisation paysanne)  et cuisine (douze participantes).  Toutes les formations techniques étaient accompagnées de formations au plan humain et citoyen.

La troisième phase est en cours et a pour objectif de construire la pérennité et l’autonomie du centre de formation. En accord avec l’organisation paysanne, le centre de formation est dans un processus de transfert du centre à l’état bolivien. Le ministère de l’éducation alternative devrait prendre en charge, petit à petit, les salaires des formatrices et formateurs, du directeur ou de la directrice et du gardien. La municipalité de Tarabuco devrait assumer les frais de fonctionnement et canaliser tous les projets d’extension à d’autres formations. La procédure est en marche, non sans difficultés et inquiétudes

Le  « buen vivir » ou le bien vivre

Le concept est  inscrit dans la Constitution de l’État bolivien, rédigée en 2009. Il propose une évolution vers un mode de vie et de société qui construise une alternative au modèle dominant, en prenant en compte, entre autres, les modes de vie et savoir-faire ancestraux, abandonnés dans la course au productivisme et à la modernité.

Dans le cadre de la formation, l’animation d’ateliers sur le « buen vivir »  se répète chaque année. La pédagogie se veut libératricede la parole, de la pensée : « c’est plus la parole entendue des participants qui est formatrice, que celle du facilitateur » (Paolo Freire, pédagogue brésilien). Chaque atelier se termine par un concours de discours sur le « buen vivir ».

Durant les sessions sont abordées les thématiques suivantes :

  • Le « buen vivir » sur le plan humain : il ne peut pas s’obtenir hors du développement intérieur de chacun.   Cela passe par des animations autour des valeurs, des comportements qui favorisent la réussite individuelle et collective. L’éducation à la citoyenneté favorise l’émergence de leaders conscients, responsables, engagés. L’animation se fait à partir d’une pédagogie de la question ouverte: « ne cherchons pas à convaincre mais à faire réfléchir »
  • Le « buen vivir » sur le plan économique : l’animation  fait réfléchir sur les effets du capitalisme au plan local, national et international. La mise en œuvre du « buen vivir » au plan économique passe par l’agro- écologie, les jardins potagers, des dynamiques de développement local avec la transformation de produits agricoles et la création de micro-entreprises. La formation dans le domaine de l’élaboration et la gestion de micro projet productif constitue une clé vers la sécurité alimentaire.
  • Le « buen vivir » sur le plan de la santé : l’animation  permet de réfléchir sur le modèle actuel bolivien, proche du modèle occidental. Dans les textes de la nouvelle constitution on trouve une incitation au développement des médecines traditionnelles. Il s’agit de favoriser la prise  en charge de sa propre sante en évitant d’avoir recours dans la mesure du possible à la médecine conventionnelle qui coute très cher à l’État bolivien.  
  • Le « buen vivir » sur le plan de la culture : une réflexion est menée autour de la culture dominante et de la valorisation de la culture quechua et aymara.
  • Le « buen vivir » au plan de l’organisation : l’animation se fait autour de questions : quelles sont les difficultés de l’organisation syndicale dans votre communauté ? Comment doit travailler le dirigeant de votre syndicat ? Que doit faire l’organisation syndicale sur le plan local, départemental et national ?

Plus d’informations ici