🇨🇴 «Le charbon acheté en Europe tue en Colombie» (tribune de Francesca Pasquini / Reporterre)


En Colombie, des peuples indigènes sont décimés par l’industrie du charbon, qui l’exporte vers l’Europe. La députée autrice de cette tribune appelle à cesser les financements de ces entreprises. Francesca Pasquini est députée écologiste des Hauts-de-Seine et vice-présidente du groupe d’amitié France-Colombie.

La mine de charbon El Cerrejón, en Colombie. – CC BY 2.0 / Tanenhaus / Wikimedia Commons

Le 15 juin dernier, une délégation de représentants du peuple indigène colombien yukpa était à Paris, après une tournée en Europe pour alerter les élus sur le risque de disparition des leurs. Les Yukpa luttent en effet pour leur survie face à la machine infernale de l’industrie du charbon.

La tragédie qu’ils vivent nous rappelle à quel point il est urgent que la France engage une réelle bifurcation énergétique pour rompre avec la dépendance aux énergies fossiles.

À La Guajira, département situé dans le nord-est de la Colombie, se trouve El Cerrejón, la plus gigantesque des mines de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine, grande comme six fois la ville de Paris.

Dans une région où la population manque d’eau, elle en utilise entre 27 et 35 millions de litres par jour, soit l’équivalent de 10 à 14 piscines olympiques, ou de la consommation annuelle d’environ 500 à 650 français (54,3 m³ d’eau en moyenne par personne et par an). Et loin d’être une exception, cette mine en avoisine d’autres, guère plus modestes, dans le département limitrophe de Cesar.

Des milliers de morts prématurées

Maladies respiratoires, eau contaminée, souveraineté alimentaire ébranlée, mortalité sur les chantiers, violations des droits humains et des peuples : c’est le cadeau empoisonné offert aux peuples indigènes colombiens Yukpa, vivant à Cesar, et Wayùu, installés non loin d’El Cerrejón, par l’industrie du charbon — avec le soutien d’acteurs financiers bien connus des Français tels que le groupe Banque populaire-Caisse d’épargne (BPCE) et le Crédit agricole.

La mine de charbon El Cerrejón, la plus grande d’Amérique latine, est grande comme six fois Paris. CC BY-SA 3.0 / Hour.poing / Wikimedia Commons

Menacés d’extinction, les Yukpa pleurent déjà 17 enfants morts de maladies respiratoires en 2023. Les Wayùu, eux, déplorent près de 5 000 décès prématurés d’enfants sur une période de dix ans (selon la plainte déposée par Global Legal Action Network).

Les mines colombiennes, exploitées par les sociétés suisse Glencore et étasunienne Drummond, détruisent le vivant, menacent directement la vie des populations locales et l’habitabilité de la planète en libérant des combustibles fossiles qui intensifient le réchauffement climatique.

Depuis septembre 2020, plusieurs experts de l’ONU ont d’ores et déjà appelé à la suspension des opérations de ces mines. Mais ils n’ont pas été entendus. Toujours propriétaire d’El Cerrejón, l’entreprise Glencore-Prodeco s’est même retirée de deux autres mines situées dans le département de Cesar, sans respecter ses obligations en matière de dépollution.

Des « méthodes de patrons voyous »

Une manœuvre qui n‘est pas sans rappeler la tactique adoptée par la même société en France, en 2003, lors de sa sortie de Metaleurop, spécialisé dans la production-transformation de métaux ferreux.

Elle avait alors abandonné un site industriel et le sol des cinq communes environnantes empoisonnés par le plomb, au risque du saturnisme que cela pouvait engendrer dans la population. À l’époque, le président Jacques Chirac avait dénoncé des « méthodes de patrons voyous ».

Cela se répète désormais ailleurs, pour alimenter nos besoins énergétiques. La France ne doit donc pas fermer les yeux : elle doit interdire toute coopération avec ces pratiques mortifères, et engager une réelle bifurcation énergétique afin de rompre avec la dépendance aux énergies fossiles.

Devoir de vigilance

Première destination du charbon colombien, les pays de l’Union européenne ont dépensé 3,4 milliards d’euros en 2022 pour en importer. Ce marché mortifère est juteux pour les banques et acteurs financiers qui soutiennent les entreprises extractrices.

Le groupe français BPCE, qui « place le climat comme priorité d’action », pointe au premier rang des investisseurs européens de Glencore PLC, selon les dernières données publiées dans le rapport Investing on Climate Chaos.

Mise en demeure par l’ONG colombienne Tierra Digna au titre du « devoir de vigilance », la banque devra répondre devant les tribunaux de ces liens financiers.

Créé en France en 2017, puis adopté par le Parlement européen début juin, ce devoir de vigilance oblige les grandes entreprises « au respect des droits de l’homme et de l’environnement ». Mais les agissements de l’industrie des énergies fossiles montrent qu’elle fait peu de cas de ces droits.

Il y a donc urgence. Lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, à Paris, le 23 juin, des citoyens ont rappelé aux États la nécessité de stopper leurs financements dans les énergies fossiles. (…)

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