Élections au Guatemala (communiqué commun / Collectif Guatemala – FAL)
Comme bon nombre de citoyens guatémaltèques et d’observateurs internationaux, le Collectif Guatemala et France Amérique Latine ont reçu avec surprise la percée inattendue du parti social-démocrate Semilla, tant aux élections présidentielles que législatives. D’une part, Bernardo Arévalo arrive au 2ème tour de la présidentielle ; d’autre part, Semilla obtient 15 % des sièges dans l’hémicycle.
Ces élections étaient annoncées comme un point de rupture en entérinant définitivement la fin de la lutte contre la corruption incarnée par la Commission internationale contre l’impunité (CICIG). Depuis 2017 et le départ officiel d’opérateurs de justice prodémocratie, le Guatemala est marqué par une cooptation généralisée de l’appareil étatique et juridique par et au profit d’intérêts économiques (il)licites des pouvoirs en place : élites économiques traditionnelles et émergentes, coalitions politiques au Congrès et dans les conseils municipaux, retraités du renseignement militaire – CIACS – et narcotrafiquants. Habituellement en opposition, ces derniers s’allient sous la bannière du dénommé « Pacte des corrompus » afin d’engager un renforcement de l’impunité, par le monopole sur les institutions d’État et de justice infiltrées par des réseaux criminels politiques qui, une fois à la tête de celles-ci, servent les intérêts de la corruption. Le modus operandi revient alors à jouer avec les ressources et outils démocratiques en les détournant de leur raison d’être et en s’assurant une perpétuation du système par une subtile répartition du gâteau de la corruption et des forces politiques représentant leurs intérêts, évitant ainsi la domination d’un des pouvoirs évoqués.
Au lendemain du 1er tour, quelques incohérences dans les résultats ont mené neuf partis politiques à déposer une requête directe en contrôle de constitutionnalité contre la conformité des élections. La Cour constitutionnelle (CC) a ordonné au Tribunal suprême électoral (TSE) de suspendre temporairement la proclamation des résultats du 1er tour de la présidentielle et de réaliser de nouvelles audiences de révision de scrutin, afin de vérifier la conformité entre les suffrages comptabilisés et les postes distribués. Saisir les instances judiciaires pour élucider les erreurs humaines minoritaires est légitime, invoquer une fraude électorale ne l’est pas. D’ailleurs, des incohérences ont finalement été signalées pour seulement 0,01 % des procès-verbaux par les commissions électorales et pourtant, deux semaines après les élections, le TSE n’est pas en mesure de proclamer officiellement les résultats.
Le Collectif Guatemala et France Amérique Latine regrettent la tentative de manipulation de la loi et de tension sociale visant à invalider les élections, alors que le cadre électoral établit clairement que des incongruences doivent être observées pour un tiers des procès-verbaux. L’annulation des élections n’était donc évidemment pas conforme. Il est malvenu pour la démocratie de confondre quelques hiatus issus d’erreurs humaines ou de potentiels litiges – trop nombreux – de la Commission Électorale du Département de Guatemala avec la fraude électorale.
Le Collectif Guatemala et France Amérique Latine invitent ainsi les différents partis politiques, le TSE et la CC à sécuriser le processus électoral présidentiel en reconnaissant et proclamant officiellement les résultats.
Nos deux organisations alertent la communauté internationale sur les tentatives de pénaliser juridiquement les erreurs humaines à la retranscription des suffrages dans le système et sur les menaces d’intimidation auprès des commissions électorales.
Par leur choix fait lors du 1er tour des élections présidentielles, les citoyens guatémaltèques ont exprimé leur mécontentement (40 % d’abstention, 17 % de votes nuls, 7 % de votes blancs) et leur volonté d’épurer le système électoral. L’entre-deux tours s’annonce tendu. Le contexte actuel d’alliance du système pro-corruption et pro-impunité et le monopole du contrôle sur les institutions risque de fragiliser le reste du processus électoral, en usant d’une stratégie juridique et communicationnelle déjà connue. Dans ce cadre, le Collectif Guatemala et France Amérique Latine dénoncent le recours aux moyens légaux à des fins illégitimes comme cela a été le cas lors de la campagne du 1er tour (interdiction de la candidature de Thelma Cabrera, Carlos Pineda, …) qui favoriserait de nouveau une instrumentalisation des institutions, cette fois-ci contre le parti Semilla et son candidat Bernardo Arévalo. Aussi, la campagne de désinformation invoquant la dangerosité des positions du parti de centre- gauche (comparée à la « peur rouge ») ou le discrédit infondé contre Bernardo Arévalo (en attestent les positions publiques de Fondation contre le terrorisme – Fundación contra el terrorismo) est à redouter.
Le Collectif Guatemala et France Amérique Latine appellent à être particulièrement vigilants devant la volonté du « Pacte de corrompus » de créer un climat de défiance généralisée, voire de désordre social, pour empêcher la libre expression du peuple guatémaltèque.
Tous les yeux de la communauté internationale sont rivés sur le Guatemala !
Nous invitons les acteurs diplomatiques et institutionnels à s’exprimer en ce sens.
Bureau National de FAL
Collectif Guatemala
11 juillet 2023