🇨🇱 Chili. Le gouvernement de Boric et la revanche des élites (Gustavo González – Interpress / Traduction par À l’Encontre)


Le gouvernement de Gabriel Boric a accompli huit mois au Chili. Il baigne dans un contexte de récession économique et de déception politique. Autrement dit, dans un des nombreux retournements de situation de ce pays, où les élites ont récupéré la capacité d’initiative qui leur avait été enlevée par les mobilisations populaires et le rêve d’une nouvelle constitution après l’explosion sociale de 2019.

Visite du président Boric dans le sud du Chili. Photo: Presidencia de Chile

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Peut-être que d’ici le 11 décembre, neuf mois après la mise en place du gouvernement le 11 mars 2022, il y aura enfin un feu vert, grâce à un large accord politique, pour un nouveau processus constitutionnel, après celui qui a été contrecarré le 4 septembre, avec le plébiscite dans lequel 66% des électeurs et électrices ont rejeté le projet de la nouvelle loi fondamentale.

La vérité est qu’aujourd’hui,la question constitutionnelle ne semble pas être au centre des préoccupations des 19,8 millions de Chiliens et Chiliennes, frappés par une crise économique ayant une forte composante propre à des facteurs externes, bien qu’elle soit également nourrie par le contrecoup de mesures qui ont paradoxalement poussé à une forte croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2021, pendant la pandémie.

Le Chili, habitué depuis des décennies à des taux d’inflation à un chiffre, inférieurs à 5%, a enregistré cette année, en fin octobre 2022, une hausse des prix à la consommation de 11,4%, avec des augmentations sans précédent de l’essence, du pain et des produits alimentaires de base.

La Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) prévoit que l’économie chilienne sera la seule de la région en récession en 2023, avec une baisse de -0,9% du PIB. En 2022, sa croissance se situera à 2,2%, soit inférieure à la moyenne régionale de 3,2%.

Ces chiffres constituent, à la fois, un contraste et une conséquence de la croissance record de 11,7% en 2021, lorsque, pour neutraliser l’impact de la pandémie du Covid-19, les citoyens et citoyennes ont été autorisés à retirer des fonds de Administradora de Fondos de Pensiones – les AFP : caisses de pension par capitalisation, avec gestion de comptes individuels – pour un total de 47 milliards de dollars.

Le gouvernement de droite précédent de Sebastián Piñera [dernière présidence : de mars 2018 à mars 2022] avait également distribué des allocations familiales pour un montant de trois milliards de dollars supplémentaires. Cela revenait à une énorme injection de liquidités qui a stimulé la consommation interne et relancé la croissance de la production.

C’était «le pain pour aujourd’hui et la faim pour demain». En effet, les retraits des AFP sont aujourd’hui rendus responsables de la pénurie de fonds d’investissement – ceux par les AFP – qui ont pourtant augmenté leurs bénéfices de 9,2% au troisième trimestre de cette année, même dans cette période critique.

La possibilité de retrait de l’argent des comptes individuels des AFP a été très populaire. Ella a empêché d’autres propositions visant à contrecarrer l’impact économique de la pandémie de progresser en 2021. Il s’agissait, en fait, de la création d’un impôt spécial sur les «super-riches». Il aurait été prélevé sur les personnes dont la fortune dépasse cinq millions de dollars.

Ces retraits sont un «acte de justice», compte tenu du fait que depuis 1983 les AFP, liées aux groupes économiques, s’emparent des comptes de retraite des Chiliens, les administrent et offrent finalement aux retraité·e·s des pensions bien inférieures à la rémunération que ces groupes touchaient en tant qu’actifs.

Mais les retraits ont aussi créé l’illusion que les épargnants sont propriétaires des dépôts qu’ils effectuent dans les AFP. Et lorsque l’Assemblée constitutionnelle installée le 4 juillet 2021 a commencé à proposer un système de retraite solidaire et par répartition, la droite a lancé une campagne contre elle sous le slogan «Avec mon argent, NON!».

Le rejet de la nouvelle Constitution proposée s’est nourri de la question des retraites, de la remise en cause de la reconnaissance des peuples indigènes, des droits reproductifs des femmes, qualifiés de libéralisation de l’avortement, et d’autres questions, comme la création de parlements régionaux et la suppression du Sénat [dans lequel se concentrent, au-delà des réformes des dernières années, les forces conservatrices].

Le référendum du 4 septembre a également constitué une sorte de procès pour le gouvernement de Gabriel Boric et, par conséquent, une lourde défaite pour les deux coalitions qui soutenaient le mandataire âgé de trente-six ans : d’une part, la coalition Apruebo-Dignidad composée du Frente Amplio et du Parti communiste, et, d’autre part, la coalition ayant pour nom Socialismo Democrático qui regroupe pour l’essentiel le Parti socialiste (PS) et Por la Democracia (PPD)

Ces partis – auxquels s’ajoutent la Démocratie chrétienne et le Parti radical, tous deux aujourd’hui en voie de fragmentation – ont constitué la base politique qui a rassemblé un vaste électorat indépendant, notamment parmi les jeunes. C’est ce qui a permis à Gabriel Boric de battre José Antonio Kast au second tour des élections présidentielles le 19 décembre 2021. (…)

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