Le Chili en temps de pandémie : entre l’onde de choc de la révolte d’octobre et les risques de reprise en main néolibérale (Alex G. et Franck Gaudichaud/ CETRI)
Le Chili connait depuis octobre dernier une immense révolte sociale et populaire, avec des manifestations de masse contestant le régime politique, le néolibéralisme et les fortes inégalités sociales touchant le pays. Ce processus de rébellion a débouché sur ce qu’on pouvait voir comme une concession de la part du gouvernement du multimillionnaire Sebastián Piñera, en même temps qu’une reprise en main du pouvoir : à savoir la convocation à un référendum pour le 26 avril sur un possible changement de la Constitution (héritée, il faut le rappeler, de la dictature de Pinochet).
Avec la propagation de la pandémie, le référendum vient d’être reporté à fin octobre, et comme dans le reste du monde, les mesures de confinement et les dangers de contagion ont paralysé les manifestions et résistances en cours.
Épidémie et lutte de classes
Le coronavirus est arrivé à Santiago notamment par les personnes les plus riches, ces dernières revenant de pays européens, de Chine ou de voyages en croisière. Le Chili est le pays proportionnellement le plus affecté par l’épidémie en Amérique latine, avec un taux de mortalité néanmoins plus faible que l’Équateur. Plusieurs cas de non-respect de la quarantaine, notamment de la part de familles aisées circulant entre leurs maisons principales et secondaires, ont été relevés. Cela a même mené à des formes de protestation et d’action directe, au moyen de barricades : des habitantEs de villages balnéaires tentent ainsi d’empêcher l’arrivée de membres de la bourgeoisie de la capitale dans leurs lieux de villégiature. Lors du week-end de Pâques, quelques membres du grand patronat local ont même poussé le détournement dû au confinement jusqu’à l’absurde en se rendant dans leurs maisons sur la côte en hélicoptère pour éviter les contrôles policiers !
Les nombreuses assemblées territoriales qui ont surgi dans le cours de la révolte depuis octobre ont tout de même permis une certaine réponse populaire pour faire face à la crise sanitaire en cours et poursuivre la lutte face à Piñera et son monde. Ces espaces auto-organisés ont eu un rôle pratique clef durant la révolte : assurer le ravitaillement alors que les commerces étaient fermés, la sécurité et la vigilance face aux violations des droits humains pratiquées par la police, l’organisation de la protestation. Ces assemblées se sont ensuite converties en espaces de délibération et de débat politique « par en bas ». « Avec la pandémie, les assemblées de quartier ont rapidement permis de faire des listes des personnes âgées, des personnes en situation de nécessité économique, de personnes vulnérables ou isolées afin de pouvoir les aider. Cependant, il ne faut pas non plus imaginer des réseaux de quartier qui permettent, à ce stade, une organisation générale parallèle à l’État avec un impact social important », nuance Karina Nohales, membre de la Coordination féministe du 8 mars. (…)
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