Cocaïne frelatée en Argentine: énorme sentiment d’injustice dans le quartier de Villa Puerta 8 (Jean-Louis Buchet / RFI)


En Argentine, l’émotion reste vive après la mort de 24 personnes qui avaient consommé de la cocaïne frelatée dans un bidonville situé à une trentaine de kilomètres de Buenos Aires, Villa Puerta 8, dans la nuit de mardi 31 janvier à mercredi 1er février. 24 heures après, les autorités ont annoncé, photos à l’appui, avoir détenu les membres de la bande qui avait distribué cette drogue mortelle. Mais, sur place, on dénonce une mise en scène par une police complice des narcotrafiquants. 


Des policiers déployés le 4 février 2022 à Puerta 8, un quartier pauvre de Buenos Aires où la cocaïne frelatée aurait été vendue. REUTERS – AGUSTIN MARCARIAN

Dans les ruelles étroites de Villa Puerta 8, les enfants jouent dans la poussière comme si rien ne s’était passé. Les rares hommes que l’on peut rencontrer s’esquivent. Marcelo, qui fait le taxi du quartier, nous dit sa résignation. « Avant-hier il y a eu encore un gamin intoxiqué, ils sont venus me voir, mais je n’avais pas de carburant ! C’est chaque fois pire ici, mais je ne peux pas aller ailleurs, qu’est-ce que je peux faire ? » se désole-t-il.

Seules des femmes acceptent de parler. Et elles dénoncent la police, complice des narcotrafiquants. « J’ai mon gamin dedans, qui n’était qu’un petit soldat, explique Soledad. Ils sont venus l’arrêter dans la nuit, alors qu’il travaillait de 11 à 23 heures, mais comme un petit soldat, pas un narcotrafiquant ! Je vais tous les jours au commissariat, son père aussi, mais on ne nous donne pas de nouvelles. » Erica témoigne à son tour : « Mon frère et mon père ont été arrêtés parce qu’ils ont mis de la drogue chez nous ! Le procureur lui-même a vu quand la police a mis la drogue à la maison ! Ils veulent faire payer les pots cassés à des innocents ! » « Il n’y a pas eu de perquisitions ! Les policiers sont arrivés en courant et ils ont arrêté les jeunes qu’ils ont trouvés ! Ils ont mis leurs soi-disant preuves, des petits sacs de drogue, ici et là, et ils ont arrêté des gamins qui voulaient jouer au foot ! », s’insurge pour sa part Lorena.

Un quartier sous emprise

Cette dernière est employée municipale, à la tête d’une famille de neuf personnes qui vit dans un deux-pièces au sol en terre battue. La vie dans un quartier contrôlé par des narcotrafiquants qu’on ne nomme jamais. « On s’est réveillés mercredi avec la nouvelle que les gamins du quartier étaient intoxiqués. À côté de chez moi, il y en a eu au moins six, dont mon frère, qui a arrêté de consommer dès qu’il a commencé à se sentir mal. Il s’en est tiré avec une grosse peur. C’est un lot qui est arrivé en mauvais état ou empoisonné, parce qu’ils arrivent emballés, dans la nuit, et au petit matin, ils étaient tous malades. On ne sait pas si ça a été fait exprès, on dit tellement de choses ! Que ça vient d’un autre quartier, que ceux qui sont au-dessus sont fâchés avec le distributeur d’ici, qu’un concurrent a pu faire un mauvais coup, je ne sais pas… » (…)

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