🇨🇴 Colombie : mettre fin à la « guerre contre la drogue » (Pablo Castaño / Le vent se lève)
Des centaines de milliers de victimes, une prolifération de groupes armés et une consommation toujours croissante de stupéfiants : la « guerre contre la drogue » en Colombie détient un sinistre bilan. Durant des décennies, les gouvernements successifs ont adopté une approche répressive, avec des résultats similaires. Gustavo Petro, président du pays depuis août 2022, entend rompre avec cette logique.
La guerre contre la drogue a échoué » : par cette formule lapidaire, le président colombien Gustavo Petro marquait l’une des priorités de son futur mandat, lors du discours d’inauguration de sa présidence, le 7 août 2022. Durant sa campagne, il avait promis de rompre avec le paradigme anti-drogue qui prévalait alors – dans un pays qui est le premier producteur mondial de cocaïne, et était l’allié le plus proche des États-Unis dans sa lutte contre le trafic. Pour l’ancien guérillero devenu président, l’approche « militaire » de la lutte contre la drogue a accouché de rien de moins qu’un « génocide », qui a coûté la vie à « un million de Latino-américains ».
Sous un titre poétique – « semer la vie, bannir le trafic de drogue » -, le gouvernement a présenté une feuille de route visant à définir les grands axes de sa politique anti-drogue jusqu’en 2033. Le nouveau plan partage bien certains objectifs avec les précédents : éradication de quatre-vingt-dix mille hectares de culture illégale de feuilles de coca, réduction de la production de cocaïne de 43 %, etc. Pour autant, son approche marque une rupture nette, l’objectif étant que la grande majorité des hectares soit éradiqué volontairement, par la promotion d’alternatives pour les agriculteurs qui cultivent la feuille.
Des décennies durant, la lutte contre le trafic de drogue a impliqué des attaques permanentes contre les producteurs de coca, une feuille qui est également utilisée à des fins licites telles que les infusions, ou même les engrais. En Bolivie, la coca bénéficie d’une protection constitutionnelle en tant que patrimoine culturel pour son utilisation par les peuples autochtones ; en Colombie, elle a longtemps été l’objet de tous les stigmates, dont le point culminant fut une campagne organisée autour du slogan la mata que mata [NDLR : la « plante (mata) qui tue (mata, du verbe matar) »]. À l’inverse, la nouvelle politique fait la distinction entre la feuille et la cocaïne qui en est issue.
« Petro a déclaré qu’il ne combattrait pas les petites cultures ; il s’attaquera aux cultures industrielles. Quant aux petites cultures : soit elles sont volontairement remplacées, soit elles demeurent telles quelles », explique Sandra Borda, politologue à l’Université des Andes. « Avant, nous combattions toutes les cultures illicites, y compris celles des petits agriculteurs, et cela créait de graves problèmes et des conflits à répétition entre les communautés et l’armée. Sans jamais faire reculer le trafic. »
Aujourd’hui, environ 115 000 familles vivent de la culture de feuilles de coca. L’objectif affiché du gouvernement est d’en faire transiter la moitié vers des activités licites – culture de la feuille à des fins de consommation légale, reconversion vers un rôle de garde forestier pour prévenir la déforestation, etc. (…)
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