Colombie, région du Chocó : «Depuis l’accord de paix, la situation a empiré» (Aude Massiot/ Libération)

Ramón Bedoya, 18 ans, est en France pour dénoncer les violations massives des droits humains et la dégradation environnementale perpétrées par l’industrie de l’huile de palme et des bananes plantains dans son pays.

Ramón Bedoya a le visage fermé, dur. À 18 ans, il a traversé le continent sud-américain et l’océan Atlantique depuis sa Colombie natale pour venir à Paris interpeller le gouvernement français. Il ne vient pas célébrer l’accord de paix conclu en 2016 et qui a mis fin à cinquante-deux années de guerre civile dans son pays et qui a valu le prix Nobel de la paix au président Juan Manuel Santos la même année. Au contraire. «Depuis cet accord, la situation sécuritaire et environnementale s’est fortement dégradée dans notre région du Chocó dans l’ouest de la Colombie», assure le jeune homme assis dans le lobby d’un hôtel parisien.

Assassinat

Malgré le dépôt des armes des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie), la principale formation d’opposition militaire au gouvernement, à l’été 2017, d’autres groupes armés guérilleros occupent la région, comme l’Ejército de Liberación Nacional (ELN) et les Autodefensas Gaitanas de Colombia. «Des groupes paramilitaires en lien avec ces organisations et avec de grandes entreprises de l’industrie agricole tentent aussi de nous prendre nos terres, raconte Ramón Bedoya.

Río Atrato (Chocó/ Photo de Leonardo Jarro)

Leur but est de développer des monocultures d’huile de palme, de bananes plantain et de manioc, ainsi que de l’élevage extensif.» Ce serait pour avoir défendu ces terres familiales que son père s’est fait assassiner il y a moins de sept mois. Le 8 décembre 2017 à 13h15, Hernan Bedoya, alors âgé de 48 ans, rentre chez lui dans le hameau de Playa roya, sur la commune de Pedeguita y Mancilla, quand deux tueurs à gage à moto lui barrent la route et le tuent de quatorze balles, selon les éléments rapportés par la communauté de la famille Bedoya. Le père du jeune militant était un des leaders du mouvement CONPAS réunissant des associations de victimes du conflit armé et luttait depuis de nombreuses années contre l’accaparement des terres de sa communauté. Il a rejoint les quelque 200 défenseurs des droits humains et de l’environnement assassinés en Colombie depuis 2016.

Accaparement de terres

«Quand des personnes sont assassinées, la population a peur et une partie fuit ses terres ; les entreprises de l’industrie agricole viennent alors les racheter pour une faible somme, décrit Ramón Bedoya. Quand les gens ne veulent pas partir, comme c’était le cas de mon père, ils font venir des groupes paramilitaires d’autres régions du pays pour les occuper par la force.» Pour le jeune militant, un des principaux responsables de ces violations des droits humains est l’entreprise colombienne Agromar.

Sous la pression du développement des cultures d’huile de palme et de bananes plantains, ainsi que de l’élevage bovin, la forêt colombienne, une des plus riches en biodiversité de la planète, disparaît à un rythme alarmant. Selon des données publiées mercredi par le World Resources Institute, la Colombie aurait perdu 424 870 hectares de couvert forestier en 2017, soit un bond de 46 % par rapport à l’an passé. Le départ des FARC des régions d’Amazonie colombienne a permis l’ouverture de ces territoires auparavant difficilement accessibles aux entreprises qui n’hésitent pas à défricher même illégalement des zones de forêt vierge, un écosystème crucial pour réguler le climat planétaire(…)

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