Mexique : López Obrador, l’espoir à gauche (Françoise Escarpit/Politis)
Le favori de la présidentielle, candidat atypique, promet une lutte radicale contre la corruption et des réformes sociales majeures. Un président de gauche pour le Mexique : la perspective, très réelle, a de quoi donner le vertige politique dans un pays gouverné depuis l’après-guerre par l’hégémonique Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, libéral centre-droit), règne à peine interrompu dans les années 2000 par le PAN (conservateurs), qui n’a résolu aucun des grands problèmes des Mexicains.
Dans la campagne du Tabasco, État du sud frontalier du Guatemala, on voit parfois dans les maisons un autel consacré à Andrés « Manuelito », semblable à ceux dédiés à saint Jude ou à sainte Rita – patrons des causes perdues. Face à l’impuissance des partis politiques dominants, le candidat Andrés Manuel López Obrador, « Amlo », cristallise l’espoir d’un peuple accablé de maux endémiques – violence meurtrière des cartels, corruption, pauvreté. L’élection passionne le pays entier, tout autant que la Coupe du monde de foot. Depuis des mois, López Obrador domine sans partage toutes les enquêtes d’opinion. Et sa popularité n’a pas faibli d’un pouce alors que près de 88 millions d’électeurs (pour 125 millions d’habitants) sont appelés le 1er juillet à élire, sur un tour, leur président. Dans les derniers sondages, il était crédité de 48 % des intentions, contre 38 % pour Ricardo Anaya (PAN) et 20 % pour José Antonio Meade Kuribreña (PRI). On votera aussi pour renouveler le Parlement fédéral, où le Morena, parti d’Amlo, devrait obtenir une majorité relative devant le PAN, huit gouverneurs (sur 32) et le maire de Mexico. Le PRI, parti du président sortant, Enrique Peña Nieto, est annoncé comme le grand perdant – son retour en 2012, après douze années d’expérience d’une droite dure, est un échec absolu. Quant au PRD, naguère leader de la gauche mexicaine, il devrait se contenter de miettes.
Si l’engouement qu’il suscite promet de bouleverser l’ordonnancement politique longtemps immuable du Mexique, López Obrador n’est pas tombé de la dernière pluie. À 64 ans, il tente pour la troisième fois de devenir président. Et, comme à chaque fois, la droite s’est déchaînée dans d’incroyables campagnes de diffamation, relayées par de nombreux médias, jusqu’au très libéral Washington Post, qui l’accuse : trop proche des gouvernements cubain et vénézuélien, il reviendrait aux politiques étatiques des années 1970, renégocierait l’Alena (accord de libre-échange nord-américain) et aggraverait ainsi les tensions avec les États-Unis. L’hommage, en quelque sorte, à un authentique projet latino-américain de gauche.
Fils de commerçants, Amlo n’a pas fait ses études aux États-Unis, comme la majorité de l’élite politique, mais au Mexique. Sa carrière commence, comme pour presque toute sa génération, aux côtés du PRI, qu’il quitte en 1988. L’année suivante, il participe, avec Cuauhtémoc Cárdenas, à la fondation du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche). Dans le Tabasco, il a laissé le souvenir d’un homme proche des plus humbles et particulièrement des Indiens Chontales. Il a appelé à la résistance civile, bloqué les installations du pétrolier national Pemex pour obtenir l’indemnisation des paysans et des pêcheurs affectés par la pollution, pris la tête d’une marche-exode vers Mexico pour dénoncer les pratiques du PRI (…)
Une société gangrenée par la violence
Les élections du 1er juillet sont dominées comme jamais par la violence. Le pays déplorait 2 890 homicides en mai dernier, mois le plus sanglant depuis près de quinze ans. Loin d’enrayer la spirale meurtrière alimentée par la guerre des cartels de la drogue, les opérations militaires inaugurées en 2006 par Felipe Calderón se sont soldées par plus de 100 000 morts lors de son mandat. Un bilan encore aggravé sous la présidence d’Enrique Peña Nieto. Les victimes sont des soldats, des policiers et des criminels, mais surtout des civils. D’autres bandes, souvent liées aux cartels, affrontent armée et police pour piller à grande échelle oléoducs, trains ou camions-citernes.
Autre visage de la violence, la répression sociale. Parmi ceux qui paient le plus lourd tribut : défenseurs des droits humains, syndicalistes, paysans, militants LGBTI, écologistes, journalistes (hors régions en guerre, le pays est le plus meurtrier au monde pour ces derniers). La violence électorale a également resurgi, avec l’assassinat de près de 120 candidats, maires ou députés locaux (pour collusion avec les groupes criminels, refus de leur céder, etc.). Et l’on ne saurait oublier les exactions continues contre les femmes (…)
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Voir également: 133 hommes politiques assassinés pendant la campagne électorale (enquête du cabinet d’études Etellekt)