Un projet d’aéroport, miroir des maux du Mexique (Frédéric Autran/ Libération)
Corruption, violence, non-respect des plus modestes : la construction de la nouvelle infrastructure pourrait être remise en cause en cas de victoire d’Andrés Manuel López Obrador, le candidat de la gauche à la présidentielle du 1er juillet.
Certains l’ont baptisé le Notre-Dame-des-Landes mexicain. Et les similitudes – aéroport, opposition locale, nature préservée contre béton armé – ne manquent pas. Mais la comparaison a ses limites. Car bien plus qu’une simple plateforme aéroportuaire, le chantier du futur aéroport international de Mexico, (re)lancé en 2014 par le président Peña Nieto et menacé par celui qui pourrait être élu dimanche pour lui succéder, offre une allégorie du Mexique moderne. Un miroir où se reflètent tous les traits de cette nation dysfonctionnelle : corruption, puissance et cupidité de l’oligarchie, violence et impunité, non-respect des lois et des plus modestes.
Septembre 2014. Enrique Peña Nieto dévoile la maquette du NAICM, sigle du nouvel aéroport de la mégapole. Le dirigeant au sourire Colgate, que le magazine Time qualifiait de «sauveur» du Mexique, veut en faire un hub latino-américain, «un symbole de modernité» et son «héritage». Les chiffres du projet, le plus imposant de l’histoire du pays, illustrent cette ambition. La première phase, censée être opérationnelle fin 2020, doit permettre d’accueillir 70 millions de passagers par an, grâce à un terminal de 750 000 mètres carrés et trois pistes capables d’opérer simultanément. Budget estimé : 11,5 milliards d’euros, plus cher que le futur aéroport de Pékin. Dans leur folie des grandeurs, les concepteurs ont imaginé un second volet, au coût encore inconnu. Il porterait la capacité du hub mexicain à 125 millions de voyageurs. Celui d’Atlanta (États-Unis), le plus fréquenté au monde, en a accueilli 103 millions en 2017.
«Mafia du pouvoir»
Après trois ans de travaux à un rythme effréné, le terrassement préalable à la construction des pistes touche à sa fin, tout comme les fondations du terminal et de la tour de contrôle. Le ballet des camions et des ouvriers a toutefois nettement ralenti, conséquence de l’incertitude électorale. Car Enrique Peña Nieto, à qui la Constitution interdit de briguer dimanche un second mandat, quittera le pouvoir en décembre. Et son probable successeur, le populiste de gauche Andrés Manuel López Obrador, dit Amlo, s’oppose depuis toujours au projet, qu’il juge surdimensionné, dispendieux et rongé par la corruption.
Il y a quelques mois encore, Amlo promettait d’interrompre les travaux. Après avoir rencontré les riches patrons mexicains, qu’il qualifie de «mafia du pouvoir», l’ex-maire de la capitale a tempéré son discours. S’il est élu, il promet désormais un référendum. «En démocratie, c’est le peuple qui décide», dit-il, proposant trois options : la poursuite du chantier initial (60 % d’argent public, 40 % de fonds privés) ; sa poursuite avec des fonds 100 % privés ; ou son remplacement par un projet alternatif flou, qui consisterait à transformer une base militaire du nord de la ville (…)