🇨🇴 Colombie : Soraida Chindoy, la gardienne indigène qui défend les montagnes du Putumayo de l’exploitation minière (Natalia Pedraza Bravo / Mongabay / traduction Cocomagnanville)


La femme indigène mène le combat de la communauté Inga du resguardo Condagua dans le Putumayo, en Colombie, contre une société minière canadienne qui cherche à exploiter leurs montagnes sacrées pour en extraire du cuivre et du molybdène.

Dans le territoire défendu par Soraida Chindoy se trouve la lande de Doña Juana-Chimayoy, un lieu où naissent huit rivières et où subsistent cinquante-six lagunes que les indigènes considèrent comme sacrées, un endroit où la forêt amazonienne et les Andes se rencontrent.

Illustration : Mongabay

Son opposition à l’exploitation minière a été déclenchée par une tragédie. En 2017, elle et sa famille faisaient partie des quelque 22 000 personnes touchées par la coulée de boue survenue à Mocoa. La Terre Mère lui a rappelé d’une manière très dure pourquoi il est si nécessaire de prendre soin d’elle.


Leer en español : Soraida Chindoy: la guardiana indígena que defiende de la minería a las montañas del Putumayo


Le placenta de Soraida Chindoy Buesaquillo a été planté dans les montagnes du Putumayo, dans la région andino-amazonienne colombienne, le 9 mai 1983, selon la tradition des Ingas, le peuple indigène dont elle fait partie. Il ne pouvait en être autrement car sa mère, Concepción Buesaquillo, était sage-femme de métier et connaissait bien l’importance de ce rituel : connecter celui qui naît avec la Terre Mère, pour qu’elle puisse le guider pour le reste de sa vie et pour qu’il puisse grandir, comme un arbre ferme et sûr.

La huitième d’une famille de dix enfants a les yeux noirs ainsi que ses cheveux attachés en queue de cheval qui lui arrive à la taille, à la même hauteur que le chumbe, la ceinture rose qu’elle porte dans son costume traditionnel. Elle ne quitte pas sa maison sans mambe – poussière de feuilles de coca et autres substances utilisées par sa communauté comme élément spirituel et médicinal – et sans un collier fait de Pouteria caimito, une graine qui imite le bruit d’une rivière qui coule et qu’elle utilise lorsqu’elle chante dans sa langue maternelle pour plaire à la Terre Mère.

À la maison, Soraida Chindoy a appris à profiter de la terre, à planter, pêcher et cueillir, mais aussi à en prendre soin. Elle a fait cela depuis sa naissance jusqu’à son adolescence, alors qu’elle vivait dans le resguardo indigène de Condagua , au sud du pays, là où la selva amazonienne rencontre les montagnes des Andes.

Lorsqu’elle a grandi, elle a déménagé à Mocoa, la capitale du département de Putumayo, à trente minutes en moto de la réserve, à la recherche d’opportunités de travail, mais elle n’a jamais complètement quitté son pays natal, où vivent encore ses parents et certains de ses frères et sœurs.

Aujourd’hui, elle a quarante ans et marche pieds nus à travers les montagnes de la réserve, avec une habileté que seuls ceux qui sont nés possèdent, et pendant qu’elle cueille du cacao sur un arbre, elle se souvient de la première fois où elle a ressenti que la vie tranquille dirigé par la famille était en danger.

« Il y a une dizaine d’années, j’ai entendu parler pour la première fois d’entreprises (minières). Ce n’était que des rumeurs. Ils ont dit qu’ils apportaient de bons projets pour la communauté, qu’ils étaient venus nous aider, et au début, j’ai trouvé que c’était cool parce que personne ne venait ici et qu’il y avait beaucoup de besoins », dit-elle depuis le resguardo.

Cependant, des doutes ont commencé à l’envahir : d’où venait l’argent pour ces projets ? Qui était derrière l’entreprise ? Les réponses étaient peu nombreuses, se souvient-elle, mais elle savait que la montagne était examinée car, vers 2010, des machines étaient remontées depuis les sentiers avoisinants.

Soraida Chindoy mène aujourd’hui le combat de son peuple contre la société minière canadienne Libero Copper. Cette entreprise cherche à exploiter les montagnes sacrées des Ingas pour extraire du cuivre, un minéral que le gouvernement de Gustavo Petro considère comme « stratégique pour la transition énergétique » en raison de son importance dans la production d’énergies dites « propres », comme les panneaux solaires et éoliennes.

Au milieu des années 1970 , Ingeominas, une entité qui était alors chargée de réaliser l’étude des ressources naturelles et des risques d’origine géologique en Colombie, a découvert ce qu’elle prétend être le plus grand gisement de cuivre et de molybdène au monde dans la zone qui, onze ans plus tard, en 1993, sera déclarée par l’État comme resguardo indigène des Ingas, le peuple de Soraida Chindoy.

La terre où est née la femme indigène est très spéciale et pas seulement à cause du gisement qui, selon l’Agence nationale des mines, possède environ 636 millions de tonnes d’équivalent cuivre. À cela s’ajoute la lande de Doña Juana-Chimayoy, d’où naissent huit rivières et plus de 1 140 affluents de surface. Ce territoire abrite également cinquante-six lagunes considérées comme sacrées par les peuples indigènes et représente le point de rencontre de la selva amazonienne avec les Andes.

Malgré le fait que la zone avait déjà été reconnue comme resguardo indigène , une entité qui implique une propriété communautaire et se distingue par son caractère inaliénable, essentiel et insaisissable, à la condition que tout projet sur le territoire doive avoir l’approbation de ses propriétaires ancestraux, l’État colombien a accordé quatre titres miniers en 2006, sans consultation préalable de la communauté indigène .

La société britannique Anglo American a été la première à gérer et à obtenir les quatre titres miniers, qui sont ensuite passés entre les mains de l’Anglogold Ashanti sudafricaine et de la canadienne B2Gold. Depuis mai 2018, ils appartiennent à la société canadienne Libero Copper, qui opère en Colombie sous le nom de Libero Cobre.

Dans un rapport technique de janvier 2022, disponible sur le site Libero Cooper, l’entreprise indique que le « Projet Mocoa Copper and Molybdenum » couvre une superficie d’un peu plus de 11 391 hectares.

En juin 2023, Mongabay Latam a publié une enquête menée par une alliance journalistique dans laquelle il est révélé que le projet minier Mocoa bénéficierait à deux membres d’une dynastie politique des États-Unis et que sa réalisation impliquerait, entre autres, de réduire un espace naturel protégé.

L’enquête menée par le Centre latino-américain d’investigation journalistique (CLIP) montre qu’en octobre 2021, la société a fait état du début des activités d’exploration dans le Putumayo. Deux mois plus tard, la société britannique Anglo Asian Mining plc devenait le principal partenaire de Libero Copper.

Parmi les actionnaires d’Anglo Asian figurent John Henry Sununu, homme politique républicain américain, ancien gouverneur du New Hampshire et ancien chef de cabinet de George Bush père. Son fils, Michael Charles Sununu, est membre du conseil d’administration de Libero Copper. Tous deux, en plus d’appartenir à une famille active dans la politique américaine depuis plus de quarante ans, sont controversés pour avoir remis en question la véracité des informations scientifiques sur le changement climatique. (…)

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