Communiqué de l’Assemblée des Citoyens Argentins de France: Mémoire et sens de l’histoire 41 ans après le coup d’Etat
France Amérique s’est tenue aux côtés des argentins rassemblés le 24 mars dernier à Paris pour la commémoration du 41ème anniversaire du Coup d’Etat. Nous partageons les inquiétudes exprimées par l’Assemblée des Citoyens Argentins de France (ACAF) face à l’avènement de la droite néolibérale au gouvernement, ses atteintes aux principes démocratiques et au travail de reconstruction de Mémoire du peuple argentin.
LE COUP D’ETAT DU 24 MARS 1976:
Mémoire et sens de l’Histoire
Le 24 mars 1976 un coup d’état installait dans notre pays la dictature civico-militaire la plus sanguinaire de son histoire. Quarante et un ans après une triple constatation s’impose.
En premier lieu, la République Argentine est gouvernée par les mêmes classes dominantes qui ont fourni à cette dictature le substrat matériel et idéologique, les objectifs économiques et sociaux et qui ont justifié le génocide pour arriver à leurs fins.
Aujourd’hui, cette droite néolibérale dirigée par une PDGcratie, gouverne pour les riches, avec le soutien de médias hégémoniques. Elle n’hésite pas à défendre ses privilèges, aggravant terriblement la dette du pays, après avoir accepté de payer les fonds vautours le montant qu’ils exigeaient depuis des années. C’est ainsi que le gouvernement de Macri, après avoir dévalué le peso et augmenté les tarifs des énergies, a laissé s’installer une inflation de plus de 40% provocant l’appauvrissement de millions de personnes.
En deuxième lieu, bien que ce gouvernement soit arrivé au pouvoir démocratiquement en gagnant les élections de 2015, il participe à la nouvelle tendance internationale, qui pervertit les principes démocratiques et républicains par des pratiques dignes de régimes dictatoriaux. En Argentine nous observons avec tristesse que la répression est à nouveau un outil servant à imposer des mesures anti populaires telles que les licenciements massifs ou les persécutions politiques, comme le prouvent les faits suivants :
- Emprisonnement sans procès de militants politiques et sociaux, dont l’exemple le plus significatif est la détention de la dirigeante sociale Milagro Sala. Utilisant l’excuse d’une justice fédérale, le gouvernement Macri se fait complice du gouverneur de Jujuy Gerardo Morales, qui la détient depuis 14 mois de façon arbitraire (dénoncée par l’ONU, le CIDH et Amnesty international). S’ajoutent à cela des pressions de toutes sortes qui mettent en danger son intégrité morale et physique. Malgré une grande mobilisation nationale et internationale réclamant sa libération immédiate, ainsi que celle de ses 11 compagnons, sa détention est soumise aujourd’hui à la décision de la Cour suprême de justice qui doit se prononcer dans les prochaines semaines.
- Menaces permanentes sur des travailleurs et des dirigeants syndicaux ; et récemment parmi les plus évidentes, les menaces de mort sur le dirigeant de SUTEBA Roberto Baradel. Ces menaces sont encouragées par la récente affirmation du président Macri : « je ne crois pas que Baradel ait besoin qu’on le protège »
- Inspirée de la vision xénophobe de Donald Trump, la nouvelle mouture de la loi sur l’immigration décrète un durcissement des conditions pour migrer vers l’Argentine et facilite l’expulsion des étrangers. Licenciement de journalistes et de travailleurs de la presse, razzias dans les quartiers populaires… la liste est longue des faits qui nous prouvent que nous assistons à une perversion, voire corruption, des principes démocratiques et républicains.
En troisième lieu, la droite néo-libérale du gouvernement tente, de façon subtile ou grossière de réécrire l’histoire selon ses intérêts en attaquant le laborieux travail de reconstruction de Mémoire des argentins et des associations représentatives comme les Mères ou Grands-mères de la Place de Mai, Hijos ou tant d’autres.
C’est dans ce sens-là que :
- Elle soutient les propos négationnistes de fonctionnaires et membres du gouvernement comme le Directeur des douanes Gómez Centurión ou de l’ex ministre de la culture de la ville de Buenos Aires Darío Lopérfido qui a dû renoncer à son poste sous la pression populaire mais qui en récompense a été nommé attaché culturel auprès de l’Union Européenne. Il est fortement préoccupant que l’Argentine soit représentée par un attaché culturel assumant son négationnisme.
- Le gouvernement coupe dans les budgets des musées, des lieux culturels et de mémoire, décrète la destruction des archives historiques dont celles couvrant la période de dictature et encourage la prison domiciliaire de militaires condamnés pour crime contre l’humanité. Ces mesures autorisent quelques juges à repousser les procès en cours et en particulier le plus important : celui de la ESMA.
- Un autre exemple des attaques contre le processus de reconstruction de Mémoire a été la tentative de déclarer mobile le jour férié du 24 mars ; mais devant l’impressionnante réaction de différentes organisations, de politiques ainsi que des organismes de défense populaire et des droits de l’homme, le gouvernement a dû reculer.
Face à de telles attaques la lutte continue
Les grandes mobilisations qui marquèrent la semaine du 6 mars : grève et manifestation des enseignants puis mobilisation syndicale du 7 mars, grève le 8 mars lors de la journée internationale de la femme ; ont montré l’isolement et le rejet croissant de l’équipe gouvernementale, mêlée aux affaires de blanchiment d’argent dans les paradis fiscaux du “Panamá papers ». Le président Macri lui-même est poursuivi pour trafic d’influence et négociations incompatibles avec sa fonction, en acceptant d’abandonner la dette de plusieurs millions que le groupe entrepreneurial de la famille Macri doit à la poste argentine, ou encore le récent scandale de la concession donnée à la compagnie aérienne Avianca suite à des conflits d’intérêts.
En France, ACAF mène une lutte spécifique : elle concerne le tortionnaire argentin Mario Sandoval reconnu coupable de la disparition de notre compatriote Hernán Abriata. Le premier juin, la Cour d’Appellations de Versailles prononcera une sentence sur la demande d’extradition vers l’Argentine effectuée il y a 5 ans par le juge fédéral Sergio Torres. La République française, qui avec l’Argentine ont été des piliers de la Convention Internationale contre la Disparition forcée, ne peut être une terre de protection de crimes contre l’humanité. Nous exigeons son immédiate extradition.
Dans ce contexte d’attaques systématiques contre les argentins, le rassemblement d’aujourd’hui, 41 ans après le coup d’état est un acte visant à démasquer la destruction par ce gouvernement néo-libéral, des années de travail et de lutte pour construire des politiques de Mémoire, et de sa volonté de réécrire l’histoire en entrainant l’Argentine vers un état policier qui nous rappelle des époques que nous pensions révolues.
Cette situation nous oblige à redoubler d’efforts pour que les drapeaux de « Mémoire, Vérité et Justice » continuent de se dresser en souvenir des 30 000 camarades disparus, dont le gouvernement tente de minimiser le nombre et de les discréditer.
“Hoy más que nunca, 30.000 compañeros desaparecidos PRESENTES !!!
Assemblée de Citoyens Argentins en France (ACAF)