COP15: un accord historique mais sans dispositif contraignant pour la protection de la biodiversité (revue de presse et déclarations)


L’accord final du sommet de l’ONU sur la biodiversité, qui s’est tenu à Montréal au Canada, a reconnu pour la première fois explicitement que les communautés autochtones constituaient la meilleure protection des richesses naturelles qui nous restent. Cette mesure est essentielle mais elle ne suffira pas à freiner l’extinction massive de la biodiversité.

Les leaders de la COP15 sur la biodiversité applaudissent après l’accord trouvé à Montréal, le 19 décembre 2022. © Julian Haber/UN Biodiversity/Handout via REUTERS

Les quelque 190 pays ont adopté lundi 19 décembre des engagements supplémentaires en matière de biodiversité, notamment autour du partage des bénéfices économiques à tirer des données génétiques issues de plantes et animaux. Cet accord, connu sous le nom d’accord « 30 x 30 », fixe des objectifs importants visant à enrayer le déclin alarmant de la biodiversité observé au cours des dernières décennies. Lors de la COP15, les États n’ont toutefois pas reconnu explicitement les terres et territoires des peuples autochtones comme une catégorie distincte de zones conservées, ce qui menace finalement leurs droits. Ci-dessous revue de presse et déclarations de quelques ONG engagées sur ce sujet.

COP15 : au-delà des promesses, le combat n’est pas gagné sur la biodiversité (éditorial Le Monde)

Plus de 190 pays, réunis lundi lors de la COP15 à Montréal, sont parvenus à un accord historique pour tenter d’enrayer la destruction de la biodiversité. Mais sans dispositif contraignant, de nombreux engagements pris risquent de rester lettre morte.

Photo : News 24

Signer un « pacte de paix avec la nature ». L’appel du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, lors de l’ouverture de la 15e Conférence des parties sur la biodiversité (COP15) a été entendu. Le traité a bien été paraphé, lundi 19 décembre, par plus de 190 Etats à Montréal. Mais, dans un plan de paix, ce n’est pas tant la signature qui importe que l’application effective des engagements par les parties prenantes. L’« accord de Kunming-Montréal » a beau avoir été qualifié d’« historique » par des protagonistes qui se sont empressés d’en faire l’équivalent pour la biodiversité de l’accord de Paris sur le climat, les promesses n’engagent à ce stade que ceux qui les croient.

Il est vrai que jamais une COP sur la biodiversité n’avait été aussi ambitieuse. Il s’agit de protéger 30 % de la planète, de restaurer un tiers des écosystèmes, de réduire de moitié les risques liés aux pesticides, de doubler les financements globaux en faveur de la protection de la nature.

Ces ambitions sont aussi louables qu’indispensables. Au même titre que celles qui avaient été formulées en 2010 lors de la COP10 de Nagoya (Japon), qui, elle aussi, avait soulevé un vent d’espoir… avant de décevoir. Sur les vingt cibles qui avaient été fixées pour la fin de la décennie, aucune n’a été atteinte. Pire, le déclin de la plupart des espèces les plus fragiles s’est poursuivi, malgré les belles paroles. (…)

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COP15 biodiversité : aires protégées, pesticides, aides financières… Voici ce qu’il faut retenir de l’accord Kunming-Montréal (Thomas Baïetto / France Info)

Adopté dans la nuit de dimanche à lundi, le texte a pour objectif d’enrayer la destruction de la biodiversité. “Il y a des choses très bien et d’autres décevantes”, résume un observateur.

Photo AFP

Le coup de marteau est tombé à 3h30 du matin. Avec presque un jour d’avance, la COP15 biodiversité de Montréal (Québec) s’est clôturée, lundi 19 décembre, avec l’adoption d’un accord : un “pacte de paix avec la nature” négocié depuis quatre ans pour enrayer la destruction par les activités humaines des espèces animales, végétales et des milieux naturels. “Nous sommes à un moment historique, au terme d’un long voyage semé d’embûches, nous voilà parvenu à destination, nous avons adopté le plan d’action mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal”, a déclaré le président de la COP, le ministre chinois de l’Environnement Huang Runqiu. “Cet accord est historique, objectivement. C’est un accord ambitieux, pas au rabais”, a salué Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique.

Les observateurs sont plus mesurés. “Ce texte ne casse pas la baraque, mais il sauve les meubles”, synthétise Pierre Cannet, directeur du plaidoyer à WWF France. “Il y a des choses très bien, et d’autres décevantes”, résume Paul Leadley, écologue et conseiller scientifique de la COP. “La présidence chinoise a été très rusée. Tout le monde gagne quelque chose”, observe un négociateur européen.

Franceinfo fait le point sur ce qu’il faut retenir de cet accord Kunming-Montréal, du nom des deux villes où s’est déroulé ce sommet perturbé par la pandémie de Covid-19. (…)

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Accord de la COP15 : la France et l’UE s’auto-congratulent, les ONG mitigées (Éléonore Disdero / Libération)

«Historique» pour les instances internationales, l’accord de la COP15, finalisé ce lundi, n’est pas assez abouti pour les associations de protection de la nature, qui s’inquiètent de sa mise en œuvre.

Les délégués réagissent après l’adoption des accords lors de la plénière de clôture de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15) à Montréal, Québec, Canada, le 19 décembre 2022. (Andrej Ivanov/AFP)

Alors qu’un accord qualifié d’«historique» par ses organisateurs a été trouvé en faveur de la nature à la COP15 de Montréal, les associations de lutte pour la protection de la biodiversité déplorent des engagements trop faibles. Le WWF, par exemple, regrette que cet accord contienne des «impasses»«En s’engageant à réduire à près de zéro la perte des écosystèmes hautement importants pour la biodiversité, les États acceptent, en creux, de perdre davantage de milieux naturels essentiels.» Un objectif «incompatible avec l’ambition d’inverser la perte de biodiversité d’ici 2030», et qui contredit les engagements récemment pris par les États, par exemple dans lutte contre la déforestation. (…)

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Une défaite et quelques succès avec un arrière-goût amer (déclaration de Survival)

Au terme d’une négociation théâtrale et sans précédent, qui a donné lieu à des interruptions de séance et des blocages jusqu’à la toute fin, le Cadre mondial pour la biodiversité (CMB) a finalement été adopté ce matin lors de la COP15 à Montréal. Ce cadre prétend être un plan d’action pour la “protection de la nature” jusqu’en 2030, mais il n’a pas pris la mesure nécessaire pour réellement protéger la nature : reconnaître que les peuples autochtones sont les meilleurs protecteurs de l’environnement et que la meilleure façon de protéger la biodiversité est de protéger leurs droits territoriaux. 

© Survival

Survival International, aux côtés des peuples autochtones et d’autres ONG, s’est battue sans relâche pendant deux ans pour empêcher l’adoption de l’objectif des 30 % (cible 3) — le plan visant à transformer 30 % de la planète en Aires protégées d’ici 2030 — et empêcher le plus grand accaparement de terres de l’histoire. Nous n’avons pas réussi à arrêter l’adoption des 30 %, poussés comme ils l’étaient par les forces les plus puissantes du monde : notamment les gouvernement des pays du Nord et l’industrie de la conservation. Néanmoins, nous avons joué un rôle majeur pour que l’objectif des 30 % soit la partie la plus controversée du CMB, en montrant que la “conservation-forteresse”, les expulsions de peuples autochtones et les violations des droits humains au nom de la protection de la nature ne seront plus tolérées comme des dommages collatéraux de la conservation. Et, aux côtés des organisations autochtones, nous avons gagné cette bataille. L’objectif des 30% adopté aujourd’hui, ne fait pas référence à une catégorie de “protection stricte”, comme cela avait été proposé à l’origine, mais il inclut des références à la reconnaissance et au respect des droits des peuples autochtones. Ceci est une différence considérable par rapport à la version précédente de cet objectif, adoptée en 2010.

Mais malheureusement, même si ce texte constitue un pas en avant dans la lutte pour mettre fin aux abus commis au nom de la conservation, nous sommes très loin d’un changement réel et sincère du modèle de conservation qui a entraîné l’expulsion d’au moins 14 millions de personnes rien qu’en Afrique. Malgré un discours puissant de dernière minute du Forum international autochtone sur la biodiversité demandant que les territoires autochtones soient pris en compte dans l’objectif de 30 %, cette demande a été rejetée, principalement par les pays européens, et ce malgré les nombreuses preuves montrant que les peuples autochtones protègent leurs terres mieux que quiconque et que leurs territoires devraient être un mécanisme clé dans la protection de la biodiversité. Cela a montré une fois de plus que la mentalité coloniale en matière de conservation, selon laquelle les “conservationnistes occidentaux” “savent mieux que quiconque”, est toujours bel et bien vivante.  (…)

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Biodiversité. L’accord de la COP15 sur la biodiversité est «une occasion manquée» de protéger les droits des peuples autochtones (Amnesty International)

Le cadre mondial pour la biodiversité adopté lors de la conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) à Montréal, qui vise à préserver la biodiversité à l’échelle mondiale en appelant les États à s’engager à protéger 30 % de la planète à des fins de conservation d’ici 2030, est une occasion manquée de protéger les droits des peuples autochtones, a déclaré Amnesty International le 19 décembre 2022.

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« Cette COP15 offrait une occasion unique de fixer des objectifs ambitieux visant à protéger la diversité de la flore et de la faune de la planète. Si l’accord contient plusieurs objectifs environnementaux et garanties en matière de droits humains d’une importance capitale, pour lesquels les États devront désormais rendre des comptes, il ne protège ni ne défend pleinement les droits des peuples indigènes, a déclaré Chris Chapman, conseiller à Amnesty International sur la question des droits des peuples autochtones.

« Dans le cadre mondial pour la biodiversité adopté aujourd’hui lors de la COP15, les États présents n’ont pas entièrement intégré la demande de ces peuples de voir leurs terres et territoires pleinement reconnus comme une catégorie de zones conservées, requête qui visait à les protéger des prédations qu’ils subissent souvent dans des zones telles que les parcs nationaux gérés par les États. Aussi les États n’ont-ils pas pleinement reconnu l’immense contribution des peuples autochtones à la préservation de la biodiversité, ce qui les expose davantage aux violations des droits humains. Le cadre mondial pour la biodiversité négocié lors de la COP15 ne reconnaît que partiellement la contribution exceptionnelle des peuples autochtones à la conservation. Bien qu’ils ne représentent que 5 % de la population mondiale, leurs terres abritent 80 % de la biodiversité de la planète. Au cours des quatre années de négociation de l’accord, les protections de leurs droits ont été considérablement renforcés, grâce au travail inlassable des dirigeant·e·s et des militant·e·s concernés. Indépendamment des garanties contenues dans le document, certains peuples autochtones restent opposés aux appels en faveur de l’extension des zones protégées, car des violences effroyables y sont commises dans de nombreux pays. » (…)

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La COP 15 reconnaît le rôle des peuples autochtones (Greenpeace)

C’est un principe simple : les peuples indigènes sont les gardiens de la nature les mieux placés. Point. Si nous voulons que notre protection de la biodiversité soit efficace, elle doit passer par eux. Un modèle de conservation de la nature qui respecte les droits de ces peuples est indispensable. La prochaine étape, cruciale, sera de les financer directement.


Mais c’est la seule bonne nouvelle à l’issue de cette COP. Bien que l’accord ait été qualifié d’historique par de nombreuses voix, dans l’ensemble, cet important sommet environnemental n’a pas apporté l’ambition, les moyens et les ressources financières nécessaires pour mettre fin à la sixième extinction massive des espèces. 

Ce qu’on a appelé l’objectif 30×30”, qui consiste à protéger minimum 30% des espaces terrestres et des océans d’ici 2030, figure bien dans l’accord final. C’était une demande-clé de Greenpeace. Mais il s’agit pour l’instant d’une coquille vide, qui ne protège la nature que sur le papier. Le texte ne prévoit en effet aucune garantie d’interdiction des activités nuisibles dans les zones protégées.

Le financement de cette protection n’est pas à la hauteur non plus. L’accord prévoit 19 milliards d’euros par an jusqu’en 2025, puis 28 milliards d’euros par an jusqu’en 2030. Or, pour éviter l’effondrement de la biodiversité, nous avons besoin d’un montant estimé à 660 milliards d’euros par an d’ici 2030. D’où viendra le reste de l’argent ? Impossible aussi à ce stade de savoir dans quel délai ce financement sera délivré.

Finalement, un greenwashing très dérangeant transparaît dans cet accord. Il regorge de fausses solutions, qui semblent taillées sur mesure pour les entreprises. Les programmes tels que Nature-based Solutions et autres formes de compensations se sont invités dans les négociations de l’ONU du début à la fin. C’est un pari extrêmement dangereux pour notre avenir. Les scandales que nous observons aujourd’hui avec le marché des compensations carbone dans les dossiers climat ne doivent pas se répéter pour la biodiversité. (…)

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