Scandale politico-sanitaire au Brésil (revue de presse)


Au Brésil, la gestion du Covid-19 est au cœur du rapport d’une commission d’enquête parlementaire dévoilé mercredi 20 octobre. Ce dernier incrimine le président Jair Bolsonaro pour sa politique jugée irresponsable durant la crise sanitaire. Il est accusé de onze crimes, dont ceux de crime contre la santé publique, génocide d’indigènes, charlatanisme et crime contre l’humanité.

La commission d’enquête parlementaire lui reproche aussi son soutien au groupe hospitalier Prevent Senior, soupçonné d’avoir mené des expériences à l’insu des patients avec des traitements à l’hydroxychloroquine et d’avoir minimisé le nombre de décès liés au Covid-19. Si la commission n’a pas de pouvoir judiciaire, la Cour pénale internationale, elle, aurait les moyens de poursuivre Jair Bolsonaro pour crime contre l’humanité.


Covid-19 et hydroxychloroquine : cinq minutes pour comprendre le scandale politico-sanitaire qui secoue le Brésil (Juliette Pousson et Nicolas Berrod / Le Parisien)

Des médecins accusent la chaîne d’hôpitaux privés Prevent Senior d’avoir mené une étude expérimentale -relayée notamment par Didier Raoult- à base d’hydroxychloroquine sur des patients qui n’avaient pas donné leur consentement.

Brasilia, le 8 octobre 2021, manifestation contre la gestion de l’épidémie par le président brésilien Jair Bolsonaro. REUTERS / Ueslei Marcelino

« Laboratoire de l’horreur », « l’une des plus grandes barbaries de l’histoire de la médecine brésilienne »… Au Brésil, les médias se font l’écho d’un scandale politico-sanitaire, sur lequel planche depuis plusieurs jours la commission d’enquête parlementaire du Sénat (CPI), qui analyse depuis fin avril la gestion gouvernementale de l’épidémie de Covid-19. Au cœur de l’affaire : une étude clinique, menée par le groupe hospitalier privé Prevent Senior, pour tester l’efficacité sur des patients de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycinecomme traitement anti-Covid. Un cocktail de médicaments considéré par la communauté scientifique comme inefficace contre la maladie, mais popularisé par le professeur Didier Raoult en France et promu, au Brésil, par le président d’extrême droite Jair Bolsonaro.

Quelle est l’origine du scandale ?

L’alerte est partie d’un groupe de douze médecins et anciens médecins de Prevent Senior, qui ont remis en août un dossier de 10 000 pages à la CPI, et dont le média GloboNews a diffusé des extraits mi-septembre. On y apprend que la société a administré un traitement expérimental à près de 600 de leurs patients, au printemps 2020, sans leur consentement. Pour preuve, la chaîne brésilienne révèle des messages privés échangés entre la direction de Prevent Senior et ses employés. « Nous allons commencer le protocole hydroxychloroquine + azithromycine », prévient le directeur Fernando Oikawa, qui intime, en lettres capitales, à ses subordonnés : « Veuillez NE PAS INFORMER LE PATIENT ou LA FAMILLE sur le médicament ou le programme. »

Le groupe a lancé son étude en mars 2020, sans même attendre l‘autorisation de la commission nationale d’éthique de la recherche du Brésil, qui ne lui accordera qu’en avril. Trois jours seulement après ce feu vert, la compagnie a publié les conclusions de son essai, précise le commissaire de la commission à Associated Press (AP). Des résultats qui, selon les lanceurs d’alerte, auraient été manipulés pour paraître favorables à l’utilisation de l’hydroxychloroquine contre la maladie.

Les médecins ont également déclaré avoir dû prescrire, outre l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, de l’ivermectine, un antiparasitaire dont l’efficacité dans la lutte contre le Covid n’a, là aussi, pas été démontrée. Les lanceurs d’alerte affirment avoir subi des pressions pour donner ces « kits Covid » à leurs patients âgés contaminés, utilisés comme véritables « cobayes humains ». L’avocate Bruna Morato, qui représente les 12 professionnels de santé, a déclaré aux sénateurs le 28 septembre que ses clients avaient été invités à plusieurs reprises à choisir entre prescrire des médicaments douteux ou perdre leur travail.

Qu’est-il reproché à Prevent Senior ?

Fondé en 1997, le groupe Prevent Senior, 11 500 employés, est à la fois une des plus grandes chaînes d’hôpitaux privés et un service de mutuelle. Il vise une population âgée qui n’a pas les moyens de se soigner via les assurances privées classiques, dans ce pays où le système de santé public n’est fréquenté que par la frange la plus pauvre de la population. L’entreprise compte plus de 500 000 clients, dont la moyenne d’âge est de 68 ans.

L’entreprise est accusée d’avoir « maquillé ses statistiques », selon GloboNews, en sous-déclarant les morts liées au Covid-19 dans son étude. Neuf patients « cobayes » sont décédés au cours de la recherche, mais les auteurs de l’essai n’en ont mentionné que deux. « C’était intentionnel. Je n’ai jamais rien vu de cette ampleur », s’insurge auprès d’AP le docteur Gonzalo Vecina, l’un des fondateurs de l’organisme de réglementation de la santé au Brésil. Mercredi, l’Agence nationale de la santé supplémentaire (ANS) du Brésil a annoncé la création d’un comité technique afin d’enquêter sur ces pratiques.

Convoqué fin septembre devant les sénateurs, le directeur du groupe hospitalier, Pedro Benedito Batista Júnior, a nié toutes les accusations. A Associated Press, Prevent Senior réfute « tout acte répréhensible, toute irrégularité dans ses installations ou le fait d’avoir mené des essais non approuvés ». La compagnie affirme également que « tous les patients ou les membres de leur famille avaient donné leur consentement avant de recevoir le traitement ».

Pourquoi Bolsonaro est-il mis en cause ?

Depuis le tout début de la pandémie, le président brésilien Jair Bolsonaro ne cesse de s’opposer aux mesures de confinement pour son pays et de vanter l’hydroxychloroquine. « De plus en plus, l’utilisation de la chloroquine se présente comme quelque chose d’efficace », s’exaltait-il le 8 avril 2020 sur Twitter.

D’après les médias brésiliens, il aurait été parfaitement informé de ce qui se tramait chez Prevent Senior. Selon les lanceurs d’alerte, l’étude dont il est question « est le résultat d’un accord entre le gouvernement Bolsonaro et Prevent ». Les sénateurs d’opposition mettent en cause une sorte de « cabinet parallèle », regroupant des proches de Jair Bolsonaro, des entrepreneurs et des médecins en faveur de « traitements précoces » contre le Covid-19, rapporte El Pais Brasil. Son objectif était de tout faire pour éviter des mesures de confinement voulues par des gouverneurs et des élus locaux. (…)

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Covid-19 au Brésil: la divulgation du rapport incriminant Jair Bolsonaro reportée (RFI)

Bolsonaro à Aparecida, le 12 octobre 2021. Photo : Carla Carniel, Reuters

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la pandémie de Covid-19 devait être rendu public mardi 19 octobre. Sa publication a été reportée d’une journée, au mercredi 20 octobre. La responsabilité du président Jair Bosonaro pourrait être mise en cause pour sa politique jugée « criminelle », selon onze chefs d’accusation contre lui. Alors que la pandémie de Covid-19 continue de faire des ravages au Brésil, les représentants des familles des victimes sont attendus pour témoigner devant la commission d’enquête sénatoriale lundi 18 octobre. Ils tenteront de convaincre comment de nombreux décès auraient pu être évités parmi les plus de 600 000 morts depuis le début de la pandémie au Brésil. (…)

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Au Brésil, des sénateurs demandent l’inculpation du président Jair Bolsonaro pour dix crimes (Le Monde avec AFP)

Photo : Ueslei Marcelino / REUTERS

M. Bolsonaro est notamment accusé de « crime contre l’humanité » pour sa politique durant la crise sanitaire. « Nous avons fait ce qu’il fallait », s’est-il défendu. Une commission d’enquête parlementaire (CPI) du Sénat brésilien a demandé l’inculpation du président Jair Bolsonaro pour dix crimes, dont celui de « crime contre l’humanité » pour sa politique durant la crise sanitaire, selon le rapport publié, mercredi 20 octobre, par plusieurs médias brésiliens avant sa lecture. Après environ six mois d’auditions mouvementées, la CPI a réclamé l’inculpation d’une soixantaine de personnes, dont plusieurs ministres ou ex-ministres, ainsi que les trois fils aînés de M. Bolsonaro, qui est aussi accusé de « prévarication » et de « charlatanisme ». Pour la CPI, les crimes cités dans le rapport sont « intentionnels », le gouvernement Bolsonaro ayant délibérément décidé de ne pas prendre les mesures nécessaires pour contenir l’épidémie de Covid-19 qui a fait plus de 600 000 morts dans son pays.

Des accusations graves, qui devraient toutefois avoir une portée surtout symbolique, le président d’extrême droite bénéficiant de soutiens au Parlement à même de lui éviter l’ouverture d’une procédure de destitution. De même, le procureur général, Augusto Aras, un allié de M. Bolsonaro, peut faire barrage à toute inculpation.

Le président brésilien a réagi avec défiance face à ces accusations. « Nous ne sommes coupables d’absolument rien, nous savons que nous avons fait ce qu’il fallait dès le début », s’est-il défendu lors d’une cérémonie dans l’Etat du Ceara (nord-est). La CPI devrait également demander l’inculpation de plusieurs ministres et des trois fils aînés du président, qui a qualifié la commission de « mascarade »« Ce rapport aura des allures de sentence, mais le gouvernement est serein. On peut critiquer l’attitude du président, mais pas l’incriminer », a déclaré au site Universo Online (UOL) Fernando Bezerra, chef du bloc parlementaire du gouvernement au Sénat. La CPI n’a pas le pouvoir d’engager elle-même des poursuites judiciaires, mais ses révélations pourraient avoir un impact politique considérable, alors que les sondages donnent déjà M. Bolsonaro perdant face à l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva à un an de la présidentielle. (…)

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