Haïti: «Tant qu’on laissera l’impunité et l’insécurité se développer, aucune issue n’est possible» (interview de Frédéric Thomas par Jean-Baptiste Marot de RFI et revue de presse)


Samedi 16 octobre en Haïti, un groupe de missionnaires, dont 16 Américains et un Canadien ont été enlevés avec leurs familles lors d’un kidnapping de masse, attribué au gang « 400 Mawozo ». C’est le dernier signe de la dégradation sécuritaire du pays depuis des années, dénoncée par plusieurs associations sur place qui ont appelé à la grève ce lundi 18 octobre. Frédéric Thomas, spécialiste d’Haïti, décrypte cette situation de « violence généralisée ». 

Exigeant des rançons dépassant parfois le million de dollars, les gangs n’hésitent pas à réclamer des décennies de salaires aux familles de leurs victimes. 
© Crédit photo : Chandan Khanna / AFP

Frédéric Thomas est docteur en science politique, chargé d’étude au Centre tricontinental (Cetri), centre de recherche sur les rapports Nord-Sud, basé à Louvain-la-neuve, en Belgique, et auteur de l’ouvrage L’échec humanitaire : le cas haïtien (éditions Couleur livres).

Écouter l’interview ci-dessous ou ici


Haïti : insécurité et inaction politique
dénoncées lors d’une grève générale
(Amélie Baron France 24)

Lancé la semaine dernière, l’appel à la grève générale a pris un écho particulier après l’enlèvement d’un groupe de missionnaires et de membres de leurs familles dans une zone périurbaine à l’est de Port-au-Prince.


Haïti : les habitants en grève contre l’insécurité,
au sommet de leurs problèmes
(entretien avec Frédéric Thomas / Margot Hutton / TV5 Monde)

Une patrouille de sécurité dans les rues de Croix-des-Bouquets, à proximité de Port-au-Prince, Haïti, le 19 octobre 2021. Mathias Delacroix / AP

Dix-sept missionnaires nord-américains ont été enlevés par un gang ce 16 octobre en Haïti. Deux jours après, les Haïtiens entamaient une grève générale pour exprimer leur ras-le-bol de l’insécurité. Selon le spécialiste d’Haïti Frédéric Thomas, ces événements mettent en lumière une situation socioéconomique et politique très dégradée.  Les routes risquent de rester bloquées encore quelques temps en Haïti. Ce 18 octobre, les habitants de l’île caribéenne ont entamé une grève générale illimitée, pour protester contre l’insécurité. Les Haïtiens exigent que l’État prenne ses responsabilités. La situation sécuritaire est de plus en plus incertaine depuis l’asassinat de l’ancien président Jovenel Moïse début juillet.  Selon le chercheur au Centre tricontinental (CETRI) à Louvain, spécialiste d’Haïti Frédéric Thomas, l’insécurité est au sommet d’une pyramide de problèmes structurels au sein du pays.

TV5MONDE : Que montrent ces enlèvements et grèves de la situation en Haïti ?

Frédéric Thomas : Cela démontre une dégradation généralisée. On en parle à l’heure actuelle du fait de l’enlèvement collectif d’étrangers, mais c’est la réalité quotidienne d’une grande partie de la population haïtienne, surtout dans la capitale à Port-au-Prince. Il n’y a plus aucune liberté de mouvement. Lorsqu’une personne se déplace, elle le fait toujours avec la crainte d’être agressée, enlevée et séquestrée. 

Par ailleurs, cet enlèvement survient dans un contexte particulier : quelques jours après une visite de hauts-fonctionnaires des États-Unis, au lendemain d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Cela met vraiment en exergue le décalage entre la manière dont est discutée la situation en Haïti à l’international, mais plus spécifiquement aux États-Unis et la situation sur place. On peut voir cet enlèvement comme un camouflé de la politique américaine et l’alignement de la politique internationale derrière-elle. 

TV5MONDE : L’enlèvement des 17 missionnaires aurait été commis par le gang des “400 Mawozo”. Ce n’est pas la première fois qu’ils agissent de la sorte. Pourquoi ? 

Frédéric Thomas : Ils enlèvent essentiellement des Haïtiens. Leur mode opératoire est un peu particulier. Ils n’hésitent pas à recourir à des enlèvements massifs d’une dizaine ou plus de personnes. Ils opèrent aussi sur un axe routier important, reliant Port-au-Prince à la République Dominicaine. Les enlèvements constituent leurs principales sources de revenus. Cela explique pourquoi ils en font autant. Et lorsqu’ils touchent à des étrangers, cela a un écho médiatique important. (…)

(…) Lire la suite de l’entretien et voir une vidéo ici


Voir également
Haïti : une quinzaine de missionnaires américains enlevés par un gang (SudOuest.fr avec AFP)
Accablé par les enlèvements, Haïti se met à l’arrêt (Sudouest.fr avec AFP)