Équateur : un syndicat de travailleurs agricoles enfin reconnu (Action Aid pour des peuples solidaire)


Au terme d’une longue mobilisation, initiée il y a maintenant 15 ans, l’Association syndicale des travailleur∙se∙s de la banane et des paysan∙ne∙s (ASTAC) a obtenu sa reconnaissance officielle comme syndicat de branche. Des milliers de personnes employées dans les plantations de bananes d’Équateur ont enfin la possibilité de négocier de meilleures conditions de travail !

Membres du syndicat ASTAC et ouvrières agricoles sur leur lieu de travail (photo : Oxfam Allemagne)

Des bananes pas chères… mais à quel prix !

La banane est le premier fruit d’exportation au monde… et l’Europe est la région du monde qui en importe le plus : environ 5 millions de tonnes par an, dont un quart en Allemagne. Or un tiers de l’ensemble des bananes commercialisées dans le monde proviennent d’Équateur.

Des petites exploitations aux grandes plantations, le secteur emploie plus de 200 000 personnes, et en fait vivre environ 2 millions. Il s’agit donc d’une activité stratégique pour ce pays… où des négociants comme Chiquita et des distributeurs comme Aldi font cependant leur loi.

En théorie, le commerce de bananes est strictement réglementé. L’État définit chaque année le prix minimum des bananes à l’exportation, en essayant de tenir compte à la fois des coûts de production et des cours mondiaux. En ce début d’année 2022, ce prix minimum était de 6,25 dollars américains par carton d’environ 18 kg… soit environ 0,30 € le kilo.

Mais la surproduction et l’absence d’encadrement des prix agricoles au niveau mondial permettent aux acheteurs de placer les producteurs devant un choix difficile : perdre des contrats, ou vendre leur production en-dessous de ce prix ! Une telle pression ne favorise pas les ouvrières et ouvriers agricoles, dans des régions rurales où l’industrie de la banane est souvent la seule source d’emplois.

Des ouvrières et ouvriers agricoles déterminées

Salaires inférieurs au minimum vital, absence de contrats, d’assurance maladie, exposition aux pesticides… Les ouvrières et ouvriers agricoles qui protestent ou tentent de former un syndicat encourent le risque de se faire licencier et de ne plus jamais retrouver de travail.

Pourtant, depuis 2007, une association tente de défendre leurs droits. Il s’agit de l’Asociación Sindical de Trabajadores Agrícolas y Campesinos (ASTAC) – Association syndicale des ouvrières et ouvriers agricoles et des paysan∙ne∙s – que nous soutenons depuis maintenant une dizaine d’années.

Malheureusement, ses membres font régulièrement l’objet de menaces. Ainsi l’un de ses fondateurs, Abel Cedeno, s’est vu licencier sans motif. Alors qu’il entamait des démarches pour recevoir des indemnités, il a subi une attaque armée à son domicile en novembre 2020. Un autre de ses fondateurs, Jorge Acosta, est régulièrement poursuivi en justice. Les dépôts de plainte semblent visiblement destinés à intimider car il est notamment accusé de « panique économique » !

Jusqu’ici, l’ASTAC n’était jamais parvenue à obtenir son enregistrement au niveau national par le Ministère du Travail, malgré une plainte auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui lui a donné raison en 2017, puis en 2019.

En effet, la liberté syndicale est l’un des piliers du droit international du travail et plusieurs conventions de l’Organisation internationale du travail garantissent le droit, pour les travailleuses et travailleurs, de s’organiser “autour d’une activité artisanale, d’une branche industrielle, d’une entreprise, ou sur un critère général d’adhésion“. L’impossibilité de créer, en Équateur, un syndicat rassemblant des membres de plusieurs entreprises était donc une anomalie.

Victoire !

En août 2020, l’organisation a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux de son pays, qui lui ont d’abord donné tort. Mais un nouveau jugement, le 25 mai 2021, a reconnu pour la première fois en Équateur le droit de former un syndicat réunissant les membres de plusieurs entreprises différentes dans un même secteur d’activité, et ordonné au Ministère du Travail d’enregistrer l’ASTAC comme organisation syndicale.

Mais plutôt que de s’exécuter, le gouvernement a choisi de remettre en cause ce jugement auprès de la Cour Constitutionnelle… ce qui ne devrait pas empêcher l’enregistrement. Notre partenaire a donc de nouveau adressé au Ministère l’ensemble des pièces nécessaires. Il a aussi saisi le Rapporteur spécial des Nations-Unies sur la liberté d’association et demandé, le 30 décembre 2021, la destitution du Ministre du travail pour non-respect du jugement depuis 7 mois.

La requête ayant été acceptée le 13 janvier, le Ministre disposait de 8 jours pour accepter le dossier déposé par le syndicat ou faire face à une procédure de destitution…

C’est avec soulagement que nous avons appris sa décision, ce 28 janvier 2022, de respecter la décision de justice et enregistrer l’ASTAC comme syndicat de branche ! (…)

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