🇺🇸 États-Unis : l’immigration au cœur des élections de mi-mandat (Corine Chabaud / La Vie)
Joe Biden avait promis de rompre avec la politique migratoire restrictive de Donald Trump, qui bafouait le droit international. Il a pourtant maintenu le « Title 42 », décret conspué. S’il veut régulariser 11 millions de sans-papiers, le démocrate ferme la porte aux nouveaux migrants.
En décembre 2021, un camion qui roulait trop vite s’est renversé peu avant Tuxtla Gutiérrez, la capitale du Chiapas, État du sud du Mexique. À son bord, 166 migrants, dont beaucoup de mineurs. Surtout des Guatémaltèques et des ressortissants du Salvador, du Honduras, du Nicaragua. Bilan : 55 morts et 105 blessés. Le véhicule avait pour destination finale la frontière des États-Unis.
Ces exilés en quête d’une vie meilleure fuyaient violence et pauvreté, fléaux qui laminent leurs pays, davantage encore depuis la pandémie. Le camion empruntait un itinéraire destiné à éviter les barrages militaires mis en place par le gouvernement mexicain. « La stratégie du gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador (surnommé Amlo) de déployer l’armée à ses deux frontières, nord et sud, pour contenir les flux migratoires, incite les migrants à passer par des routes plus dangereuses et clandestines », écrivait le quotidien El País, soulignant que quantité d’autres camions non ventilés, chargés de migrants, avaient été stoppés peu avant. « En 2021, plus de 228 000 étrangers ont été arrêtés au Mexique, dont 120 000 ont demandé l’asile, chiffres historiques », notait l’article.
L’affaire a fait grand bruit. Le gouverneur conservateur du Texas, Greg Abbott, en a profité pour dénoncer « la politique meurtrière d’ouverture des frontières de Jo Biden ». Une ouverture pourtant très relative !
Une rupture, mais aussi des reculs
La question migratoire était hier le marqueur central de la politique de Donald Trump. À peine élu, Jo Biden avait promis d’appliquer des mesures plus humaines que son prédécesseur. Le Président républicain avait mis en place un arsenal juridique visant à démanteler le droit d’asile et externaliser la gestion des flux migratoires, forçant les migrants à s’entasser à la frontière sud du pays. Il n’hésitait pas à séparer les enfants de leurs familles entrés sur le territoire. Selon Matthieu Tardis, chercheur à l’Ifri (Institut français des relations internationales), il était « revenu sur le consensus bipartisan reconnaissant l’apport positif de l’immigration pour le pays ».
Son successeur a-t-il rompu avec ses mesures très restrictives ? Pas tout à fait. « Il y a une rupture, mais aussi des reculs, des ralentissements. Jo Biden assume une approche différente promue pendant sa campagne. Il a promis de régulariser en quatre à cinq ans les 11 millions de sans-papiers présents, et a commencé de le faire. Il veut les sortir de la clandestinité et leur octroyer la nationalité américaine. C’est courageux à l’heure du suprémacisme blanc, et alors que la langue espagnole sera bientôt plus parlée que l’anglais. Mais il entend aussi empêcher les nouveaux d’entrer. Pour eux, un volet plus répressif est en place », note Christophe Ventura, chercheur à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), auteur de Géopolitique de l’Amérique latine (Eyrolles, octobre 2022).
Une crise migratoire aiguë
À l’heure des midterms, la crise migratoire aiguë est un enjeu politique. Selon un sondage récent de la chaîne conservatrice Fox News, l’électorat républicain place à 56 % la question de l’immigration en tête de ses préoccupations, après celle du coût de la vie et de l’inflation. « La tension existe depuis des années, mais elle s’est exacerbée. Les chiffres de la police aux frontières attestent une nette montée des flux de migrants caribéens et centraméricains. C’est la conséquence d’une crise économique, sociale, climatique et sanitaire. La pauvreté affecte en particulier les pays du “triangle du Nord” : Salvador, Honduras, Guatemala », explique Christophe Ventura.
On atteint des pics historiques : plus de deux millions de sans-papiers ont été arrêtés à la frontière sud des États-Unis entre septembre 2021 et août 2022. Ils provenaient en majorité de Cuba, du Venezuela, du Nicaragua et d’Haïti. Ainsi, 180 000 Cubains ont frappé à la porte des États-Unis en quelques mois, fuyant un pays soumis aux coupures d’électricité, à la pénurie de matières premières et à la répression : du jamais-vu depuis la révolution castriste de 1959.
L’exode des Haïtiens, commencé en 2015, a continué après les séismes, épidémie de choléra, famine, etc., et s’est accéléré après l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021. Quant aux Vénézuéliens, qui fuient le régime de Nicolás Maduro, ils sont sept millions de déplacés récents, et un plus grand nombre frappe à la porte du géant américain. (…)
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