États-Unis/Venezuela : confrontation en temps de pandémie (Christophe Ventura / Institut de Relations Internationales et Stratégiques – IRIS)

Pourquoi le Venezuela se retrouve-t-il, en pleine pandémie mondiale de Covid-19, une nouvelle fois sous le feu roulant des critiques en provenance des États-Unis ? Depuis quelques jours, l’administration Trump a sporadiquement réussi à détourner le cours des eaux de l’information, toutes saturées par le coronavirus, pour le diriger vers le Venezuela.

On ne peut écarter l’hypothèse selon laquelle cette dérivation cherche à atteindre plusieurs objectifs médiatiques de court terme. Dans un premier temps, celui d’éloigner quelques instants l’attention générale du territoire le plus infecté au monde par le Covid-19 (plus de 300 000 cas détectés et plus de 8 400 morts aux États-Unis au 5 avril 2020). Et ce faisant, distraire cette attention en créant un nouveau « sujet » autre que celui de la gestion intérieure difficile de l’épidémie par l’équipe au pouvoir (depuis le 21 mars 2020, foudroyés par l’impact de l’épidémie sur un système économique dépourvu de solides protections sociales – et sanitaires -, dix millions d’États-Uniens sont devenus chômeurs). Dans un deuxième temps, celui de montrer, dans un même mouvement politico-médiatique, que même en temps de grande catastrophe, et précisément à cause d’elle – « la pandémie » -, les États-Unis ont un devoir de responsabilité stratégique et sécuritaire accru dans tout l’« hémisphère occidental » (« Western Hemisphere »)

C’est donc dans ce contexte singulier que Donald Trump a décidé de lancer – comme preuve de sa puissance géopolitique et sécuritaire maintenue dans la région malgré la crise sanitaire – un grand plan de lutte contre le crime organisé et le narcotrafic latino-américains. Et d’affirmer ainsi que malgré la pandémie, « nous ne devons pas laisser les cartels de la drogue exploiter la pandémie pour menacer des vies américaines ». Ces mots, prononcés à dessein par le président américain lors de sa conférence de presse quotidienne du 1er avril 2020 consacré à la bataille contre le coronavirus, l’ont été en présence du secrétaire d’État à la défense, Mark Esper et du chef d’état-major de l’armée, Mark Milley.

Quelques dizaines de minutes plus tard, le US Southern Command, c’est-à-dire le commandement militaire américain pour la Caraïbe et l’Amérique latine, principal bénéficiaire du doublement des capacités militaires annoncé dans la zone Caraïbe/Pacifique par Donald Trump, trahissait, par un lapsus révélateur, les mots du président américain. Ainsi, dans un tweet officiel, le Southcom rapportait : « Nous ne devons pas laisser les narcoterroristes [le gras est de nous] exploiter la pandémie pour menacer des vies américaines ».

Le changement de mot n’est ni anodin, ni réellement une erreur. « Narcoterroriste » est la lourde accusation qui pèse désormais sur la tête – mise à prix pour quinze millions de dollars – de Nicolas Maduro depuis les poursuites engagées contre lui le 26 mars 2020 (et une dizaine d’autres dirigeants vénézuéliens dont le ministre de la Défense Vladimir Padrino López, sans mise à prix dans son cas) par le département de la justice américaine et deux juridictions fédérales (celle de New York et de la Floride). Car c’est bien le Venezuela de Nicolás Maduro qui est la cible numéro un de l’administration Trump avec ces nouvelles annonces et qui devra faire face, avec son alliée Cuba, aux nouvelles dispositions de Washington. (…)

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