🇦🇷 Festival Cinélatino de Toulouse : en Argentine, l’histoire au risque du hoquet, et la culture sur la sellette (Isabelle Le Gonidec / RFI)
Les rencontres des cinémas d’Amérique latine de Toulouse ont toujours rendez-vous avec l’histoire et l’actualité, et les deux se font écho. La projection de plusieurs films argentins est l’occasion de prises de parole pour alerter sur la situation dans ce pays où Javier Milei, candidat qualifié de libertarien et ultra-libéral, est entré en fonction en décembre dernier. Depuis, les coupes budgétaires annoncées pendant la campagne se succèdent dans tous les secteurs. La culture, dont le cinéma, qualifiés d’inutiles, font particulièrement les frais de cette politique « à la tronçonneuse ».
Après la projection, samedi 16 mars, du documentaire fleuve El juicio (Le procès), d’Ulises de la Orden, fantastique synthèse des plus de 500 heures d’audience du premier procès de la junte militaire en 1985 ; après le retour des civils au pouvoir sous la présidence de Raul Alfonsin (décembre 1983-juillet 1989), des Argentins de Toulouse – la plupart des trentenaires intégrés dans la vie active – ont organisé une rencontre dans la cour de la fameuse Cinémathèque, cœur battant du festival. Ils se sont organisés en assemblée au sein du collectif Argentina no se vende.
Un slogan décliné de nombreuses façons et notamment au niveau culturel (La Cultura se defiende, La patria no se vende), et que le monde du cinéma, inquiet des récentes décisions de coupes drastiques des budgets publics, a repris à son compte
Le cinéma pas rentable, selon l’exécutif
Javier Milei l’avait dit pendant sa campagne électorale en Argentine : le cinéma argentin gaspille de l’argent public qui pourrait nourrir la population, c’est un gouffre sans fond qui n’a pas de public national. Faux, ont répondu les professionnels du septième art et leurs organisations. L’Argentine produit des films, qui sont diffusés dans le pays et s’exportent. C’est un secteur rentable économiquement qui génère des emplois et des revenus. Selon certaines sources, le secteur génère des milliers d’emplois et représente 5% du PIB. Il profite d’une dynamique permise par le soutien des institutions locales et les coproductions se sont beaucoup développées à l’échelle aussi du sous-continent. Et derrière les locomotives, qui ont leur place dans les grands festivals internationaux et donnent de la visibilité à l’Argentine, les films participent de la culture, de la mémoire, du lien social d’un pays. Une utilité celle-là non quantifiable.
Le grand festival international de Mar del Plata, par exemple, attire cinéphiles et touristes, les hôtels et les salles se remplissent. Aussi, l’annonce de la suppression des crédits de ce festival, la semaine passée, a provoqué une levée de boucliers de la part des autorités locales, pourtant proches du pouvoir actuel.
Carlos Pirovano a été nommé à la tête de l’Incaa (Institut national du cinéma et des arts audiovisuels, un institut public indépendant créé en 1957) fin février 2024. Ce financier, sans accointance aucune avec le septième art, a annoncé, lors de sa prise de fonctions, la restructuration de l’Incaa (et 170 licenciements pour commencer), dont Javier Milei avait demandé la fermeture lors de sa campagne, mais également la privatisation du cinéma Gaumont (acheté par l’Incaa en 2013 et emblème du ciné argentin dont il assure pour un prix modique la diffusion), de l’Enerc (l’école de cinéma peu ou prou équivalente à la Femis française), la suppression de toutes les aides à la promotion du cinéma, aux festivals de cinéma comme Mar del Plata et Ventana Sur, etc. Le Fonds national des arts est également sur la sellette. Le 15 mars, Carlos Pirovano semble être revenu en partie et oralement sur les décrets pourtant signés et parus au bulletin officiel, rapporte le quotidien d’opposition Pagina 12. (…)
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