Grande marée migratoire en Amérique latine (Jean-Jacques Kourliandsky / Espaces Latinos)
Une grande marée migratoire bat les frontières des Amériques. La longue crise des années 2008-2010 avait amorcé un mouvement. Elle a au fil des ans pris du gras. Nourrie par la dilution sociale du Venezuela, la perpétuation du sinistre économique et politique de Haïti et du Honduras. Et aujourd’hui par la détérioration générale provoquée par les effets de la pandémie du coronavirus.
Les oubliés traditionnels du développement subissent une double voire une triple peine. Expulsés par l’insécurité, la précarité, la peur du lendemain les mal lotis sont ballotés par les vents mauvais, d’une frontière à l’autre. Les rumeurs les poussent tantôt vers le Nord, les États-Unis, l’étoile polaire comme on les appelle en Colombie, qui donnerait la bonne direction. Tantôt vers le Brésil, le Chili pays qui à un moment où à un autre ont, ont eu, une image plus attractive. Bien souvent ils échouent là où ils peuvent, pourvu que ce soit loin de leur terre de souffrance. Et très, trop ? souvent ils sont mal reçus des États-Unis au Brésil en passant par le Chili, l’Équateur et le Pérou.
La chronique des évènements courants interpelle l’entendement, les certitudes que l’on pouvait avoir. A la veille de la crise de 2008 les pays latino-américains interpellaient l’Europe, coupable de se fermer. Alors que les Amériques avaient dans le passé accueilli, sans conditionnalité, des centaines de milliers des siens. Les États-Unis étaient aussi montrés du doigt, mais cela paraissait dans l’ordre des choses. Barak Obama avait expulsé comme jamais ne l’avaient fait ses prédécesseurs. Donald Trump, avait confirmé la tendance de façon tonitruante, insultante et ubuesque.
Entre temps les vents mauvais se sont faits encore plus violents. Les Honduriens en octobre 2020 puis en février 2021, ont pris la route en caravane vers l’Eldorado de toujours, vers les États-Unis, plein nord. Par centaines de milliers les Vénézuéliens tournent en rond depuis des mois. Plusieurs centaines, ont tenté de quitter la Bolivie pour le Chili fin janvier, début février. Plus au Nord, des Haïtiens, accompagnés de quelques ouest-africains et ressortissants pakistanais ont afflué aux confins du Brésil et du Pérou.
L’accueil a été partout le même. Armées et polices ont été mobilisées pour contenir les pressions migratoires. Un mur policier a repoussé sans ménagement au Guatemala, le 17 janvier dernier, la caravane hondurienne. Au cas où, la garde nationale mexicaine avait été mobilisée sur le « limes » séparant Mexique et Guatemala. À plus de 3800 mètres d’altitude, au poste frontière de Cochrane, les carabiniers chiliens ont bloqué avec rudesse le passage aux marcheurs vénézuéliens, accompagnés eux de quelques colombiens et péruviens. Deux de ces malheureux sont morts de froid. Scénario identique en tous points sur le pont de l’amitié, au nom paradoxal, « unissant » le Brésil au Pérou. Les Haïtiens, chassés par la misère brésilienne, n’ont bénéficié d’aucune passe droite. Ils étaient toujours le 23 février côté brésilien. (…)
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