🇫🇷 🇬🇫 En Guyane, les autochtones réclament la vérité sur les pensionnats de la honte (Tristan Dereuddre  / Politis)


Dans les années 1930, l’Église catholique, avec le soutien de la République française, a implanté plusieurs « homes indiens » sur le territoire guyanais. Au total, environ 2000 enfants issus des peuples amérindiens et bushinengués ont été arrachés à leurs familles pour être placés dans ces pensionnats, entre 1935 et 2023, dans le but d’être évangélisés et assimilés.

L’Organisation guyanaise des peuples autochtones a revendiqué « une reconnaissance de leurs droits sur ce territoire » en août 2018. © Jody Amiet / AFP

C’est une partie de l’histoire de la République qui, pendant longtemps, fut volontairement dissimulée. Une histoire appartenant aux peuples autochtones, dont ils ont été dépossédés pendant près d’un siècle. Entre 1935 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Église catholique crée les premiers « homes indiens », des pensionnats religieux qui soutiennent un double objectif : évangéliser (pour l’Église) et assimiler (pour la République) les populations autochtones. Après 1946 et la départementalisation de la Guyane, l’initiative religieuse s’accompagne d’un soutien institutionnel de l’État français, qui va financer en grande partie les homes.

À Mana, Iracoubo, Saint-Laurent-du-Maroni, Sinnamary, Maripasoula puis Saint-Georges-de-l’Oyapock, neuf pensionnats sont successivement créés entre 1935 et 2012 sur le territoire guyanais. De nombreux enfants bushinengués et amérindiens sont arrachés à leurs familles par les religieux, parfois avec l’aide de la gendarmerie, pour être placés dans ces instituts. Une pratique qui a perduré, puisque la fermeture du dernier home, situé à Saint-Georges-de-l’Oyapock, remonte à la fin de l’année scolaire 2023.

Par ces mécanismes d’assimilation et d’évangélisation forcées, les homes sont un pur produit de l’histoire coloniale française. Cette dynamique s’observe aussi dans la contrainte exercée sur les locaux à avoir des pratiques sociales en rupture avec les leurs. Cet héritage, longtemps passé sous silence, obtient un écho différent lorsque la journaliste Hélène Ferrarini publie son livre Allons enfants de la Guyane (Anacharsis, 2022). À travers de nombreux témoignages et une étude minutieuse d’archives, elle participe à réhabiliter la question mémorielle des homes indiens.

Son ouvrage retrace une partie de l’histoire des autochtones victimes de ces pensionnats. Cette mise en lumière conduit l’Institut Louis Joinet (IFJD pour Institut français de la justice et de la démocratie) à mener un rapport pour la création d’une commission vérité et réconciliation. Cette juridiction est une composante de la justice transitionnelle, principe qui regroupe un ensemble de mesures judiciaires ou non, et qui permet de remédier au lourd héritage des abus de droits humains. 

Jeudi 1er février, un colloque destiné à la présentation du rapport s’est tenu à l’Assemblée nationale. Pour Jean-Victor Castor, député Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale (MDES/NUPES) de la 1ère circonscription de Guyane, le rapport est « un premier pas vers la vérité, la réconciliation et peut-être la réparation ». Une réparation attendue et réclamée par les enfants amérindiens et bushinengués victimes des violences des homes.

Ces violences, documentées grâce au travail d’Hélène Ferrarini, prennent des formes diverses. D’abord d’ordre psychologiques, avec des punitions collectives, une tension sur la nourriture, ou encore un éloignement entraînant des coupures importantes avec la famille. Le rapport de l’IFJD indique aussi que l’usage des violences physiques est régulièrement dénoncé au sein des homes. « Qu’il s’agisse de postures épuisantes imposées pendant des heures, (« à genoux, avec du sable sur le carrelage, les bras en croix une bible dans chaque main devant les autres pensionnaires pour demander pardon. Les autres rigolent, c’était une humiliation », indique l’un des nombreux témoignages) ou de coups de poings, de bâtons, de pieds ou de baguettes et ceintures, parfois sans raisons apparentes. » (…)

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