Crise politique à Haïti (Tribune de Frédéric Thomas / CETRI et article de France 24)

Le 7 février 2021, le mandat du président Jovenel Moïse est arrivé à son terme. Mais celui-ci prétend demeurer un an de plus, le temps d’organiser un référendum constitutionnel et des élections. Des partis de l’opposition haïtienne ont nommé, dans la nuit de dimanche à lundi, un dirigeant de transition.

Moïse Jovenel, président d’Haïti et Emmanuel Macron (décembre 2017)
(Photo : Secrétariat Général du Conseil des Ministres d’Haïti)

La communauté internationale à contre-courant
(tribune de Frédéric Thomas / Centre Tricontinental)

S’il se heurte à l’opposition de la majorité de la population, le président Jovenel Moïse peut compter sur le soutien de la communauté internationale.

L’échéance du 7 février 2021 catalyse la reprise des manifestations d’un mouvement social, qui a connu son point d’orgue en 2018-2019, sans pour autant ne s’être jamais éteint. Selon la Constitution haïtienne, les mandats des parlementaires et du président commencent le 7 février de l’année électorale, et non le jour de leur investiture. C’est d’ailleurs, en vertu de ce principe, que le président, Jovenel Moïse, qui n’avait pas organisé d’élections, a renvoyé les députés et les deux-tiers des sénateurs début 2020. Depuis lors, il gouverne par décret. Mais, il prétend que son propre mandat a débuté le jour où il a prêté serment, le 7 février 2017, et qu’il restera donc au pouvoir encore un an, le temps d’organiser un référendum constitutionnel et des élections.

Parmi les manifestations qui se multiplient dans tout le pays, celle du vendredi 22 janvier 2021 avait ceci de particulier que, contrairement à l’accoutumée, elle ne fut pas violemment réprimée par la police. Il faut dire qu’elle était menée par différents chefs des gangs armés – leurs photos devaient circuler sur les réseaux sociaux –, parmi lesquels : Jimmy Chérizier, alias Barbecue, le principal d’entre eux. Ancien policier, chef d’une coalition de bandes armées, le G9, ce dernier est impliqué dans plusieurs massacres, dont celui, en novembre 2018, de La Saline, un quartier populaire de la capitale, où 71 personnes ont été abattues.

Que cet individu, censé être l’homme le plus recherché en Haïti, puisse ainsi tranquillement parader dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, en dit long sur la collusion, dénoncée par plusieurs rapports nationaux et internationaux de droits humains, entre les gangs et le pouvoir. L’hypocrisie et l’absurdité de sa participation à une manifestation contre les enlèvements, dont il est l’un des principaux responsables, ne sont-elles pas à l’image de l’attitude de la communauté internationale vis-à-vis d’Haïti ?

Manifestation à Port-au-Prince en novembre 2019. Valérie Baeriswyl Getty Images

Tandis que, depuis plus de deux ans, le pays est secoué par un mouvement social inédit contre l’appauvrissement (plus de 59% des Haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté) et la corruption – mise en évidence par le scandale Petrocaribe –, d’abord, l’incurie du pouvoir et sa complicité avec les gangs armés, ensuite, qu’a fait la communauté internationale ? Elle s’est alignée sur Washington, et a soutenu le président. La corruption et les violences, dont la responsabilité remonte jusqu’au sommet de l’État, et l’impunité qui les couvre ? Elle les regrette et les condamne, appelant le gouvernement à réagir… enfin. Et en vain. Mais il est vrai qu’un massacre en Haïti soulève moins d’indignation dans les chancelleries occidentales que l’arrestation d’un opposant au Venezuela.

Fin janvier, le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) déclarait qu’elle apporterait un appui technique, opérationnel et financier à l’organisation du référendum et des élections. C’était confirmer et cadenasser la stratégie poursuivie, au mépris du droit et du peuple haïtien. Ainsi, cette décision ignorait superbement la position de la Fédération des Barreaux d’Haïti, affirmant que le président a « ouvertement abusé de la situation », et que son mandat doit prendre fin le 7 février 2021, ainsi que celle de la Cour des comptes, qui ne reconnaît pas la légalité du Conseil électoral provisoire, « sous le leadership » duquel l’ONU travaillera. Sans compter l’interdiction de tout référendum par la Constitution haïtienne. (…)

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Haïti : l’opposition nomme un président de transition
(France 24 / AFP / RFI)

Face au président contesté, Jovenel Moïse, des partis de l’opposition haïtienne ont nommé, dans la nuit de dimanche 7 février à lundi 8 février, un dirigeant de transition. Cet événement intervient alors que le pouvoir judiciaire estime que le mandat du chef de l’État a pris fin le 7 février. Ce que ce dernier conteste.

La situation politique en Haïti devient de plus en plus critique. Des partis de l’opposition ont nommé, dans la nuit du 7 au 8 février, un dirigeant de transition face au président contesté Jovenel Moïse, qu’ils accusent de vouloir prolonger illégalement son mandat. Dans un message vidéo transmis dans la nuit à l’AFP, un magistrat de 72 ans, Joseph Mécène Jean-Louis, membre de la Cour de cassation depuis 2011, lit un court discours dans lequel il déclare “accepter le choix de l’opposition et de la société civile pour pouvoir servir (s)on pays comme président provisoire de la transition”.

Cet acte de l’opposition intervient quelques heures après ce que l’opposition politique, le pouvoir judiciaire et nombre d’organisations de la société civile ont considéré être le dernier jour au pouvoir de Jovenel Moïse. Ce dernier soutient que son mandat à la tête du pays caribéen court jusqu’au 7 février 2022. Ce désaccord de date est né du fait que Jovenel Moïse avait été élu lors d’un scrutin annulé pour fraudes, puis réélu un an plus tard. “Nous attendons que Jovenel Moïse quitte le palais national pour que nous puissions procéder à l’installation de Me Mécene Jean-Louis”, a déclaré à l’AFP l’opposant André Michel. (…)

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