Haïti, la France et la politique du pire (tribune de Frédéric Thomas / Libération)

Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est une nouvelle fois penché, lundi [22 février], sur la crise politique que connaît le pays. De nombreuses critiques ont été adressées par la représentante française au président contesté Jovenel Moïse. Dès lors, pourquoi continuer à le soutenir sous prétexte qu’il n’y aurait pas d’autre alternative ?

Manifestation contre le président Jovenel Moïse, à Port-au-Prince le 14 février. 
(Jeanty Junior Augustin/REUTERS)

Tribune de Frédéric Thomas, docteur en sciences politiques, chargé d’étude au CETRI – Centre tricontinental

La crise que traverse Haïti s’est encore aggravée ces dernières semaines, avec le refus du président contesté, Jovenel Moïse, de quitter le pouvoir, et sa volonté d’imposer un référendum constitutionnel (pourtant interdit par la Constitution) et des élections. La réunion du Conseil de sécurité des Nations unies de lundi a montré qu’il jouissait toujours du soutien international.

Au cours de cette réunion, la France, par la voix de sa représentante, Nathalie Broadhurst, s’est montrée la plus critique. Elle a rappelé sa «grande préoccupation» concernant «la dégradation de la situation». Et de poser «sans détour» la question : «Comment est-il possible aujourd’hui que Jimmy Cherizier soit toujours en liberté  De fait, que cet ancien policier, responsable du massacre de 71 personnes, en novembre 2018 à La Saline, quartier populaire de Port-au-Prince, n’ait pas été arrêté constitue l’un des signes les plus révoltants de l’impunité.

Exhortations sans conséquences

Paroles fortes, attitude critique, question pertinente. Du moins, l’auraient-elles été si cela ne faisait pas plus de deux ans que se répètent préoccupations et exhortations sans conséquence. Et si elles n’étaient pas adressées à Jovenel Moïse, principal garant de l’impunité et du statu quo, et prononcées par la représentante de la France qui n’a eu de cesse, en s’alignant sur Washington, de soutenir ce président, responsable de la situation actuelle.

Jimmy Cherizier, toujours en liberté ? Des vidéos de lui ont fait le buzz sur les réseaux sociaux, début avril 2020, quand il participa à une distribution de nourriture du ministère des Affaires sociales, et le 22 janvier, quand il prit la tête d’une manifestation. Son complice, Fednel Monchéry, ancien directeur général du ministère de l’Intérieur, également impliqué dans le massacre de La Saline, a été, quant à lui, arrêté le 11 février, pour un problème de plaque de voiture… avant d’être relâché.

Difficile, dès lors, de faire la part du cynisme et de l’aveuglement volontaire, de l’impuissance et de l’hypocrisie. Cherizier n’est pas seulement le premier chef de gang, il est aussi et surtout le principal marqueur de la collusion entre le gouvernement et les bandes armées. Le pouvoir s’appuie sur ces dernières, sur la classe dominante et sur l’international. L’impunité est l’huile qui fait tourner la machine. (…)

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Voir aussi:
Solidarité avec le peuple haïtien. Non à l’État de non-droit en Haïti ! (Communiqué de France Amérique Latine / FAL)
– Le Collectif Haïti de France demande à Paris de modifier sa position « par rapport à la situation actuelle en Haïti qui s’apparente à une dictature »
– Appel à solidarité pour peuple en danger (Lyonel Trouillot)
– Articles sur Haïti sur notre site