Haïti-Migration internationale : Bilan 2021 et perspectives 2022 (Wooldy Edson Louidor / Alter Presse)


Le 18 décembre a été proclamé Journée internationale des migrantes et migrants par l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (Onu) dans sa 81e séance plénière, tenue en date du 4 décembre 2000. Depuis, cette date devrait rappeler, chaque année, l’engagement de la communauté internationale de « veiller à ce que les droits humains de toutes les migrantes et de tous les migrants soient pleinement et efficacement protégés ».

Caravane de migrants centraméricains. Photo Johan Ordonez, AFP, janvier 2021.

Pour l’année 2021, la commémoration se tient dans un contexte international, continental (américain) et insulaire (relatif à l’île caribéenne, partagée par Haïti et la République Dominicaine) difficile, ponctué par des drames migratoires à répétition, des tensions diplomatiques et de grosses fissures dans la protection des droits humains des personnes migrantes, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.

De grosses fissures dans la protection des droits humains des personnes migrantes

« Environ 280 millions de personnes étaient des migrantes et migrants internationaux en 2020, soit 3.6 % de la population mondiale », selon l’Onu et l’Organisation internationale pour les migrations (Oim).

« Migrant.e » est, selon l’Oim , un « terme générique, non défini dans le droit international, qui, reflétant l’usage commun, désigne toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour s’établir, à titre temporaire ou permanent et pour diverses raisons, soit dans une autre région à l’intérieur d’un même pays, soit dans un autre pays, franchissant ainsi une frontière internationale ».

Il s’agit d’une définition générale, qui, à force de vouloir regrouper toutes les catégories juridiques, finit par diluer les nuances, les spécificités et les problèmes particuliers propres à chaque groupe, dont les réfugiées et réfugiés, les demandeuses et demandeurs d’asile et les travailleuses et travailleurs migrants, entre autres.

Cependant, ce terme dit générique a l’avantage de rendre visible un pan significatif de la démographie de l’humanité, dont une grande partie se trouve de plus en plus coincée dans les frontières non seulement géographiques, mais aussi juridiques, sociales, politiques et culturelles des pays de transit et d’arrivée, notamment celles liées à la discrimination sur la base de la couleur de la peau, de l’origine ethnique ou nationale, du genre, de l’âge, entre autres motifs.

« Faute d’action internationale dans le domaine des droits humains, le monde est en train de devenir de plus en plus dangereux pour les réfugiés et les migrants » : cette déclaration d’Amnesty International, prononcée à l’occasion de la présentation de son rapport annuel sur les droits humains dans le monde en 2012, vaut grandement pour l’année 2021.

La mobilité humaine, en particulier, celle des migrantes et migrants originaires des pays dits pauvres, tend à donner lieu à des drames migratoires partout dans le monde, alors que s’accroissent des tensions diplomatiques, entre des gouvernements, des États et des blocs régionaux, autour des problèmes migratoires.

On est en droit de se demander si la protection des droits humains des personnes migrantes, acquise au prix de tant de luttes depuis l’après-guerre, réaffirmée maintes fois par l’Onu, notamment dans sa proclamation du 18 décembre comme Journée internationale des migrants et migrants et pourtant de plus en plus fissurée à travers le globe, reste-elle une gageure à tous les niveaux.

En fait, le climat international de protection pour les migrantes et migrants s’est nettement détérioré au cours de l’année 2021, alors que la pandémie du Covid-19 (le nouveau coronavirus) n’a pas empêché les mouvements de population, volontaires ou forcés, qui « sont la conséquence de catastrophes, de difficultés économiques, d’une pauvreté extrême et de conflits, dont l’ampleur et la fréquence vont s’accroissant », reconnaissent l’Onu et l’Oim.

Ces mouvements de personnes, impliquant des enfants, des femmes, voire des communautés tout entières, sillonnent la géographie du monde et confirment, une fois de plus, la mondialisation de la migration et, donc, la nécessité d’une gouvernance mondiale de ce phénomène, par-delà la souveraineté de chaque État ; et ce, pour faire face à deux des défis contemporains majeurs sur l’échiquier international : éviter des tensions entre des gouvernements, des États et des blocs régionaux, et surtout garantir la protection des droits humains de toutes les personnes migrantes.

Tensions diplomatiques

À défaut de cette gouvernance mondiale, dont les mécanismes, institutions, règles et rouages institutionnels, politiques et juridiques restent encore à inventer et à exiger, l’humanité assiste, de plus en plus, à des prises de gueule et à l’escalade des conflits entre des pays, voire à la guerre des tweets, entre des autorités de part et d’autre, autour de la gestion des problèmes liés à la migration.

En Europe orientale, au cours du mois de novembre 2021, la tension est montée d’un cran entre la Biélorussie et l’Union européenne, qui a accusé le gouvernement de Minsk d’avoir orchestré la crise migratoire à sa frontière avec la Pologne.

La Biélorussie a fermement répondu à l’Union européenne, en réalisant des exercices militaires conjoints avec la Russie, considérée comme l’un des plus grands ennemis internationaux des pays occidentaux, en particulier, du bloc régional européen et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan).

On se souvient également, en novembre 2021, de la crise diplomatique entre le président dominicain Luis Rodolfo Abinader Corona et l’ex chancelier haïtien Claude Joseph, qui a répondu à une intervention du chef d’État du pays voisin, demandant à la communauté internationale de s’occuper de la sécurité d’Haïti.

Dans un tweet, jugé irresponsable par certains, l’ex chancelier a osé inviter le président dominicain à travailler ensemble avec les autorités haïtiennes pour améliorer la sécurité sur l’île entière, partagée par les deux pays. Offusqué par cette contre-attaque inattendue, le gouvernement dominicain n’a pas tardé à exercer des représailles contre les migrantes et migrants haïtiens se trouvant sur son territoire, dont les étudiantes et étudiants, et, par la suite, contre des femmes enceintes.

En Amérique du Sud, la situation des migrantes et migrants vénézuéliens en Colombie fait souvent l’objet de dérapages entre les gouvernements de ces deux pays voisins. Par exemple, en octobre 2021, suite à l’assassinat de deux jeunes vénézuéliens sur le territoire colombien, le président Nicolás Maduro a menacé de porter plainte par devant la Cour pénale internationale (Cpi) contre son homologue Iván Duque, sous le chef d’accusation lié au « délit d’extermination et persécution contre les personnes migrantes vénézuéliennes ». (…)

(…) Lire la suite de l’article ici