Les femmes d’Amérique centrale confrontées aux dures lois anti-IVG (AFP)
La libération cette semaine d’une Salvadorienne, emprisonnée 11 ans pour une fausse couche, reflète la sévérité en Amérique centrale des lois anti-avortement, interdit totalement dans plusieurs pays.
Teodora Vásquez, 34 ans, avait perdu son bébé en fin de grossesse, après une grave hémorragie. Un drame personnel interprété comme un “homicide aggravé” par la justice, qui l’a condamnée à 30 ans de prison en 2008, avant de confirmer la peine en appel fin 2017. Jeudi, elle a finalement été libérée et a retrouvé avec émotion sa famille, le Tribunal suprême ayant accepté de commuer sa peine.
Des législations parmi les plus strictes au monde
Mais d’autres Teodora existent partout dans le pays: au moins 27 femmes sont incarcérées au Salvador pour fausse couche, “en vertu des lois salvadoriennes draconiennes sur l’avortement”, a dénoncé Amnesty International, qui a appelé à leur libération. L’organisation a aussi exigé la “suspension immédiate de l’application de la loi sur l’avortement”.
Dans les pays voisins, les législations en la matière sont aussi parmi les plus strictes au monde: au Honduras et au Nicaragua, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est interdite en toutes circonstances, comme au Salvador. Au Guatemala et au Costa Rica, il n’est possible qu’en cas de danger pour la vie de la mère. Au Panama, la loi est plus souple, l’autorisant également en cas de viol ou de foetus non-viable. Plusieurs organisations – Catholiques pour le droit à décider (CDD), International projects assistance services (IPAS)… – s’en sont émues ces dernières annnées, dénonçant les décès causés par les avortements clandestins. “Vraiment, cette loi est injuste car elle condamne les femmes à mourir et les répercussions sont très dures pour une famille, à la fois économiques mais aussi pour s’occuper des autres enfants qui se retrouvent seuls”, déplore Magaly Quintana, qui dirige la filiale au Nicaragua de CDD. Selon elle, il est difficile d’obtenir les chiffres des décès de femmes dans ces circonstances, ou de savoir le nombre d’avortements ou fausses couches “car il y a un secret absolu sur les homicides, la mortalité maternelle et tout ce qui met en cause l’État”.
Avortements clandestins
Cette semaine, la vice-présidente nicaraguayenne, Rosario Murillo, a toutefois rendu publique la mort d’une femme en raison de complications dans sa grossesse, une semaine après un autre décès similaire. “Il y a des femmes qui sont mortes (dans ces circonstances), il n’y a pas de statistiques officielles, mais nous connaissons des cas concrets où, par peur du personnel de santé, les femmes n’ont pas été soignées à temps, avec le traitement requis pour leurs complications obstétriques”, raconte à l’AFP la directrice d’IPAC au Nicaragua, Marta Blandán. Dans la plupart des cas, il s’agit de “familles très pauvres, qui ont peur d’affronter les autorités locales ou reçoivent des pressions ou des offres matérielles pour renoncer à dénoncer la mort de ces femmes”.
Au total, 27 femmes sont décédées en raison de complications liées à leur fausse couche, avortement ou grossesse compliquée entre 2011 et 2015, selon le ministère de la Santé du Salvador. Au Honduras, le Centre des droits pour la femme, une association féministe, estimait en 2017 que 50.000 à 80.000 avortements clandestins avaient lieu chaque année. “L’avortement se pratique toujours, mais de manière clandestine et avec une mortalité élevée chez les femmes car les avortements ne sont pas réalisés correctement”, dénonçait Suyapa Martínez, du Centre d’études de la femme au Honduras (CDM-H), au moment où la légalisation de l’avortement thérapeutique était une nouvelle fois rejetée par le Parlement.
Deux cas de femmes enceintes ont ému la communauté internationale ces dernières années: Amalia, au Nicaragua en 2009, puis Beatriz, au Salvador en 2013. La première souffrait de cancer et la seconde de lupus, avec en outre un fœtus dépourvu de cerveau: elles n’ont pas eu le droit à un traitement pendant toute leur grossesse, le personnel de santé craignant de provoquer un avortement. Quand elles ont accouché, leurs bébés n’ont pas survécu et elles sont elles-mêmes décédées quelques mois plus tard, faute d’avoir été soignées à temps, selon des associations féministes.